Quand l’évangeliste devient Evangalyst

Il y a quelques jours un Twitt de Luis Suarez m’a interpelé. Il y disait qu’en 2009 son titre d' »évangeliste » aller perdre de son sens et qu’il lui faudrait trouver autre chose. Il faut en effet se rendre à  l’évidence, la phase d’évangélisation liée à  l’entreprise 2.0 est sur le point de s’achever.

Il s’agit d’une phase où on fait prendre conscience à  une population que quelque chose de nouveau existe, que cela peut réellement être utile, de susciter également les réflexions sur un phénomène émergent. D’où le titre. Mais une telle période a une fin.

Lorsque la fin arrive vite cela signifie que le « quelque chose » a fait un flop. Soit parce qu’il n’apportait rien, soit parce qu’il était vraiment trop en avance de phase… en effet même le meilleur visionnaire n’apporte rien lorsqu’il a raison trop tôt.

Lorsque la fin tarde à  arriver ça ne veut pas dire que ça décolle mais que l’évangéliste est entêté ou perséverant.

Enfin lorsque la fin arrive dans un délais raisonnable cela veut dire que l’idée est arrivée au bon moment sur un marché qui n’attendait qu’un geste.

Je pense que l’entreprise 2.0 est dans le troisième cas.

Tous ceux qui, ayant le titre d’évangéliste ou opérant comme tel, ont opéré sur le sujet en témoigneront. Au fil des années les questions se sont posées de manière de plus en plus précises. On est parti de l’utilisation d’outils web 2.0 pour arriver à  des questionnements profondément liés à  l’organisation, au management, aux indicateurs etc… On est passé de « on pourrait faire des choses avec des outils web 2.0 en entreprise » à  « pourquoi le faire » (on ne rit pas dans la salle…il a fallu du temps pour que beaucoup se posent cette question essentielle), « comment le faire », « quels sont les impacts profonds », comment le situer dans une stratégie globale, une politique RH.

Cela ne veut pas dire que la partie est gagnée. Cela veut simplement dire que le débat se spécialise. Et qu’après avoir fait murir l’idée du 2.0 dans l’inconscient on revient à  ce qui est fondamental, l’entreprise. Avec à  mon sens une « détechnologisation » des débats. Et surtout une attente différente du marché.

Si l’outil est le ballon qui permet de jouer au jeu alors on va enfin se pencher sur les règles du jeu.

Quel avenir pour les évangélistes de l’entreprise 2.0 ? Et bien je pense que le titre pourra rester car après avoir poussé un concept global, le travail va se déporter sur ses applications. Ce qui va très vite nous amener non plus à  dire « c’est possible » mais « on le fait comme ça, à  telles condition » ce qui risque également d’être proche du sacerdoce dans les premiers temps. Beaucoup des évangélistes officiels ou officieux, selon que ça ait été leur métier ou simplement que leur parole portait en la matière, en tout cas ceux que j’apprécie de lire, sont des experts d’autre chose qui ont revisité leur sphère d’expertise à  l’aune d’une vision nouvelle. Pour eux pas de soucis, ils ont la matière. Je pense même qu’ils ont beaucoup appris dans d’autres domaines que le leur à  force de se frotter à  des réflexions systémiques et globales. Pour ceux qui n’étaient que des portes parole d’un message qui n’était pas toujours le leur sans vision ni compréhension dépassant le pur cadre de l’outil…ça risque d’être plus difficile.

Ceci laisse augurer pour 2009 des réflexions parfois « high level », parfois très terre à  terre et opérationnelles mais très orientées métier et organisation. L’évangeliste va peut être se muer en business analyst avec un fort aspect « émergent ».

Evanalyst ? Evangalyst ?

Peu importe, ce qui va compter c’est la capacité de descendre profondément dans les problématiques managériales et organisationnelles et dans la compréhension des objectifs et contraintes. Les vrais. Pas « collaborer », « partager » qui ne sont que des moyens fourre-tout mais bel et bien les mécanismes opérationnels créateurs de valeur. Et je pense que c’est ce que les entreprises, évangélisées ou en quête de foi demandent désormais (contexte aidant il est vrai). Passionnant.

Ironie de l’analogie religieuse, en termes de business c’est après l’évangélisation qu’on écrit l’histoire et non pas avant.

Pour en revenir à  ce qui avait provoqué cette réflexion…je ne fais aucun soucis pour Luis.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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