Vous faut il un directeur des médias sociaux au plus haut niveau ?

Résumé : faut il un directeur des médias sociaux au plus haut niveau de l’entreprise ? C’est la question que nombre d’entreprises se posent. Mais ce qui ressemble à  un signal fort peut rapidement conduire à  neutraliser le discours « social media » en le rendant plus isolé que jamais. S’agissant d’une nouvelle approche opérationnelle du fonctionnement de l’entreprise, des conseilles dispersés dans les différentes fonctions et métiers et aidant à  repenser les pratiques en lien avec le discours stratégique de l’entreprise seraient plus efficaces.

Les entreprises manquent de vision en la matière, ceux qui œuvrent sur le sujet manquent d’un sponsor à  haut niveau, l’entreprise manque de cohérence dans la multitude de projets qu’elle déploie…logiquement mettre un responsable des médias sociaux au plus haut niveau de l’entreprise aiderait à  remettre tout cela d’équerre. Et, tant qu’à  faire, pourquoi pas au plus haut niveau. On parle bien ici d’un Directeur des Médias Sociaux, alter égo des directeurs Marketing, RH, etc…

C’est le sujet qui revient de manière récurrente dans nombre de discussions.

A première vue c’est une excellente idée. Notre « Chief Social Media Officer », CSMO, pourra, de là  où il est, s’assurer de la convergence, de l’alignement, de la cohérence des projets menés. Il aura la voix et la légitimité pour sensibiliser ses pairs, proposer et faire adopter des projets, tenter de donner une certaine inclinaison aux projets lancés dans d’autres domaines, proposer une nouvelle approche à  des sujets traditionnels. La liste est assez importante à  ce stade pour que la question ne se pose même pas.

Oui mais…

De la même manière que je disais il y a peu que la compétence « sociale » ou « 2.0 » était une compétence secondaire, les médias sociaux, pour l’entreprise, ne valent que si on en sert pour supporter une certaine approche de la réponse à  un problème donné. Je dis « une certaine approche », parce qu’utiliser des outils nouveaux pour supporter des logiques anciennes risque surtout de vous emmener dans le mur.

Autrement dit, le CSMO n’apportera strictement rien s’il ne travaille pas systématiquement avec marketing, rh, métiers, etc… Vous me direz que c’est justement pour cela qu’on le met à  ce niveau. Une minute… Ca n’est pas parce qu’on siège à  un certain niveau qu’on n’est pas parfois la 5e roue du carrosse, celui qu’on écoute après tous les autres, et qui fait avec ce que les autres auront bien voulu laisser comme latitude et budget. Demandez aux RH, dans pas mal d’entreprise ils en savent quelque chose.

Donc d’une certaine manière, nommer un CSMO serait même le meilleur moyen de faire plaisir à  une frange de l’entreprise tout en neutralisant la question et l’enfermant dans un nouveau silo avec un joli emballage cadeau autour.

En plus un tel rôle serait ambigu. Responsable de nouvelles approches, des outils, des deux ? Dans le premier cas il devra convaincre l’IT pour avoir les bons outils, dans le second il sera en compétition avec elle, dans le troisième il va ennuyer tout de monde. Et puis une certaine expérience me fait dire que ce serait un signal très négatif et contreproductif à  l’égard du reste de l’entreprise. Un tel titre en fait, de facto, dans l’idée que s’en feront les gens, un directeur des outils. Et sur un malentendu c’est sa connaissance des solutions qui l’aura peut être amené à  ce niveau, pas ce qu’il capable d’apporter en terme de réinvention des modes opératoires. Un peu comme nommer un directeur des camions alors qu’on a besoin d’un directeur logistique…

En plus c’est une sujet tellement transverse que la personne, qu’elle soit d’origine IT, marketing, RH, métier….aura difficilement une vue globale du sujet et des enjeux.

Que faire alors ?

Cette question me rappelle celle qui s’est posée lors de la dernière élection présidentielle en France. Allait on avoir un Ministre du numérique, un secrétaire d’Etat ou … rien. Mon avis sur la question est clair : de la même manière que les compétences « social media » sont secondaires, le digital ou le numérique sont des concepts vides de sens, creux, si on les prend indépendamment de toute autre chose. Bref une instance dédiée au numérique est le meilleur moyen de ne rien faire de ce coté tout en neutralisant les zélotes. Il est largement préférable d’avoir des personnes à  forte sensibilité numérique dans chaque ministère pour faire du « numérique appliqué à  chaque chose qui compte » que d’en faire un camp retranché isolé dont l’expérience montre qu’il peut crier autant qu’il veut, il ne sera jamais entendu. Et ce quelle que soit l’envie et la compétence de la personne qui en aura hérité.

La même chose va valoir, à  mon avis, en entreprise. Mieux vaut un « monsieur social » dans chaque direction afin de les faire toute converger, l’ensemble de ces « social advisers » constituant une sorte de pôle d’expertise transverse. Car on n’est pas « social » de manière générique : il faut des profils et des expertises différents pour expliquer ce que cette évolution des pratiques (avant de parler outils) signifie en matière de RH, marketing, R&d, communication interne etc.

Alors bien sur rien ne garantit qu’ils seront davantage écouté que dans le cas précédent. Sauf qu’en multipliant les points de contact entre « social » et « business » on multiplie les possibilités qu’une ou plusieurs directions soient vraiment impactée alors qu’une direction « sociale » seule serait plus rapidement isolée voire muselée. Et la capacité d’écoute des directions sera largement proportionnelle à  l’impérative nécessité, expliquée au niveau du décideur ultime, de converger non pas sur l’utilisation d’outils nouveaux mais de principes et modes opératoires nouveaux, de manière généralisée.

Et s’il doit y avoir un « monsieur social » autant que ce soit le PDG dans les grandes lignes de sa stratégie. Que les « social advisors » aident les autres directions à  la décliner au cas par cas…et pour les outils on verra avec le monsieur social de la DSI.

Alors bien sur il y aura toujours des exceptions dues à  un contexte, au talent d’une personne, à  la culture d’une entreprise… mais en général le risque de l’isolement reste quand même prédominant.

 

 

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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