Du fun au travail ou du fun dans le travail ?

Résumé : si le coté ludique et fun des médias sociaux est souvent mis en avant il faut reconnaitre que les entreprises, si elles désirent toutes avoir des salariés heureux, ne sont pas prêtes à  payer dès lors qu’il leur semble comprendre qu’il s’agit de faire en sorte que les salariés s’amusent au travail. Qu’on considère qu’il s’agisse d’une forme de schizophrénie regrettable ou d’une culture d’un autre siècle le fait est là . Le « fun » ne saurait donc être l’argument majeur mais une conséquence heureuse d’un projet plus global et surtout…être gratuit. Les médias sociaux utilisés dans un contexte de travail offrent une possibilité que très peu de dispositifs ont pu proposer par le passé : plus que créer des espaces et des moments ludiques dans l’entreprise ils permettent de l’incorporer dans le travail quotidien, en faisant à  la fois une conséquence et un levier mais en s’inscrivant dans une logique d’amélioration de la performance qui intéresse…et rassure.

Au nombre des sujets qui m’inspirent souvent des sentiments contradictoires dans le contexte entreprise 2.0, il y a celui du fun au travail. Je garde l’anglicisme « fun » faute de mieux, on ne parle pas de bonheur, ni de joie…peut être qu’amusement pourrait faire l’affaire…

Il est une certitude partagée par tous, employés, managers, observateurs : des employés qui prennent du plaisir à  ce qu’ils font sont des employés plus efficaces…et cela se ressent de plus sur l’ambiance de travail. Et une des manières pour arriver à  cela est, d’une certaine mesure, de rendre le travail amusant, distrayant. Pareillement,  une bonne ambiance dans l’entreprise est également quelque chose de valorisé intuitivement. Notez bien toutefois la différence entre les deux : dans un cas c’est la nature même du travail et la manière dont on le fait qui est en cause, dans le second c’est plus une ambiance globale : on peut avoir un travail que l’on déteste mais apprécier le contexte dans lequel on le fait (quoique cela ne dure jamais éternellement).

Une des propositions de valeur de l’entreprise 2.0 est justement ce fameux « fun », certains allant jusqu’à  dire que dans un tel système, l’intranet ressemble à  une véritable fête qui réunit tous les salariés. En même temps que je souscris totalement à  ce principe, j’ai beaucoup de mal avec.

– Pour l’avoir vécu et le vivre, oui cela implique une relation différente des autres et même s’il s’agit d’un outil de travail je préfère me connecter le matin à  mon réseau social et ses espaces de travail que lancer mon client mail. Ca reste de la communication mais qualitativement cela n’a rien à  voir (en plus du fait que ce soit plus efficace également).

– Aucune entreprise ne refusera le fait de rendre ses salariés heureux.

– Il y a un nombre important (et je pense majoritaire) d’entreprises où la notion même de plaisir ou d’amusement ne peut se conjuguer avec le travail. Cela signifie qu’on perd du temps et qu’on serait plus productif sans s’amuser ou qu’on a pas assez de travail. Et où de toute manière ça n’est pas l’image que les collaborateurs veulent renvoyer à  leur management (il ne faut pas croire que le manager est toujours le tue la joie, il partage souvent une grande partie du patrimoine génétique de ses subalternes). On peut trouver cela dommage ou stupide, se dire que ça va changer, la question est qu’aujourd’hui c’est compliqué.

– La plupart des entreprises sont prêtes, si elles en ont les moyens, à  investir pour rendre le collaborateur heureux. Aucune pour qu’ils s’amusent au travail. Je ne dis pas qu’il n’y a pas des gens qui comprennent, mais si on arrive avec ce seul argument devant un comité de direction il y a peu de chances pour que budget passe…

– A la limite même si coté « efficacité » du projet entreprise 2.0 peut séduire, certaines peuvent tout de même se braquer sur le coté ludique…pour une simple question d’image ou d’estime de soi. Il s’agit donc d’un élément positif à  manier avec une certaine précaution.

Alors comment faire ?

C’est toute la différence entre « la grande fête sur l’intranet » et permettre des expériences nouvelles dans le cadre des tches quotidiennes. La fête sur l’intranet ne passera pas (ce qui ne veut pas dire qu’elle ne peut pas se passer…tout est question de gouvernance) par contre on peut inclure cette dimension « fun » dans le travail en :

– commençant par une approche très orientée « efficacité » : travailler mieux et plus efficacement est la priorité. Et c’est la partie visible, principale, de la proposition de valeur

– le coté « fun » permis par les nouvelles intéractions est considéré comme une agréable conséquence, qui vient avec le reste sans augmentation du prix.

– en plus d’un plaisir nouveau dans les intéractions, on peut également vendre que le coté « fun » des outils favorise leur adoption et donc celles des pratiques qu’ils supportent. Argument purement « ergonomique » bien sur.

Finalement ni plus ni moins qu’une manière politiquement correct de présenter une chose qui séduit tout le monde jusqu’au jour où il s’agit de sortir le carnet de chèques ou en faire l’objectif d’un projet.

Ensuite, comme je le disais ici, les plus visionnaires pourront aller plus loin en intégrant dans les outils de vrais dispositifs ludiques qui serviront de stimulus pour inciter les salariés à  faire telle ou telle chose qu’ils négligeaient auparavant par manque d’intérêt ou en raison du caractère rébarbatif de la tche. Ou parce qu’il s’agit d’une chose nouvelle à  laquelle il faut les sensibiliser. Un terrain vierge sur lequel tout est à  construire et qui peut, à  mon avis, permettre de créer des dispositifs (notamment RH) spécialement riches et novateurs pour qui osera défricher le terrain. En attendant vous pouvez allez vous inspirer de ces deux excellents articles :

Game Mechanics at work in the Enterprise 2.0?

Enterprise 2.0: Social Scorecards and Social Media Karma

Après tout si les serious games séduisent il n’y a pas de raison de ne pas arriver là . Et mettre le fun dans le travail plutôt qu’au travail est peut être le meilleur moyen de le rendre productif…de toute manière il finira pas entrainer l’autre.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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