L’influence : un cache misère qui montre qu’on ne comprend rien à  la valeur

Résumé : dans un monde de conversation et de relation, l’influence devient le nouveau Graal qu’il s’agit de développer et mesurer. Mais l’influence ne veut rien dire si elle n’amène à  un moment donné quelqu’un à  accomplir une action positive impactant l’activité de l’entreprise. Considérée sans lien avec les indicateurs business traditionnels elle n’apporte rien sinon une vague capacité à  propager un message sans aucune idée de l’impact du message en question sur la transformation des décisions, actions et comportements.

Qu’il s’agisse de l’internaute ou du collaborateur, désormais ce qui compte est qu’il développe son influence. Conséquence : l’entreprise doit également apprendre à  mesurer cette influence pour savoir à  qui s’adresser, qui valoriser. Tant pis pour ceux qui croyaient qu’au final ce qui importait était de mesurer des choses tangibles telles que la production, les ventes etc. On est dans un monde de relation et de conversation donc tout cela est caduque. Vive l’influence.

Mais qu’est ce que l’influence ? je la définirais comme la capacité d’une personne à  amener les autres à  adopter un point de vue ou un comportement. Comment la mesurer ? Visiblement, si on regarde la quantité de services qui vous proposent aujourd’hui de mesurer votre influence et celle des autres sur le web, par le biais d’algorithmes complexes et mystérieux mais qui reposent sur des choses aussi simples que le nombre de personnes qui vous écoutent, ceux qui propagent votre message et à  combien de personnes etc. Quelque soit le calcul qu’on applique à  ces chiffres, on voit bien que la matière brute n’est guère qu’une question d’audience et de propagation.

Donc influencer ça n’est que communiquer. En partie, peut être. Car au final, si je me réfère à  ma définition, c’est communiquer pour arriver à  la réalisation d’une action positive qui, elle, impactera les bons vieux indicateurs du monde pré-conversationnel. En effet, quel intérêt pour un individu d’être influent si ça n’est au final pour se vendre ou vendre ses services. Je ne crois pas qu’être influent, sans travail et tirer le diable par la queue à  la fin du mois pour payer les factures soit une situation recherchée par quiconque. De la même manière, une entreprise qui améliore son influence et sa réputation…(pour toucher les influenceurs) le fait pour qu’au final son image s’améliore, sa notoriété croisse, que cela se diffuse par le bouche à  oreille pour, in fine….vendre plus ou recruter mieux. L’image n’a d’importance que comme levier de la performance commerciale et n’a ni valeur ni intérêt en tant que tel.

La conception de l’influence aujourd’hui relève donc uniquement de la dimension communication. Bien sur aujourd’hui il parait que travail, exécution et communication vont de paire et ne sont chacun qu’une facette d’une même activité. Oui mais, dans ce cas précis, on méconnait tout un pan de l’activité.

Conclusion : l’influence est une manière totalement biaisée et peu pertinente de mesurer quoi que ce soit. Définie et mesurée comme elle l’est le plus souvent aujourd’hui c’est au mieux inadapté, au pire une escroquerie. En effet elle doit se mesurer non de manière globale mais par rapport à  un objectif précis, une audience donnée, et prendre en compte la capacité non à  diffuser un message mais à  entrainer des action positive.

Exemple : Justin Bieber étant plus influent que Barack Obama, n’importe quel économiste ou prix nobel, voire que ma grand mère, il serait supposeé influencer mes actions plus que n’importe laquelle des personnes sus-citées. Vous comprenez bien qu’un tel présupposé est complétement idiot, mais la vérité est que c’est ce qui est aujourd’hui vendu et que, pire, beaucoup y adhérent.

En somme, tant qu’on ne sera pas capable de traquer le nombre d’actions engendrées par un influent, externe ou externe, il n’est qu’un mégaphone qui parle dans le vide et dont on espère que, loi des grands nombres oblige, la voix amènera certains à  faire telle ou telle chose. A la limite une mesure de probabilité serait beaucoup plus crédible même que cette loterie. Et là  apparait le vrai problème des modèles dits 2.0 ou social, appliqués à  la communication, au marketing, à  la collaboration ou l’organisation interne : faute de pouvoir tracer la valeur créée on s’en remet à  la mesure d’artifice nébuleux qui ne rendent compte que la partie superficielle des choses sans aller plus profond dans la démarche. Et ce qui est inquiétant n’est pas tant qu’on on en soit là , il faut bien démarrer par quelque chose, mais qu’on s’en contente allégrement.

Il faut donc passer d’une situation où on dit « untel il est beaucoup cité et son message porte loin » à  « untel a directement ou indirectement généré 3 ventes grâce à  sa prise de parole » ou, en interne, « en partageant cette info il permis un gain de % sur l’exécution de cette tche ou de ce processus ». Ca risque de demander du travail mais sans cela l’entreprise de demain, si elle arrive, risque de n’avoir pour seul objectif de mesurer l’air qu’elle brasse sans savoir où elle va.

En mai dernier, lors du Social Business Forum de Milan, j’ai eu l’occasion de discuter de ces problèmes de traçabilité avec Peter Reiser. On arrive aujourd’hui à  mesurer l’impact du partage et de la collaboration au niveau de l’information structurée. Un document partagé se voit associer un certain nombre de métadonnées qui permettent de savoir dans quels espaces collaboratifs il a été réutilisé. A partir de ce moment là , on peut associer le document à  l’exécution d’un processus donné et mesurer que lorsqu’on réutilise des choses existantes on a un gain de l’ordre de 20% sur l’exécution d’un processus par rapport à  repartir de zéro et réinventer la roue. Voilà  qui est concret et indiscutable. Maintenant l’enjeu pour quiconque œuvrant dans ce secteur de concevoir un dispositif similaire avec de l’information non structurée, plus volatile, dispersée, moins traçable a priori pour réussir à  relier une information à  une action positive et l’impact de la dite action sur un indicateur pertinent et significatif.

A défaut on ne sera jamais capables de mesurer l’impact de nouveaux modes de travail donc soit on les mettra en place sans pouvoir mesurer, piloter et améliorer et sans certitude qu’ils ont amélioré quoi que ce soit à  part un vague sentiment, soit on ne les mettra tout bonnement pas en place.

 

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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