De quel réseau social une entreprise a-t-elle besoin ?

Besoin de synergies, de créer du lien, de faire plus avec moins : quelle que soit la raison invoquée officiellement et dans certains cas la raison officieuse, les entreprises se tournent désormais vers le bon vieux réseau, rebaptisé « réseau social » pour coller à  l’air du temps pour trouver de nouveaux gisements de performance.

Efficacité oblige, le réseau n’est plus une collection de cartes de visites qui trainent dans un tiroir et qu’on ne tient pas à  jour. Surtout qu’on a davantage tendance à  collectionner les cartes des extérieurs et non celles de ses quelques miliers de collègues. Le réseau s’est informatisé, « wébisé » et l’entreprise se demande comment « professionnaliser » un facebook, internaliser un linkedin. Le réseau social devient donc une application d’entreprise, des « spécialistes » de ce marché se sont positionnés et les éditeurs classiques essaient tous de placer une fonctionnalité « réseau », ça et là . Reste qu’il est frappant de constater que derrière un vocable unique et une fonctionnalité logicielle se cachent de mutiples réalités qui correspondent à  autant de visions de ce qu’est un réseau pour une entreprise. Ou en d’autres mots, quelles sont les formes de réseau utiles pour l’entreprise. Selon PWC l’avenir est aux « business networks », mais que sont il précisément ?

Il n’est pas question de discuter ici de ce qu’est un réseau. Je suis convaincu qu’il n’y a pas une forme générique, idéale, et qu’il convient d’adapter celle qui convient à  l’objectif qu’on se donne.

Quel est l’objectif de l’entreprise ? Permettre aux collaborateurs de dire qu’ils s’entendent bien et de le formaliser ? De dire qu’ils connaissent untel et pas untel ? De montrer qu’ils sont « intégrés » car ils connaissent du monde ?

Quel est l’objectif des collaborateurs ? Se créer un fan club interne ? Montrer qu’ils connaissent untel qui est haut placé ?

L’entreprise a des besoins multiples. Identifier les réseaux dits informels qui ne sont en fait que la manière dont les collaborateurs travaillent réellement et effectivement ensemble est l’un d’entre eux. Identifier des proximités humaines et « intellectuelles » pour former des équipes projet en est un autre. Il ne s’agit pas de savoir « qui fait quoi et avec qui » mais sur quelle(s) personne s’appuyer pour se donner le plus grand nombre de chances de réussir un projet, une mission précise.

Pour le collaborateur il s’agit de savoir à  qui s’adresser pour obtenir la réponse à  une question, bénéficier du retour d’expérience d’une personne qui a une certaine expérience d’une problématique donnée. Pas question d’étaler ses amitiés, ses préférences, il n’est pas là  pour ça et de toute manière n’aime pas le mélange des genres : facebook c’est pour les amis, linkedin pour son réseau professionel « global » et la solution d’entreprise pour son travail dans le cadre de l’entreprise en question.

Notons qu’on se rend compte qu’entreprises et collaborateurs ont finalement des attentes communes et partagent une vision semblable de ce qui a ou non sa place à  l’intérieur de l’entreprise. C’est rassurant et gagnerait à  être établi voire vérifié par l’exemple afin de dissiper des craintes essentiellement fondées sur des idées reçues.

Cela me ramène à  cette note d’Oliver Young de chez Forrester sur ce qu’il nomme la fonctionnalité la plus stupide de Sharepoint. Dans un contexte d’entreprise déclarer ses amis n’a pas de sens, on l’a bien compris. Ses collègues non plus : soit le réseau est réservé aux collaborateurs d’une entreprise soit il est ouvert aux fournisseurs, clients, partenaires, mais dans ce cas la fiche de chacun précise qui travaille pour qui ou qui fait partie de tel service dans une même entreprise. On peut se créer une « shortlist » de préférés, de personne à  qui on envoit souvent de l’information ou dont on suit les travaux plus spécifiquement mais elle n’a en aucun cas à  être publique.

La solution : le réseau doit être non pas déclaré mais constaté à  partir des intéractions effectives, dans le même esprit que ce qu’on peut trouver sur internet. Au travers des contributions, des échanges, des commentaires, des sujets traités, de la participation à  des projets on peut mettre à  jour ces fameux réseaux, identifier des personnes.

Attention toutefois : hors de question, en tout cas à  mon avis, de procéder de la même manière avec des outils tels que l’email qui justement ont vocation à  accueillir les correspondances privées. C’est déontologiquement limite et, si ce type de solution existe, je doute fort de sa conformité avec le droit français.

En tout cas le réseau est encore un exemple de plus des pratiques de l’internet grand public qu’il s’agit de professionnaliser pour leur donner une valeur dans l’entreprise. Il ne s’agit plus là  d’une manière de donner des nouvelles d’étaler sa popularité : c’est un outil de travail qui permet non pas de trouver des amis mais des ressources sur lesquelles compter. Et n’oubliez pas qu’une liste d’amis ou de collègues n’est pas un réseau, c’est une liste. Un réseau social professionnel  est qualifié et contextualisé en fonction d’un besoin précis.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
1,743FansJ'aime
11,559SuiveursSuivre
28AbonnésS'abonner

Découvrez le livre que nous avons co-écrit avec 7 autres experts avec pleins de retours d'expérience pour aider managers et dirigeants

En version papier
En version numérique

Articles récents