Ne dites pas à  ma mère que je suis community manager, elle me croit pianiste dans un bordel

Résumé : on a trop tendance à  affubler du nom « community manager » toute personne qui a une activité en ligne pour le compte de l’entreprise…même lorsqu’elle n’a rien de communautaire. L’abus de ‘buzzword » semble visiblement commencer à  inquiéter les candidats qui veulent davantage de précision sur la nature du travail et son articulation avec la réalité. Une vraie recherche de sens et de positionnement pérenne à  laquelle s’ajoute la peur de trainer ce titre comme un boulet dans le cadre de leur mission et même plus tard.

 

Cela fait plusieurs fois en quelques semaines que des contacts me demandent mon avis sur des problématiques relativement similaires. Assez pour que je finisse vraiment par creuser la question. A chaque fois la demande est à  peu près celle-ci « je suis en passe de changer de job, je suis très bien avancé dans mon processus de recrutement et on affine la fiche et l’intitulé du poste. Mais je sais pourquoi…je ne suis pas du tout à  l’aise avec ce titre de community manager. Tu en penses quoi ? ».

La première chose que j’en pense est que tous ont eu la chance de tomber sur des entreprises où, une fois qu’il a été validé qu’ils avaient le bon profil, on les associe à  affiner la définition du poste, à  le personnaliser par rapport à  leur propre compréhension des enjeux, des opportunités. Et c’est déjà  bien.

Maintenant venons en au fonds du problème. Il semblerait bien en effet, qu’une fois l’effet de mode passé, le caractère « buzzword » fourre-tout du terme « community manager » amène de plus en plus de personnes à  s’inquiéter sur l’intérêt du poste, ce qu’il recouvre exactement et, à  moyen terme, à  l’effet qu’aura une expérience de community manager sur leur CV d’ici quelques années.

Le problème du community manager est que c’est un rôle qu’on voit, selon les cas, occuper par des profils très divers qui vont du stagaire au senior quadra ou quinqua. Surprenant ? Pas du tout car c’est un terme qui recouvre un grand nombre de possibilités en termes de définition et de niveau de poste. Du jeune qui parle dans le micro au senior expérimenté qui pilote tout un dispositif. Si je regarde ce qu’en dit le Community Roundtable qui a procédé à  une analyse fine des pratiques, on trouve des :

  1. Community specialist
  2. Community manager
  3. Community strategist

J’y ajouterai une dernière espèce : les professionnels du service client à  qui on colle l’étiquette « community manager » simplement parce qu’ils se mettent à  opérer en ligne. Je parlais avec l’un d’eux il y a eu et je sentais une pointe d’énervement. « Je ne suis pas et ne serai jamais un communicant, on m’a collé une étiquette CM à  partir du moment où je suis passé sur certains outils en ligne. Mais si je suis un CM, le gars qui répond au téléphone ou celui qui reçoit les clients en magasin est un CM aussi ! Par contre je vois derrière ça un glissement très dangereux de mon job vers un métier qui n’est pas le mien, avec des objectifs possiblement contradictoires avec ma mission originelle. Peut être que nous avons une communauté en ligne…moi je vois surtout des milliers de cas individuels à  traiter un à  un. »

Ajoutons à  cela la confusion qu’il existe entre le terme anglo-saxon importé (community manager) et le terme français d’animateur de communautés et vous voyez pourquoi on nage en pleine incompréhension. L’animateur n’est pas toujours un bon manager et réciproquement.

Cette diversité est encore trop peu comprise par les entreprises qui mettent un peu tout dans le même sac. Pas étonnant qu’une personne expérimentée ait des doutes ou exprime une volonté de clarifier les choses quand on lui propose un tel poste.

D’ailleurs ces personnes à  qui je parlais avaient, à  mon sens, un questionnement très pertinent. En plus du niveau du poste (piloter un dispositif vs animer), l’interrogation portait sur le périmètre et l’objectif final.

– périmètre = mon poste est il cantonné au « online » ou dois-je aussi intervenir « offline ». Si on parle de mobiliser un écosystème de parties prenantes il faut que le online soit une dimension d’un programme plus global ayant un objectif plus profond que créer, animer et mobiliser des communautés.

– ce qui nous amène à  l’objectif final. Des communautés mais pourquoi ? Et sont-ce des communautés ou des parties prenantes de notre écosystème ? Et que voulons nous faire avec eux, pour quelle valeur partagée ?

Ce qui a amené une des personnes en question à  conclure à  la fin de notre échange : « En fait je dois davantage me positionner sur une logique d’écosystème, de parties prenantes et de valeur. Il y a différents types d’acteurs à  mobiliser, de différentes manières, pour différents objectifs. Le online n’est qu’une partie de l’ensemble, et d’ailleurs certaines actions pourront être 100% offline, d’autres 100% online, d’autres mixtes en fonction de la cible et du besoin. Si on réduit simplement le job aux communautés en ligne on va passer à  coté de quelque chose et surtout y passer beaucoup de temps sans trop savoir pourquoi. Il va falloir être vigilant sur l’intitulé du poste et la description. En plus ça à  l’air plus crédible et pérenne comme ça, plus rassurant qu’un intitulé « buzzword » qui veut tout et rien dire et n’aidera pas à  la compréhension de ma mission et à  ma crédibilité face à  mes interlocuteurs ».

Intéressante réflexion sur la nature même du community manager « professionnel » et son inscription dans une logique qui dépasse les effets effets de mode.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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