Entreprise 2.0 : quand McKinsey, les Geeks et Madame Michu finissent par se retrouver

Une des difficultés rencontrées dans les premières années par des projets de type « entreprise 2.0 » et plus globalement par tout ce qui visait à  remettre d’une manière ou d’une autre en adéquation la manière de travailler des collaborateurs avec les enjeux du moment était que les principaux intéressés allaient chacun dans leur direction sans trop prendre les autres en compte. Certains pensant que les autres allaient naturellement savoir où aller, d’autres se disant qu’on ne les écoutait pas.

Une époque en passe d’être révolue si j’en crois à  la fois mes observations et ce qu’on peut lire entre les lignes du récent Hype 2008 de Gartner sur les « web and users interactions technologies ».

En effet, comme je disais en titre, McKinsey les Geeks et Madame Michu ont enfin décidé de se parler.

De quoi parle-t-on ?

McKinsey c’est l’ami du PDG. Du board dans son ensemble d’ailleurs. Ca fait des années qu’il raconte à  qui veut l’enrendre que l’entreprise va devoir travailler en réseau, innover collaborativement, que le monde change et que le « knowledge » ne sera plus de la matière molle mais le carburant de la performance. A l’occasion McKinsey invite certains de ses amis, comme Gary Hamel, histoire de bien faire comprendre que l’entreprise telle que nous la connaissons n’a plus longtemps à  vivre, que le système fondé sur la hiérarchie et le « command and control » nous amènera à  notre perte et que d’ici très peu de temps il y aura trois types d’entreprises, celles qui auront profondément muté, celles qui muteront en retard et dans la douleur…et celles qui auront disparu.

McKinsey est très brillant et ceux à  qui il s’adresse le savent…c’est justement pour ça qu’ils lui demandent son avis. Et comme ils sont loin d’être bêtes ils comprennent bien le caractère vital de l’enjeu. Reste qu’il reste du chemin entre le fait de savoir et le fait de passer à  l’action (l’occasion de relire Sutton sur le sujet) et que ce qui a été compris par le board peine à  se traduire dans les fait. Pourquoi ? Parce que les autres participants à  notre discussions sont à  des milliers d’années lumières de ce genre de préoccupations et que le dialogue n’a pas vraiment lieu. Ensuite parce que ces nobles concepts liés à  la stratégie et à  la performance organisationnelle rencontrent rapidement des échos grossiers tels que « web 2.0 », « entreprise 2.0 », un packaging « branchouille » et techno-centré qui au mieux fait sourire, au pire inquiète.

Bref notre McKinsey se sent un peu seul. Et en tout cas incompris des « étages d’en dessous ».

Second participant à  notre débat, le Geek. Lui la stratégie, l’organisation et tout ce qui va avec ça n’est pas son truc. Par contre le web 2.0 si. Le geek fait des choses formidables dans sa vie avec des réseaux sociaux, des blogs, des wikis…il s’amuse mais d’une manière réellement efficace et se dit deux choses. La première c’est qu’utiliser ces outils dans l’entreprise ce serait beaucoup plus cool que les outils préhistoriques qu’il a sous la main. La seconde c’est que ça serait même super efficace. Trouver rapidement la bonne personne, la bonne réponse, échanger vite, créer un mini réseau ad-hoc dès que c’est utile, faire dans l’efficacité plutôt que dans le protocolaire. C’est tellement évident pour lui qu’il ne se rend pas compte qu’il propose une vraie révolution en termes de modes de fonctionnement. Il ne comprend pas non plus pourquoi on lui interdit d’utiliser les outils en question. Alors il fait « sous le radar » et ça marche bien. Ensuite il en parle autour de lui et d’un seul coup tout s’effondre. La direction qui pourtant écoute McKinsey se méfie de ce web 2.0 trop connoté. Ensuite, Madame Michu, dont nous parlerons plus tard n’a que faire de ces gadgets qui n’ont aucun sens pour elle. Et enfin Monsieur DSI fait barrage de tout son corps. Ah…lui ça n’est pas l’ami du Geek.

Vient donc Madame Michu. Madame Michu tout ce peuvent dire McKinsey et le Geek ça la dépasse. Elle est juste là  pour faire son boulot, et elle le fait du mieux qu’elle peut. Les discours de McKinsey ça la fait bien rire car au quotidien elle ne voit rien changer. Elle a d’ailleurs cessé d’écouter car si elle se mettait à  agir comme le dit McKinsey son manager la remettrait vite dans le droit chemin. En plus ce serait contre productif pour ses évaluations. Et elle ne voit pas comment, dans la manère dont on lui demande de travailler au quotidien, les gadgets du Geek pourraient lui simplifier la vie. Elle ne voit qu’une chose madame Michu, c’est qu’on lui demande à  la fois tout et son contraire et que finalement rien n’est fait pour lui simplifier la vie au quotidien. Mamie Michu, sa mère, travaillait à  la chaine et serrait des boulons sur une chaine de montage. Elle, elle résout des problèmes devant un ordinateur. Un changement radical…pas tant que ça car elle est soumise aux mêmes règles de fonctionnement que sa mère. Ca n’a plus aucun sens mais on a toujours fait comme ça, mais elle est fataliste et ne pense plus que ça changera un jour. Mais elle aimerant tant que l’organisation la serve au lieu de lui mettre les batons dans les roues. Attention : rien de péjoratif ici : dans l’entreprise nous sommes tous des Michu en puissance, ouvrier, manager, ou dirigeant. Même McKinsey et le Geek ont du Michu en eux. C’est d’ailleurs souvent un Michu qui empêche un autre Michu d’écouter McKinsey.

Pendant les 2 années qui viennent de s’écouler McKinsey a poussé des idées, mais sans vraiment s’attacher à  convaincre Madame Michu. Pas de sens, pas d’outils, on a mal compris ce que disait McKinsey ou en tout cas tout fait de travers. Le Geeks a poussé quelques outils…qui auraient bien servi à  McKinsey. Mais ils ne se sont jamais croisé, ou lorsque c’est arrivé n’ont pas essayé d’aller au delà  des « buzzwords » : aucun n’a jamais compris comment il pouvait et devait s’appuyer sur l’autre. Quant à  Madame Michu, elle a eu droit aux outils du Geek, inutiles dans son quotidien, ou au idées de McKinsey, ingérables sans les outils du Geek. Et n’a jamais eu l’impression que tout cela visait, en définitive à  lui simplifier son quotidien.

Bref, tout le monde pensait à  la même chose, à  son niveau, mais sans s’en rendre compte. Chacun disait la même chose mais dans une langue différente.

Il n’en reste pas moins, et Gartner le confrme, qu’ils semblent avoir appris et compris. Et que désormais ils se mettent à  table pour faire connaissance et parler de tout cela. En parlant la même langue. Monsieur DSI et Madame DRH continuent encore à  prendre leur café dans leur coin, seuls. Mais ils savent bien qu’il vont devoir rejoindre la table des autres car leur machine a café hors d’age va bientôt les lcher et il faudra qu’ils aillent se servir à  celle de nos nouveaux compères.

Ouf. C’est toujours mieux d’avancer ensemble que de stagner chacun dans son coin non ?

En tout cas le phénomène « entreprise 2.0 » a passé sa crise d’adolescence, il lui reste à  grandir tranquilement et être prêt à  devenir adulte dans les 24 mois qui viennent.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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