7 mots clé du web 2.0 à  manier avec précaution en entreprise

Si l’entreprise 2.0 trouve une partie de son origine sur le web, il est désormais évident que ce qu’on trouve sur ce dernier demande un certain toilettage pour passer les portes du monde des affaires. Un des points d’achoppement les plus évidents est une question de langage qui amène souvent deux personnes parlant de la même chose et étant d’accord sur le fond à  ne pas se comprendre. C’est souvent également de là  que provient le fait que, parfois, le sujet ne soit pas pris au sérieux par les (sérieuses) personnes que l’on essayait de convaincre.

C’était d’ailleurs une des conclusions des discussions ayant suivi l’entreprise 2.0 conference de Boston : l’entreprise 2.0 doit apprendre le langage de l’entreprise, et pas l’inverse. Confirmation dans ce billet avec quelqu’un de chez Booz Allen Hamilton (dont la plateforme 2.0 interne est un franc succès) : « je me moque de la manière dont on appelle ça, j’ai du travail à  faire ». Comprenons : la dimension business prime sur tout et c’est en des termes compréhensibles qu’il s’agit de formuler les choses sinon on n’a pas de temps à  perdre là  dessus.

Quoi qu’il en soit, voici quelques mots magiques que notre expérience du web nous amène à  replacer (même par inadvertance) trop souvent dans des discussions orientées « entreprise » et qui expliquent pourquoi notre interlocuteur nous regarde avec un drôle d’air (et que le premier qui n’a jamais eu ce sentiment lève le doigt ! ). Soit parce que les termes utilisés ne sont pas pertinents à  ses yeux soit parce qu’ils sont vecteurs d’inconfort.

Communautés : on ne va pas revenir sur le sujet tellement il a été traité mais même si la question des communautés se pose en entreprise depuis longtemps c’est un domaine souvent mal maîtrisé. Et puis le terme est connoté et rebute des managers qui sont en recherche d’efficacité opérationnelle et non d’échange de savoirs. Enfin, à  force de tout appeler communauté on a fini par appliquer des logiques communautaires à  des groupes de personnes à qui cela ne convenait pas de par la nature et l’objectif même du groupe. Ce qui a ajouté à  la sensibilité du sujet. Bref à  force de voir des communautés partout on a tué la notion et le risque que le terme véhicule vite une connotation déceptive n’est pas loin.

Usages : l’entreprise ne connaît pas le mot usage, sauf éventuellement pour parler d’us et coutumes à  vocation plus diplomatique que productive. Et puis le mot usage signifie règle non écrite adoptée au fil du temps (à  une échelle qui relève davantage du siècle que de l’année). Or, l’entreprise est plus à  l’aise avec les règles qu’elle édicte qu’avec celles qui sont adoptées, avec ce qui est formalisé qu’avec ce qui n’est pas, avec ce qui dépend plus d’elle que du bon vouloir des collaborateurs. L’entreprise a des pratiques, voire des process, elle peut valoriser certains comportements, mais ne comprend ce que des usages viennent faire dans son quotidien. Le responsable intranet comprendra de quoi on parle, pas l’opérationnel. Dommage car c’est à  lui, in fine, qu’on s’adresse. Quand on lui parlera de  « developper des usages » il comprendra « trouver une utilisation à  un produit que je n’ai pas demandé ». Perdu.

Conversations / discussions : allez expliquer à  un manager qui, depuis des années, fait tout pour réduire la perte de temps et de productivité due aux bavardages, qu’il faut désormais que ses équipes discutent, conversent et, pire encore, que son rôle est de stimuler le tout, et regardez son faciès se décomposer peu à  peu. Là  encore l’entreprise tolère les échanges (et si possible lorsque cela se passe dans un cadre formalisé) mais n’aime pas les discussions (sauf lorsqu’elle les sollicite…en gardant le droit de les stopper séance tenante). Là  encore on joue sur les mots mais lorsqu’on sait l’impact qu’une formulation inappropriée peut avoir sur la manière dont quelqu’un percevra, même inconsciemment, une information…

Animation : un terme mis à  toutes les sauces et qui trompe largement son monde en faisant croire que rien ne fonctionne si quelqu’un ne s’occupe pas d’haranguer les foules. Et là  encore, notre bon manager se voit mal en comique troupier ou en monsieur loyal. Homme de résultat il « manage » et laisse l’animation à  ceux qui ont le temps de se préoccuper de telles légèretés. Ce en quoi il n’a pas tort d’ailleurs…

Social : alors là  c’est plutôt franco-français comme débat. Pas besoin de vous expliquer pourquoi le « social » anglo-saxon, terme à  l’acception plutôt large, hérisse le poil des managers français en raison de toutes les connotations que notre culture locale lui rattachent. Et quoiqu’il en soit je pense bien que 95% de la population est incapable de rattacher quoi que ce soit qui ressemble à  collaboration, participation ou synergie à  « social ». Remarquons toutefois que lors de sa dernière intervention à  l’enterprise 2.0 conference de San Francisco, Andrew McAfee lui-même a mis en garde contre l’utilisation de ce terme trop connoté (même s’il ne l’est sûrement pas autant qu’ici).

2.0 : entreprise 2.0, marketing 2.0, truc 2.0…. tout cela s’inspire, il est vrai, de la déclinaison de la philosophie et des « usages » du web 2.0 à  des activités spécifiques. Quel pourcentage de la population sait que le web 2.0 existe ? Et est capable d’expliquer ce que c’est au delà  d’un terme entendu au journal télévisé ou à  la radio ? Aller parler bille en tête de « bidule 2.0 »  à  quelqu’un qui ne sait pas replacer la chose dans son contexte est le meilleur moyen de passer à  côté de son sujet. Sans compter la connotation « effet de mode » ou la peur devant ce qui peut être perçu comme une rupture brutale entre un avant et un après. N’oublions pas que 1.0 ou 2.0, chacun garde ses objectifs, sa fonction. Le « versionning des effets de mode » est bien loin de ses préoccupations quotidiennes.

Contenus : tout est dans les contenus que vont publier les utilisateurs. Il faut d’ailleurs assurer un minimum d’activité, notamment au début, en publiant des contenus. Là  encore nous comprenons tous ce que cela signifie. Mais pour le manager de terrain vous ne trouvez pas que cela sonne un peu « marketing ». Faisant face à  une surcharge d’information ou de données au quotidien, ses équipes également, il ne va pas en plus se lancer dans l’élaboration de contenus. Dans un contexte de travail on a de l’information…le « contenu » c’est ce qu’on met pour occuper l’espace, pour faire joli. C’est peut être intéressant, mais pas opérationnel. « Désolé monsieur, manager une équipe, atteindre des objectifs avec une équipe c’est de l’organisation et du management. Et on ne manage pas en faisant du marketing. Allez donc parler de vos idées avec les gens de la com’ d’ailleurs ». Pas faux. Là  encore chaque notion est pertinente mais il faut l’utiliser dans le bon contexte.

Vous me direz que je fais la fine bouche sur des mots. En effet le sens reste et n’a en aucun cas à  être remis en cause car sur le fond tout cela est totalement juste et pertinent. Mais, habitués que nous sommes à  être entre personnes « qui comprennent », avec une forte culture web, nous oublions que les mots que nous utilisons ont une connotation pour ceux à  qui nous parlons. Et au final le message qu’ils comprennent, la manière dont ils le visualisent, est aux antipodes de ce que nous voulions dire. Venus du monde de l’internet et de la communication, certains mots méritent d’être traduits en langage d’entreprise tout comme les usages du web (et ça on le sait depuis longtemps) doivent être professionalisés pour franchir les portes de l’entreprise.

PS : Ce billet est dédié à  l’ami qui m’a dit il y a quelques mois « ce qui me gêne avec tous ces trucs j’ai que j’ai l’impression que je vais me transformer en agence de communication interne alors que mon job est de faire en sorte que mes équipes livrent les projets en temps et heures »…et qui en les assemblant tous en une seule phrase m’a fait comprendre le fond de sa pensée…

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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