Vers la fin de la serendipité ?

Résumé : la serendipité est cette faculté de trouver, forcément par hasard, des choses dont on ignore l’existence. Elle est incarnée sur le web par la multiplication des liens qui nous font naviguer d’idée en idée jusqu’à  nous faire découvrir des choses qu’on aurait jamais cherché. Toutefois l’évolution des moteurs de recherche et sites de réseaux sociaux peut mettre le phénomène à  mal : en proposant des résultats filtrés selon le profil social des individus, ils segmentent le web et sont à  terme un danger pour la découverte et la propagation des idées. En se reposant sur la popularité et la proximité, ces outils nous éloignent de la notion de pertinence. Une problématique qui sera encore plus importante dans le cadre de l’accès à  l’information en entreprise. Pour limiter la masse d’information par la pertinence sans ériger ce ressemblerait à  des barrières sociales invisibles, c’est sur le contexte et la corrélation qu’il importe de travailler.

La serendipité, c’est la capacité à  trouver quelque chose dont on ignorait l’existence sans le chercher spécialement. On l’a tous expérimenté sur le web : on fait une recherche, on trouve un résultat puis de lien en lien on tombe sur quelque chose dont on ignorait jusqu’à  la possibilité de l’existence. Cette serendipité repose en quelque sorte sur le facteur humain et la confiance.

Le facteur humain car ce sont les individus qui tissent ces liens qui nous amènent de réflexion en réflexion, d’idée en idée. La confiance parce qu’en fonction de ce qu’on sait de la personne on accordera un certain crédit à  ce qu’elle dit et aux sources qu’elle suggère. Bien sur c’est un mécanisme de long terme car la réputation ne se crée pas instantanément, pas plus que la confiance. Cela nous amène également aux mécanismes dits de curation.

Aujourd’hui la manière dont nous recherchons l’information sur le web évolue radicalement. Ou, pour être plus exact, la manière dont l’information nous est proposée. Avec la masse d’information dont les moteurs de recherche mais aussi Facebook disposent sur nous, nos contacts, nos habitudes, les résultats qui nous sont proposés sont filtrés pour nous correspondre. Dans la masse d’information correspondant aux résultats de ma recherche, on priorisera celle qui émane de gens qui me ressemblent, des résultats que je suis supposé apprécier davantage. Si vous vous demandez pourquoi, pour une même recherche, Google ne vous donne pas les mêmes résultats qu’à  votre voisin vous savez désormais pourquoi. Et pourquoi certains choses apparaissent sur votre page d’accueil Facebook et d’autres pas.

Plus cette logique se renforcera, moins j’aurai de chances de trouver des choses émanant de personnes qui ne pensent pas comme moi ou pensent à  des choses différentes. Ce qui me pose deux problèmes :

Celui de rester enfermer dans un courant de pensée en ignorant ce qui se dit par ailleurs

Celui, tout simplement, de ne plus accéder à  toute une partie de l’information disponible sur un sujet.

Google (et ses avatars), en voulant mon bien malgré moi, méconnaissent la différence entre ce que j’aimerais lire et ce que j’ai besoin de lire.

Une problématique qui n’est pas neutre non plus pour l’entreprise.

L’entreprise a d’autant plus besoin de ces mécanismes de serendipité qu’ils sont la condition sine qua non à  l’innovation et à  l’agilité (comme être agile sans détecter des opportunités inattendues).

Je parlais l’autre jour de l’intérêt qu’il y avait à  filtrer l’information sur des critères de pertinence en fonction d’un contexte donné afin de faciliter le travail des salariés. Ce qui avait entrainé d’ailleurs un commentaire pertinent, justement, sur la question de la pertinence et le risque de passer à  côté de certaines choses.

Cela va également contre la nécessité de collaborer transversalement, d’aller identifier personnes et informations au delà  des silos. Comment trouver des personnes qui ont d’autres métiers et d’autres préoccupations que moi mais qui, à  un moment donné, sont justement celles dont j’ai besoin.

Ambitions contradictoires ? Apparemment oui mais pas nécessairement.

On peut d’abord avoir une approche très simpliste en proposant deux modes de recherche. La première affinée en fonction de mon « profil social », la seconde plus brute.

On peut également avancer sur des nouveaux formes de critères. Ce que l’on nomme aujourd’hui « pertinence » n’est souvent rien d’autre qu’un amalgame de proximité (de l’émetteur) et de popularité (de l’information) sur un plan très quantitatif. Ca n’est pas à  proprement parler ce que je nomme de la pertinence. La pertinence s’appuie sur la notion de contexte ainsi sur que la corrélation entre les informations plutôt que leur popularité. Ce qui change tout. On y ajoutera également la notion de priorité : dans un contexte professionnel l’important n’est pas toujours de tout traiter mais traiter ce qui importe.

Bref, on a pas fini de parler de l’importance du search et de la « social business intelligence » dans le domaine de l’efficacité collective.

Et pour finir, cette intervention du même tonneau de Eli Pariser à  la conférence TED.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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