Le social CRM n’est pas tant une affaire de média que d’approche de la relation client

Résumé : le social CRM tout le monde voit un peu où cela nous mène sans encore trop savoir quels en sont les leviers. Une erreur fréquente est de continuer à  gérer le client « à  l’ancienne, » comme une cible passive dont la seule fonction est d’acheter et sur le dos de qui on crée la valeur mais en utilisant de nouveaux canaux. Une pratique qui au mieux n’apporte rien, au pire nuit à  ceux qui la pratiquent. Il s’agit donc ici de revenir aux bases et manager la relation client au lieu de manager le client. Ce qui impose de repenser, point par point, les éléments de cette relation : son objet, les échanges, les identités des parties prenantes, son suivi et sa valorisation. Le social CRM n’est pas qu’une histoire de canal mais une approche nouvelle de la relation avec le un client désormais partie prenante et acteur actif d’un processus de co-création de valeur.

J’ai eu l’occasion de discuter avec Paul Greenberg, pape du Social CRM, lors du dernier Lotusphere où nous avons eu la chance de nous croiser. L’occasion de faire le point sur ce qu’est le SCRM et ce qu’il n’est pas, ainsi que sur l’état de l’art en la matière.

Notre premier constat commun a été que si tout le monde est d’accord sur les grandes lignes et la direction que prennent les choses, chacun a sa propre définition et sa propre vision. Est-ce un problème ? En aucun cas puisqu’il est évident, comme pour des choses telles que l’entreprise 2.0, que tellement de facteurs culturels, organisationnels voire liés au secteur d’activité d’une entreprise donnée influent, qu’il n’y a pas un modèle SCRM unique mais un concept SCRM à  décliner et traduire spécifiquement pour chaque entreprise.

Notre second point d’accord a concerné la question du « canal » social. Passer du CRM au social CRM ne consiste pas à  se borner à  utiliser des canaux nouveaux pour répliquer les comportements anciens. Par exemple se servir de twitter ou de Facebook pour « pousser » les mêmes promotions et news qu’on le faisait avec de bons vieux emailings. Au mieux c’est du social marketing, au pire c’est du spam et, en plus, cela énerve les personnes visées qui sont bombardées d’informations mais n’ont aucune réponse lorsqu’elles utilisent ce même canal pour parler à  l’entreprise (hé oui…c’est un canal bijectif contraiement à  l’email qui précise toujours… »Ne pas répondre »…drôle d’idée de la relation client non ?).

Conséquence des peux poins précédents : le social CRM est davantage une question d’approche de la relation client qu’une affaire de canal. J’irai même plus loin ; on peut faire du social CRM en « face to face », au téléphone, sur n’importe quel canal. L’important est de considérer le client comme une partie-prenante, un stakeholder, et en tirer toutes les conséquences.

Alors j’ai proposé à  Paul ce que serait ma vision a minima d’un programme social CRM :

Segmentation de l’audience en ligne et émission d’un message, d’informations, de contenus voire mise en place de services spécifiques à  chaque segment. Contrairement aux idées reçues, votre entreprise ne s’adresse pas à  une communauté mais à  de multiples communautés qui ne lui appartiennent pas nécessairement. Par exemple, une compagnie aérienne aura ses propres fans, les fans de l’Airbus 380, les fans de voyage, ses voyageurs « haute contribution », ceux qui sont coincés à  l’autre bout du monde en raison d’un « épisode neigeux ». Tous n’attendent pas la même chose : certains veulent du rêve, certains des infos « de l’intérieur », d’autres du service, d’autres des promos.. Certains ne seront jamais clients mais contribuent à  l’image de l’entreprise, certains sont de gros clients à  impliquer à  fidéliser, d’autres sont à  convaincre, à  acquérir.

Mise en place d’un processus de traitement des cas clients faisant que quel que soit le canal, le message rentre dans l’entreprise, est traité par les bonnes personnes (on parle là  de la jonction d’une logique d’advanced ou adaptive case management avec une logique de réseau social en interne) puis revienne vers le client sans rupture de flux. (Le tout sans perdre de vue que ça n’est pas la solution à  tout)

C’est un peu limité et minimaliste mais cela peut être un bon début. Et comme nous en convenions avec Paul, tellement peu d’entreprises en sont là  que ce serait déjà  un bon début.

Mais, au final, puisqu’il en ressort qu’il s’agit davantage d’une approche nouvelle de la relation entre l’entreprise et ses clients, voici en quelques points la manière dont je l’envisagerais.CRM signifie Customer Relationship Management ou Gestion de la Relation Client. Au final on s’est surtout concentré sur la Gestion du Client, faisant de ce dernier une cible passive  dont on essayait de controler le comportement plutôt qu’un acteur actif de sa relation avec l’entreprise. Son rôle était de consommer, payer et, surtout, se taire. Le SCRM, a mon avis, remet le R de Relation à  l’ordre du jour. Relation signifie échange, bijectivité et objectif commun autour duquel se solidifie la relation.

Faisons donc de tour de cette relation client revisitée.

Quels sont sont les piliers de cette relation :

L’objet

Une relation a un objet et dans le cas de la relation client il s’agit d’un ou plusieurs produits ou services qu’une partie désire vendre à  l’autre ou lui acheter. Cet objet qu’on a coutume de définir en interne et d’imposer au marché est de plus en plus « crowdsourcé », c’est à  dire que sa définition et le résultat d’un travail conjoint de l’entreprise et de son écosystème. Je ne reviendrai pas ici sur les nombreuses initiatives en ce sens qu’il s’agisse de porter attention aux feedbacks du marché sur l’existant comme la mise en place de véritables platformes de co-innovation.

On voit bien ici que l’approche s’affranchit du canal. Bien sur on va veiller sur ce qui se dit sur le net voire provoquer les échanges. Mais rien n’empêche un salarié qui a le client en face de lui de disposer d’un canal interne de remontée des remarques plutôt que les garder pour lui et sans cesse subir les mêmes reproches sans pouvoir rien y faire.

La vente

Autour de la vente même qui peut se passer online ou offline, il y a tout ce qui l’entoure et notamment la communication préparatoire qui en est souvent la cause. L’idée est ici de sortir du « push intrusif » pour passer à  la « conversation explicative ». On en revient à  la segmentation des communautés en ligne dont je parlais plus haut. Il s’agit d’informer, répondre aux questions de ceux qui s’intérrogent et venir expliquer ce que l’on fait à  ceux dont on se rend compte qu’ils ont un besoin que l’entreprise peut satisfaire.

En plus de la dimension veille, la méthode de ton seront capitaux. Il s’agit de se positionner comme apporteur de solution, avec humilité, sans imposer de discours commercial. Ce qui impliquera dans certains cas de se faire accepter de la communauté en question, de montrer patte blanche au préalable. Parfois il ne sera même pas question de parler du produit mais de donner conseils et informations sur des sujets périphériques afin de créer son empreinte, renforcer la confiance, montrer qu’on est là  en tant que membre d’une communauté et non en tant que parasite commercial.

En deux mots, il s’agit de passer du « achetez mon produit qui est le meilleur » à  « comment puis-je vous aider ».

Le suivi

C’est un sujet qui m’est cher. Une fois la vente effectuée il se peut que le produit ou service ne tienne pas sa promesse, fonctionne mal, ou que le client maitrise mal son utilisation. C’est tout ce qui touche au support client. Plusieurs options cumulables :

– avoir un canal de customer care sur les médias sociaux comme le font très bien Bestbuy, Delta Airlines ou, plus près de nous, Numéricable.

– mettre en place une plateforme de « peer care » où les clients peuvent s’entraider entre eux.

Ce qui est intéressant ici c’est que l’intéraction n’a souvent rien de « sociale » ou « communautaire » car on fait face à  une personne qui entend voir régler son problème personnel. Ce qui peut être social ici c’est la manière de le gérer avec une logique d’Advanced Case Management sans rupture de flux. Autrement dit, devant une problématique unique, réunir les bonnes personnes et les bonnes informations dans le cadre d’un template structurant mais flexible. Où l’art de rendre l’empowerment compatible avec la nécessité d’un minimum de confiance et de contrôle.

On se rendra compte à  l’occasion que se servir de Facebook ou Twitter comme d’un call center va nécessiter un minimum de process.

La valorisation

Lorsque la relation se passe bien, chaque partie peut en tirer le meilleur. L’acheteur en conseillant un « bon » achat à  ses amis, le vendeur en comprenant de l’acheteur les raisons de l’acte d’achat et s’en servant comme d’une référence vis à  vis de ses autres clients. C’est tout ce qui touche à  ce que l’on nomme le social commerce.

L’identité

Un dernier point, quelque peu périphérique mais pas inintéressant, est également la prise en de l’identité de chaque partie. Pour l’entreprise cela veut dire se différencier de ses concurrents, de par ses valeurs, sa culture…ce qui veut dire repenser globalement une communication plus transparente qui permet à  l’acheteur potentiel de la connaitre et s’en sentir plus proche. On a également un impact incident : le client est également un candidat potentiel. Bien mener cet aspect de la relation permet également de jouer positivement sur la marque employeur.

L’entreprise a donc intérêt à  mieux se laisser connaitre…mais également à  mieux connaitre ses clients. Je vous laisse découvrir cette vidéo de KLM qui montre, de plus, comment lier le online et le offline  non pas pour vendre mais renforcer l’attachement à  la marque par de petites attentions.

Quoi qu’il en soit et même si on ne sait pas encore ce qu’est une stratégie social CRM aboutie, une chose est évidente : il ne s’agit pas tant que d’utiliser des nouveaux canaux et de succomber à  l’effet Twitter ou Facebook et y aller à  tout prix mais avoir une vision « stakeholder » de la relation client qui se décline au quotidien sur tous les canaux, dans une logique de co-création de valeur.

En somme on ne crée plus de la valeur sur le dos d’un client qu’on manipule mais avec lui afin de générer de la valeur pour lui.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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