Passage à  l’entreprise 2.0 : changer les comportements n’est ni fiable ni suffisant

Résumé : le passage du modèle d’entreprise traditionnel au modèle 2.0 ou « social » repose sur une évolution des comportements. Cette évolution nécessite, le plus souvent, des actions à  l’égard des individus afin de les convaincre de suivre le chemin en question. Mais est-ce suffisant et, surtout, durable ? Il semble bien que non. Le comportement est conditionné par des éléments extérieurs qui s’imposent à  la personne dans le cadre du travail. Toute action ne visant qu’à  convaincre de changer de comportement sans approche systémique est donc vouée à  l’échec à  moyen terme. Les solutions en vogue sur le web social où les contraintes systémiques pesant sur l’individu sont moins fortes que dans l’entreprise ne peuvent donc être viables en entreprise.

On a coutume de répéter que pour réussir sa démarche entreprise 2.0 (ou Social Business…je m’y perd maintenant), il faut convaincre les collaborateurs. C’est une chose certaine quoique sujette à  question qui on est d’un scepticisme forcené. Vu le nombre de choses qu’un salarié peut faire et de comportements qu’il peut adopter sans être convaincu, voire en étant conscient que ce qu’il n’est fait n’est pas approprié, on peut se poser bien des questions. Quoi qu’il en soit il est communément admis que, dans le cas qui nous concerne, le changement passe par le changement des comportements qui, lui, passe par la conviction. Evangéliser, montrer, démontrer, inciter chaque jour.

Si cette approche est inévitable je ne pense pas qu’elle soit ni suffisante ni pérenne. En effet, là  ou beaucoup prêchent l’adoption par la conviction, je suis plutôt partisan du trio simplification, sens, alignement.

Sens et alignement parce que cela rend la chose non seulement plus évidente mais ne contraint pas le collaborateur à  se battre contre le système. Simplification parce que je n’ai jamais vu quelqu’un refuser quelque chose qui lui simplifie le travail…pourvu, là  encore, que les deux conditions précédentes soient réunies car si « plus simple » implique d’aller à  contre courant et faire face à  la désapprobation de ses collègues, voire de ses supérieurs, on en revient vite à  des choses moins risquées.

Ce qui précède montre une chose : lorsqu’on convainc les personnes de changer leurs comportements, le centre de gravité de l’entreprise les ramène toujours, un jour ou l’autre, à  revenir en arrière. Pourquoi ? Parce que les comportements qu’ils abandonnent sont la résultante de leur adaptation à  un système. Un système qui définit leurs objectifs, leurs modalités d’évaluation, les conditions de progression de leur carrière voire prescrit des comportements induits par l’habitude et la culture d’entreprise. Et bien sur le modèle managérial.

Souvenez vous de ce que j’écrivais ici sur les personnes qui à  elles seules peuvent, sans en avoir conscience, réduire à  néant tous les gains générés par les autres. On est à  peu près dans le même cas : la personne en question, parce qu’elle est située à  un point stratégique (de par son expertise ou son autorité le plus souvent), bloque le « flux de travail » de par le non-changement de son comportement. Et par quoi lui est dicté ce comportement ? Par le système ou la structure de l’entreprise.

C’est pour cela que, dans le billet en question, je parlais d’actions ciblées pour remédier à  cela.. Ciblées sur la personne car c’est son changement qui est au cœur du problème mais non pas en utilisant la personne comme levier (la convaincre voire l’exhorter à  changer) mais en utilisant des leviers qui vont impacter le système autour d’elle.

Combien de personnes a-t-on vu s’engager enjouées et convaincues dans le changement puis baisser les bras désabusées ? Elles avaient fait l’effort de changer mais leur environnement ne changeant pas elles se sont épuisées. On dit parfois que petit à  petit, chacun change sous l’influence du voisin et que cela rend le changement durable. C’est, je pense une demi-vérité. Lorsque cela se produit c’est que la masse a fini par faire bouger le système à  travers une prise de conscience de ceux qui le pilotent. Mais si ceux-là  ne réagissent pas on sait ce qu’il en advient sur le long terme.

Les actions visant à  faire changer un individu ou un groupe en les convaincant de l’utilité de nouveaux comportements sont un catalyseur de la réussite d’un projet. Mais hors d’une vraie démarche systémique leurs effets sont rarement durables. Toute démarche ne reposant que sur la conviction et l’évangélisation a donc des limites même si elle représente a priori une solution de facilité. A la différence de ce qui se passe sur les outils sociaux sur le web : les contraintes  des collaborateurs y sont moins fortes et il leur est plus facile de sortir d’eux mêmes de ‘leur’ système.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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