Entreprise 2.0 : initiatives de niches ou projet global ?

Il est un constat général : l’entreprise, pour maintenir sa compétitivité dans l’époque que nous vivions (et a fortiori dans celle qui se dessine) va devoir se parer de nouveaux atouts. On peut appeler cela l’entreprise en réseau, agile, distribuée, interconnectée, ou 2.0, cela relève d’une même réalité. On peut alterner les termes pour éviter les répétitions mais en ce qui me concerne je préfère le terme d’entreprise 2.0 car bien qu’il ne s’agisse que d’un vilain « buzzword » il traduit la compréhension d’outiller cette transformation afin de la rendre possible, et ce avec des outils d’une nouvelle génération loin des gros systèmes que nous connaissons aujourd’hui.

La question qui se pose depuis déjà  longtemps (et il y a tellement longtemps que j’ai abandonné l’idée de fouiller dans mes archives pour retrouver les articles où j’en parle) est de savoir si le passage vers l’entreprise 2.0 (ou le « shift » pour faire plus court) doit venir de l’entreprise elle même où s’il suffit de laisser les individus faire, en se contentant de mettre des outils à  disposition et attendre de voir ce qui arrive.

Je passerai sur la possibilité d’initiatives « sous le radar » car l’entreprise ne peut capitaliser dessus, il s’agit d’initiatives isolées qui peuvent se heurter aux règles en vigueur, voire, au pire, faire qu’une contre culture se développe en interne. Le seul fait d’évoquer cela prouve bien qu’il s’agit d’une demande de plus en plus forte des collaborateurs et que partant de là  l’entreprise ne peut refuser le phénomène. La question est dès lors : comment doit elle s’y prendre ?

Mon avis est que « poser les outils et attendre de voir » n’est pas acceptable : l’entreprise doit pouvoir maitriser à  minima ce qu’elle est et va devenir, elle a besoin d’un minimum de régulation interne et si elle décide d’améliorer les synergies internes elle ne peut se permettre d’attendre de voir ce qu’il se passe, et quand, et où. L’entreprise 2.0 vit par ses collaborateurs mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit avant tout d’une entreprise !

Et voici pourquoi l’entreprise 2.0 doit être un projet d’entreprise.

Je sais que j’insiste un peu avec la notion d’alignement mais elle est à  mes yeux essentielle. J’ai d’ailleurs lu hier avec plaisir ce billet de Bill Ives sur…l’alignement et la structuration des initiatives de type « entreprise 2.0 ». Au dela du billet lisez donc le second commentaire, celui du dénommé « Mike ». Que nous dit il…?

Son entreprise a décidé de « poser des outils et voir ce qui arrive ». De nouveaux usages se sont développés en certains points de l’entreprise puis ont fait tche d’huile. L’entreprise a donc réussi à  connecter tous les individus, leurs idées, leurs échanges, dans un phénomène d’adoption spontanée. Un vrai succès qui prouve que je me suis trompé…pas tant que ça.

Une nouvelle direction, plus old school, est mise en place, elle décrête à  peine arrivé que ça n’est pas une manière de travailler, banit les outils et reconstruit les silos et le modèle « command and control ». Que s’est il passé : fin des usages, retour quasi immédiat à  l’ancienne forme d’organisation.

Pourquoi : rien n’étant écrit dans le marbre, tout s’étant fait de manière informelle, la nouvelle organisation ne reposait sur rien de tangible. Si cela avait été érigé en mode de travail et d’organisation « noir sur blanc », il aurait été beaucoup plus difficile voire impossible de faire machine arrière.

C’est donc le projet d’entreprise qui prime tout. Et ce quand bien même les usages sont adoptés.

Bien entendu l’entreprise 2.0 vit par ses collaborateurs, leur donne de l’autonomie donc a priori il ne s’agit pas de process que l’on peut imposer. J’en conviens. Mais entre définir un process d’entreprise 2.0 (impossible à  mon avis) et définir un cadre organisationnel et managérial dans lequel les usages se développent plus ou moins spontanément il y a de la marge. Car ne l’oublions pas, l’entreprise 2.0 ne remet pas en cause la hiérarchie et n’a vas vocation à  casser tous les murs.

Pour garantir le succès et la pérennité des usages je reste convaincu qu’il faut que le « shift » soit un projet d’entreprise. Peut être très faiblement directif, mais qu’il doit reposer sur une volonté profonde et affichée de la direction.

L’entreprise 2.0 naitra par le haut et vivra par le bas.

D’ailleurs cela recoupe une récente étude Gartner où l’on peut lire :

« Pour profiter au mieux des bénéfices, l’entreprise doit adopter ces outils sur le fondement du déroulé d’une stratégie et non sur à  partir de cas isolés ».

 

On peut même en tirer quelques critères pour pronostiquer les chances de réussite d’un « shift 2.0 » :

– entreprise bienveillante, sans projet de changement : réussite possible (avec retour en arrière possible)

– entreprise décidée + volonté de faire évoluer l’organisation : réussite fort probable et ancrage fort dans la culture d’entreprise.
– entreprise défiante : développement d’initiatives « sous le radar » et création d’usages « parallèles » à  la marge de l’organisation. Efficace pour les groupes qui se seront réunis ainsi mais dangereux au niveau de la déperdition d’information et de savoir faire pour l’entreprise. Avec le risque de voir, de plus, se forger une culture dissidente dans des « poches de résistance » et de voir les collaborateurs se désimpliquer.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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