Quelle valeur pour l’information ?

La question de l’information est centrale dans le paradigme de l’entreprise 2.0. On a besoin de faire intéragir davantage de personnes par le biais d’échanges le plus souvent informels, c’est une donnée qui semble de plus en plus acquise. Tout cela, nous le savons aussi, parce que le contexte de l’économie du savoir (de la connaissance, de l’immatériel….choisissez ce qui vous sied le mieux) fait que la matière première nécessaire à  la création de valeur se trouve dans la tête des collaborateurs, et pas ailleurs.

Bien entendu, il faut du temps pour acquérir l’information à  titre individuel, il en faut également pour la restituer à  la collectivité, puis encore un peu pour qu’un individu récupère ce qui a été restitué, l’enrichisse éventullement et rende le tout disponible…et ainsi de suite dans un schéma « acquisition, traitement, restitution » qui se répète à  l’infini. C’est là  que le bat blesse souvent : chacune de ces activités prend « un certain temps ». Cela peut aller de 30 secondes pour partager une information captée à  l’extérieur comme une heure pour se livrer à  une analyse profonde. Entre le manager qui dit « mes collaborateurs ne sont pas payés pour produire de l’information car ça les empêche de produire tout court » et le collaborateur qui culpabilise car il a peur qu’on pense qu’il ne travaille pas…. nous avons là  un frein énorme à  la constitution d’une organisation apprenante adaptée à  la compétition dans l’économie du savoir, tirant le meilleur profit de ses knowledge workers, captant sa connaissance informelle (seul moyen de la valoriser).

Le problème est facile à  isoler : l’organisation ne sachant pas quantifier l’immatériel (d’ailleurs lorsqu’il va être question de valoriser son patrimoine immatériel dans son bilan comme cela va devenir logiquement la tendance ce sont les contrôleurs de gestion qui vont s’amuser), elle se borne à  quantifier le temps qu’il a fallu pour l’émettre, la traiter, la récupérer au pro-rata du taux horaire de la personne qui la produit. C’est simple et efficace. Ou au contraire, simpliste, inefficace, voire contre-productif.

Car :

– cela suppose qu’on valorise un contenu uniquement au regard du temps passé à  le créer. Alors que la valeur de l’information ne peut être mesurée que lorsqu’on s’en sert. Et à  chaque fois que l’on s’en sert. Ce serait comparable, au niveau financier, à  une option sur un titre : on sait combien on l’achète mais on ne connait le ROI que lors de l’exercice. A ceci près qu’on peut l’exercer un nombre infini de fois. Une même information peut faire gagner un grand nombre de fois une petite somme à  beaucoup de collaborateurs, ou peu de fois beaucoup, ou un mix des deux sachant que, bizarrement, la pertinence de l’information (qui détermine sa valeur) n’est ni croissante ni décroissante avec le temps.

– cela suppose qu’à  temps passé égal, une information venant d’un dirigeant a plus de valeur que si elle vient d’un manager. Et plus de valeur si elle vient d’un manager que si elle vient d’un simple collaborateur. A l’heure où l’innovation et le feedback permanent deviennent des leviers de performance, on sait que la bonne information ou en tout cas le bon input peut arriver de n’importe où. Quand on sait qu’une idée venant d’un simple opérateur sur une chaine permet, via une infime modification sur la chaine concernée, peut engendrer des bénéfices importans pour un coût quasi nul….

Que faut il en retenir ? Que plutot que de chercher à  comprendre la valeur patrimoniale ou d’usage de l’information on s’est toujours contenté, par confort et facilité, de se borner à  en mesurer la valeur d’acquisition. Cela était valable dans un système où l’information était un accessoire mais cette position risque d’avouer ses limites dans un système où l’information est valeur par elle-même, où elle n’est plus seulement un moyen mais une fin.

C’est amusant d’ailleurs, tout le monde assaisonne le 2.0 à  sa sauce, selon son métier (en mettant l’étiquette 2.0 sur des concepts souvent vieux de plusieurs dizaines d’années, soit dit en passant). Tout le monde sauf…les financiers. Je pense sincèrement que ce sont eux qui détiennent la clé du « paradigm shift » : qu’ils mettent au point des instruments de mesure / pilotage réactualisés et ils traineront tout le monde derrière eux, et la valorisation de l’information peut être un premier chantier où ils pourraient véritablement apporter quelque chose à  l’économie (et à  leurs entreprises en passant). Eux mêmes sont les premiers à  reconnaitre qu’ils fournissent des indicateurs de pilotage que beaucoup prennent pour des outils de décision…et qui mal utilisés amènent des décisions qui sont à  l’opposé que ce que les maitres des chiffres auraient trouvé logique et pertinent. Car finalement seuls eux détermineront la valeur que l’on donne aux choses…à  eux d’être ouverts et inventifs à  l’orée d’une période nouvelle non ?

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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