Le social computing : un moteur pour la veille

Tout le monde l’a compris, la veille est un enjeu stratégique pour l’entreprise. Ceux qui ne l’ont pas forcément compris risquent de ne plus être là  pour en parler demain.

Mais la veille c’est difficile : tellement de sources, comment trier, comment réutiliser l’information… les entreprises qui se sont dotées d’un service ad-hoc savent qu’on ne mettra jamais assez de ressources pour répondre à  cet enjeu. Face à  la certitude de ne jamais pouvoir en faire assez, émerge peu à  peu l’idée selon laquelle ce travail pourrait être en partie « distribué » au sein de l’entreprise.

Un autre aspect est souvent relégué au second plan alors qu’il est essentiel : la veille ça n’est pas seulement glaner des informations à  l’extérieur mais également à  l’intérieur même de l’entreprise.

En effet le collaborateur est un collecteur de l’information trop souvent méconnu : il est au contact de l’extérieur, des fournisseurs, des clients, il veille sur son environnement afin de se donner les moyens de remplir ses objectifs…et le plus souvent l’entreprise va chercher dehors, et en retard, des informations déjà  présentes à  l’intérieur mais non identifiées.

50% du temps consacré à  la veille est ainsi dédié à  la collecte alors même que l’on devrait surtout s’occuper de l’analyse sans laquelle la veille n’a pas grande valeur. Car la bonne information n’est pas celle qui est stockée mais celle qui est utile et exploitée (voir également ici). L’information est un flux entrant qui diminue l’incertitude, la donnée un flux entrant qui ne diminue pas l’incertitude.

En permettant à  chaque collaborateur d’être source d’information en son sein, l’entreprise met la main sur une masse de connaissance à  sa portée mais qu’elle n’a jamais pu saisir. Si l’on se réfère aux références en la matière, Nonaka et Taguchi, la connaissance tacite (autrement dit présente dans l’entreprise mais formalisée nulle part) représente 85% de la masse globale de connaissance présente dans l’entreprise. J’ajouterai que la constitution de cette connaissance a eu un prix pour l’entreprise : l’expérience passée d’un collaborateur qui se paie le jour où l’on négocie son embauche, l’expérience acquise dans l’entreprise lors de l’execution des tches de chacun (dans le cadre de ses fonctions…donc sur du temps rémunéré par l’entreprise). Peut on accepter de laisser ces 80% inexploités lorsqu’on connait à  la fois leur importance stratégique ainsi que leur coût (même masqué) ? Assurément non.

Revenons en à  notre propos de départ : le social computing peut il être un atout pour la veille?

Evidemment puisqu’il permet à  tous les collaborateurs de diffuser leur connaissance, donc de la formaliser. A ce stade on passe du tacite à  l’explicite…la connaissance devient disponible…mais il ne s’agit pas encore d’information.
Le fait, via la possibilité d’identifier les expertises (en fonction de la connaissance publiée), d’intéragir et collaborer afin d’affiner un contenu, d’interpeler un expert ou de « jeter une bouteille à  la mer » permet de transformer cette donnée disponible et déconnectée d’un besoin, en une information issue de l’enrichissement et de la « circonstancisation » (néologisme ?) de la matière de départ.

Ce faisant on arrive, de plus, à  distribuer la fonction de collecte et d’analyse, les spécialistes de la veille pilotant en quelque sorte un « système de veille distribué », réplique des systèmes de calculateurs informatiques en réseau, où les ordinateurs seraient remplacés par les collaborateurs qui donneraient chacun une fraction de leur temps pour un besoin stratégique de l’entreprise.

Une dernière remarque sur l’inévitable « mais ils n’ont pas le temps »:

S’il s’agit d’un enjeu stratégique il faudra bien faire en sorte de leur en laisser, du temps.

Cette connaissance est déjà  existante…et les individus prennent du « temps masqué » pour rédiger leurs propres mémos à  vocation personnelle.

La masse de traitement obtenue en mutualisant une fraction du temps de chacun permet d’obtenir des résultats sans commune mesure avec la seule addition des temps consacrés.

Si collecter et analyser de l’information stratégique pour la mettre en phase avec vos enjeux n’est pas une priorité on peut, toutefois, admettre que tout cela est du temps perdu.

Sinon l’entreprise 2.0 organisée autour des outils de social computing me semble une forme efficace d’organisation pour face face aux enjeux de la compétition dans l’économie du savoir.

PS : Au fait je parle ici de veille distribuée…le concept de distribution dans les missions globales de l’entreprise me semble être une problématique capitale en termes d’organisation et le social computing me semble une réponse appropriée. On en reparlera…et plus vite que vous ne pouvez le penser…

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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