Je n’apprendrai rien à personne en disant que pour faire comprendre un concept nouveau à quelqu’un qui n’a aucun background en la matière, l’analogie avec quelque chose de connu est souvent le moyen le plus pédagogique de parvenir à quelque chose. Remarquez que ce moyen est également très pratique pour que la personne en question aide son « instructeur » à remettre un peu les pieds sur terre. Bien sur, on essaie de choisir une analogie qui « parle » à la personne concernée, soit en fonction de son contexte soit parce qu’il s’agit d’une référence connue et partagée de tous.
Au hasard d’une discussion l’autre jour, quelque chose m’est venu à l’esprit pour parler des sujets « 2.0 », « social » et autres. Ca ne vaut que ce que ça vaut mais c’est l’été, les vacances, alors on peut se permettre quelques légèretés.
Prenons l’exemple d’une galère. Vous savez bien, ce bateau avec des messieurs qui rament, d’autres leur hurlent dessus et un qui dirige. Essayons de nous imaginer l’évolution de la galère entre l’époque dite « 1.0 » et l’époque dite « 2.0 ».
Galère 1.0 : les galériens sont entravés par des fers et leur alimentation est réduite à la portion congrue.
Galère 2.0 : les galériens sont libres de leurs mouvements et reçoivent une alimentation convenable. Ca favorise l »engagement » qu’ils disent.
Galère 1.0 : le responsable des rameurs est équipé d’un porte voix et d’un fouet
Galère 2.0 : le responsable des rameurs parle doucement, écoute et distribue compliments et bonbons
Galère 1.0 : les galériens sont priés de ramer et se taire
Galère 2.0 : les galériens peuvent discuter entre eux de la meilleure manière de ramer et la mettre en œuvre sans formalités excessives.
Galère 1.0 : dans une flotte de galères, celles qui rament le plus vite arrivent avant les autres
Galère 2.0 : dans une flotte de galère, celles qui trouvent la meilleure façon de ramer la partagent avec les autres car ce qui compte c’est aussi d’arriver ensemble
Galère 1.0 : les galériens sont évalués au nombre de coups de rame donnés et au temps passé à ramer
Galère 2.0 : les galériens sont évalués à la distance parcourue
Galère 1.0 : le responsable de la galère n’a qu’un objectif : livrer la cargaison et la décharger sur le quai
Galère 2.0 : le responsable de la galère discute de la cargaison à livrer avec le client pour faire évoluer ses caractéristiques. Ainsi il refera d’autres voyages pour amener d’autres produits correspondant au besoin et, qui sait, arrivera à un produit moins lourd qui nécessitera moins d’effort à convoyer donc sera livré plus vite.
Galère 1.0 : le client attend la livraison
Galère 2.0 : le client vient récupérer la livraison a mi-chemin ou aide à ramer.
Galère 1.0 : tout ce qui approche de la galère est dangereux. Bateaux et autres poissons sont priés de s’écarter
Galère 2.0 : ce qui approche du bateau est une communauté. Ils sont priés de partir en avant et porter la bonne parole, dire que la galère et son précieux chargement arrive. Ceux qui restent sont invités à encourager les rameurs voire les aider dans leur effort. Lors du repas du soir on chante même « les pirates et les requins sont nos amis… ».
Galère 1.0 : le chef c’est…le chef et les rameurs des galériens.
Galère 2.0 : le chef c’est un community manager, les galériens et ce qui navigue autour, des communautés.
Galère 1.0 : les galériens rament parce qu’on leur dit de ramer et, au final, se moquent que le bateau avance ou pas tant qu’ils font leur boulot
Galère 2.0 : les galériens rament tous ensemble pour faire avancer le bateau, c’est un objectif qui les réunit et les transcende
Galère 1.0 : principe de base du galère management : ramer plus
Galère 2.0 : principe de base du galère management : ramer mieux
Galère 1.0 : on devient galérien…parce qu’on a trouvé ce job et qu’on avait les compétences (ou parce qu’on avait pas le choix)
Galère 2.0 : on devient galérien parce qu’on est passionnés par la rame, on ressent une forme d’extase à se lever le matin pour aller contribuer à cet effort de propulsion collective sur bateau dont on est fier, avec une communauté de rameurs qu’on adore
Galère 1.0 : suit un itinéraire pré-établi sans en dévier. En cas de tempête ça entraine des retards, voire des naufrages.
Galère 2.0 : l’équipage fait évoluer l’itinéraire en fonction du contexte. Ca lui permet d’arriver dans les temps et sain et sauf.
Galère 1.0 : L’erreur (retard, destination non trouvée, marchandise abimée ou apport d’une amélioration qui se révèle inefficace) se paie cher.
Galère 2.0 : l’erreur n’est pas un problème car c’est ce qui a permis à Christophe Colomb et découvrir l’Amérique en croyant aller aux Indes…ce qui est, l’air de rien, un excellent exemple de serendipité à fort ROI. Sans de tels principes, peu de chance d’inventer le bateau à vapeur.
Effectivement la galère 2.0 est beaucoup plus séduisante à la fois pour son propriétaire et ses employés. Oui mais…
On peut changer le mode de fonctionnement de la galère tant qu’on veut, personne n’a rien contre. Sauf le galère manager qui devra apprendre à motiver plutôt que donner des coups de fouets peut être… Oui mais, disions nous….
Si, pour le propriétaire de la galère, il n’y a pas, au final, davantage de ventes, davantage de revenu ou besoin de moins de ressources, la plus évidente des logiques sera de ressortir les fouets et les fers.
C’est toute la différence une galère et la croisière s’amuse.