Les RH sont ils prêts pour de nouveaux horizons ?

En deux phrases : si l’entreprise de demain doit être agile, ça ne sera pas que par son mode de fonctionnement mais également par son système de management des talents. Les RH sont elles prêtes pour ce nouveau challenge ? Il semble même qu’elles soient demandeuses…enfin, cela dépend du pays dans lequel on se trouve.

Inutile de raconter une nouvelle fois la tumultueuse histoire entre RH et « Social »/ »2.0 ». Un malentendu que j’avais résumé ici en prélude à  mon intervention sur le sujet à  HRTech Europe en octobre dernier à  Amsterdam. La solution aux nouveaux enjeux RH ne réside pas dans la technologie mais dans la réinvention des modèles et pratiques qui seront, ensuite et ensuite seulement, à  outiller. Si entre ce qu’on aperçoit des nouveaux modèles RH et les technologies sociales le lien est plus qu’évident, l’enjeu est donc surtout de commencer son chantier au bon endroit. Ce qui demande de bien avoir en tête l’objectif poursuivi n’est pas de déployer et faire utiliser des outils mais aider la fonction RH à  redevenir l’instrument de progrès et de performance qu’elle a été il y a quelques décennies avant de se perdre en route et proposer en 2012 un modèle qui n’a plus rien à  voir avec la réalité socio-économique du moment.

En bref pour accroitre sa résilience et sa capacité à  s’adapter et réussir dans un environnement complexe, en évolution rapide et à  cycles très courts, l’entreprise va devoir développer une vision talent plutôt qu’une vision ressource. A cela s’ajoutera une vision dynamique des programmes de gestion de vie du talent en lieu et place de l’approche planifiée et administrative trop souvent à  l’œuvre aujourd’hui.

C’est, rapidement résumé, le propos d‘Alexandre Pachulski dans Les nouveaux horizons RH. Alexandre part d’un constat difficilement contestable : un contexte nouveau dans lequel les Rh peinent à  mettre en adéquation leur offre de talent avec les besoins internes de l’entreprise.

Mais avant d’aller plus loin j’aimerais apporter une petite précision sur la notion même de talent qui pour le grand public peut sembler élitiste et exclusive alors qu’il n’en est rien. Le livre le montre bien il y a plusieurs approches du talent, plusieurs types de talent et je n’en retiendrai qu’une chose : le talent est contextuel. C’est la capacité à  apporter une plus-value dans un contexte donné…et l’évolution du contexte, l’imprévisibilité de notre environnement et les disruptions fréquentes auxquelles nous devons faire face mettent l’adaptabilité au cœur du talent au moins autant que les capacités intrinsèques de la personne. Mais nous y reviendront. Mais une chose est certaine : le talent est une question d’adéquation personne/contexte et en aucun cas de type de travail, de poste ou de niveau d’étude.

Après avoir défini le talent, le livre adopte une approche que je qualifierai d’orientée « cycle de vie ». Acquisition, fidélisation, mobilisation, développement… Et replace, à  mon sens, le « 2.0 » là  où il doit se trouver dans les ressources humaines : comme une manière de faire face à  un besoin avec succès.

La complexité de notre environnement économique et l’évolution sociologique font que l’entreprise doit composer avec des données totalement nouvelles :

– des profils de moins en moins normés, souvent entrepreneurs de leur propre talent

– une nouvelle manière d’appréhender la notion de carrière

– le besoin d’adaptation quasi temps réel de l’offre interne de talent aux besoins de l’entreprise amène à  repenser la notion de formation, d’apprentissage, de rendre le salarié leadeur et acter de tout ou partie de son propre développement

– l’émergence et l’obsolescence rapide de compétences et métiers nouveaux qui mettent à  mal la notion de fiche de poste et de métier dans la mesure où on doit apprendre à  identifier un talent sans aucun recul. Si beaucoup d’étudiants feront à  la sortie de leur école des métiers qui n’existaient pas lorsqu’ils y sont entrés et enchaineront selon certains au minimum une dizaine de métiers différents dans leur carrière, c’est une réalité à  laquelle les RH doivent également se préparer de leur coté  pour accompagner au mieux ces nouvelles trajectoires.

– les nouvelles générations (mais pas uniquement elles) ont intégré ce paradigme auxquelles elles associent des enjeux forts de développement personnel et de maintien de l’employabilité et sont prêtes à  rapidement quitter un emploi dès qu’elles n’ont plus l’impression de progresser et d’apprendre.

– et j’en passe…

En somme la performance de l’entreprise passe par une meilleure allocation des talents ce qui suppose qu’on soit en mesure de développer, identifier et mobiliser les bons là  où faut quant il faut. Une idée de marché interne où le talent serait en partie responsable de sa propre « offre », charge à  lui s’adapter aux évolutions du marché, un marché où les talents intéragiraient pour rester collectivement et individuellement pertinents et où les RH fixeraient le cadre, un certain nombre de règles et seraient facilitateurs du reste, sur les sujets où l’adaptabilité des agents est plus efficace que la planification centrale.

Et si on a beaucoup parlé de la contribution des Rh à  l’agilité de l’entreprise ça n’est donc pas pour rien. Pour votre information selon une étude présentée par Bersin & Associatesla fonction RH est l’avant dernière à  y contribuer…devant le juridique. Une étude que voici (la présentation n’est pas celle de HRTech mais les données présentées sont les mêmes.

Conclusion : que ce soit au niveau de l’entreprise ou du collaborateur, le « paradigme 2.0 » apparait ici comme permettant de mettre ces nouvelles pratiques en œuvre, de le faire plus vite et à  grande échelle. En effet il permet à  la fois une meilleure connaissance de l’autre, est un facteur d’engagement et d’adhésion et de fluidification du transfert de savoir de manière contextualisée, de pair à  pair pour ne citer que les éléments les plus marquants. Et là  les dispositifs technologiques sont de véritables leviers à  condition qu’on se soit d’abord posé la question de savoir pourquoi et comment devait faire des RH autrement.

Fruit de la longue expérience de l’auteur dans le domaine du « nouveau management des talents », « Les nouveaux horizons RH » nous donnent une ligne de réflexion nous permettant de comprendre le monde et les nouveaux enjeux RH, nous explique comment y répondre, le tout agrémenté de paroles de praticiens racontant comment, dans leur entreprise, ils ont commencé à  mettre en œuvre ces manières de faire nouvelles.

Dernier point, mais non des moindres,  Alexandre Pachulski évite avec brio le piège dans lequel il est si fréquent de tomber : « Les nouveaux horizons RH » n’est pas un livre sur l’adoption des nouveaux outils et réseaux sociaux par les RH, ça n’est pas une ode aux « RH 2.0 », c’est simplement une réponse pragmatique et argumentée à  une question : comment faire en sorte qu’en 2012 la contribution des RH à  la performance de l’entreprise et au développement des individus soit ce qu’elle devrait être ?

Reste la question que vous vous posez certainement : mais sommes nous prêts.

Le hasard du calendrier a voulu que je lise ce livre alors même que j’étais pour deux jour à  HRTech. J’ai été agréablement surpris par ce que j’y ai entendu et la manière dont l’audience a réagi. La conférence était composée de trois « pistes » : HRtech, plus traditionnelle, et NextGen Talents et Social Enterprise, un peu moins conformiste, plus disruptif voir prospectif. J’ai surtout suivi ces deux pistes et j’ai pu remarquer que l’audience était venue pour entendre cela, d’experts et de leurs pairs. Entendre des choses comme « si vous deviez reconstruire vos RH en partant de zéro ce soit, reconstruiriez vous ce qui existe aujourd’hui ? ». Comme « ce qu’on appelle formation n’est qu’en fait que se préparer à  apprendre…sur le terrain ». Comme « voulez vous rester comme la fonction qui contribue le moins à  l’agilité de l’entreprise ? Le « boulet » officiel de l’entreprise » ? Et lorsque ce discours est tenu par des RH qui parlent au RH le message passe. Ils savent qu’ils faut adopter un autre modèle et cherchent des exemples et des compagnons de route.

Et la piste plus traditionnelle ? Pour l’avoir suivi « de loin » sur twitter j’ai l’impression que le ton était également au changement et qu’on n’a pas hésité à  aborder certaines vérités qui dérangent. Le domaine de la gestion des talents semble bien à  l’année 0 d’un nouvel age, les outils gagnent en maturité et en cohérence et les entreprises commencent à  comprendre et mettre en place des manières de faire nouvelles.

Et le public (800 personnes)  semblait conscient et demandeur.

Un bémol toutefois. Alors qu’après événement je partageais ce sentiment avec d’autres conférenciers, on m’a répondu avec un clin d’oeil… »d’accord avec toi…malheureusement pour toi il n’y avait pas beaucoup de français… ».

Dommage qu’Alexandre n’ait pas pu être des nôtres, son livre aurait été fort cohérent dans le concert.

Ma présentation pour ceux que ça intéresse.

 

 

 

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Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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