L’expérience c’est bien, mais pour quelle valeur ?

Nous avons vu pourquoi la notion d’expérience s’imposait peu à peu dans la transformation digitale  et essayé d’en dégager les grande caractéristiques. Avant d’aller plus loin il est temps d’évoquer la valeur économique de l’expérience.

Je vois la chose sous deux angles. L’expérience est un facteur de marge et d’engagement.

L’expérience, facteur de marge

Qu’est ce que qui détermine le prix que vous êtes prêt à payer pour un produit ou un service ? Votre budget ? Non. Ca c’est la limite (et encore que…). La valeur intrinsèque du produit ou du service ? A savoir : prix de la matière première, coût de la main d’œuvre, le tout agrémenté d’une marge raisonnable ? Non plus. Ca c’est le prix auquel le vendeur doit vendre pour être rentable, pas nécessairement le prix que vous êtes prêt à payer. La valeur faciale (le prix sur l’étiquette). C’est que que vous paierez normalement in fine mais ça ne vous empêchera de dire soit « ça ne le vaut pas » soit « à ce prix là c’est une affaire ».

Je me souviens de cette discussion que j’ai eu avec un représentant d’une entreprise dont j’utilise beaucoup les services.

– Alors notre nouveau xxxx ?

– Pas mal.

– Tu veux rire. C’est le meilleur du marché !

– Heu…

– Regardes les chiffres : il les le plus ci, le plus ça etc…

– Ah bon….Et bien ça ne m’a rien fait.

Moralité : je n’étais pas prêt à payer ce prix pour leur produit alors que j’étais prêt à payer plus pour celui de leur concurrent « objectivement » moins bien. Objectivement seulement car il y avait un petit truc qui faisait que j’avais envie de l’un et pas de l’autre, envie de me frotter à nouveau à l’un et pas à l’autre et, en cas d’arbitrage budgétaire, j’étais davantage enclin à faire un effort pour l’un et pas pour l’autre.

Ce petit truc j’ai fini par lui donner un nom : l’expérience. Cela tenait à la mise en scène du produit, de ses avantages et, surtout, aux services associés. Lesquels services étaient peu ou prou les mêmes mais exécutés autrement. Bref, une perception totalement qualitative mais qui a la fin pèse dans une décision d’achat futur et ma propension à recommander l’un ou l’autre à mon entourage.

L’expérience c’est que vous permet :

– de vendre plus cher un produit équivalent à celui de vos concurrents (voire moins bien)

– d’améliorer le produit par du « soft » (service…) sans investissement lourd en R&D et en production

– de générer davantage de « repeat business » comme le mentionnait Manuel Diaz, donc un chiffre supérieur avec un coût de vente marginal inférieur.

– de bénéficier d’un fort taux de recommandation de vos clients (ou, pour les professionnels du marketing, d’un meilleur Net Promoter Score) et donc d’un coût marginal marketing également décroissant.

Bref une expérience client réussie c’est de la marge pour votre entreprise. Ni plus, ni moins.

Alors, comme toute chose l’expérience à un coût. Mais je le lie davantage à de l’innovation de service ou de l’innovation managériale dont les coûts n’ont rien à voir avec l’innovation produit.

Bien sur on me dira que les objets connectés sont un vecteur d’expérience et qu’ils vont demander un certain investissement coté produit. Je suis d’accord mais avec un bémol : sur les objets connectés la question de l’arbitrage entre faire et ne pas faire ne va pas se poser, ce sera une question de survie. Ensuite, lorsque les investissements initiaux auront été faits, la montée en expérience se fera par des mises à jour logicielles, pas des améliorations « physiques » sur les produits. Le digital permet de délivrer des expériences à grande échelle sans coût additionnel.

Prenons l’exemple de Tesla. Admettons qu’on se rende compte un jour que le confort de la voiture est meilleur en changeant le débattement des suspensions. Avec une marque normale il faut ramener les voitures chez le garagiste, faire les modifications. Une meilleur expérience qui a un coût et, de plus, impose un désagrément au client. Chez Tesla c’est une simple mise à jour du logiciel de la voiture qui va entrainer automatiquement un reparamétrage des suspensions. Meilleure expérience, coût moindre, désagréments moindres.

L’expérience facteur d’engagement et de productivité

Voilà pour la dimension client. Parlons maintenant des collaborateurs.

Je ne vais pas vous refaire pour la 100e fois le discours que vous avez lu partout. La grande majorité des collaborateurs sont désengagés et, d’un point de vue bassement financier, un salarié désengagé coûte à son entreprise alors un qu’un salarié engagé rapporte. On gagne plus d’argent avec des collaborateurs engagés que désengagés. Cela semble une évidence mais il est utile de le rappeler. Maintenant qu’on a dis ça que fait on ? On traque les causes de désengagement. Elles sont infiniment nombreuses mais je vais m’attarder sur quelques unes que je peux observer assez régulièrement.

Alors que la transformation digitale est le sujet chaud du moment, que constate le collaborateur ? Des budgets conséquents investis dans la relation client, le marketing et, de son coté, des outils dépassés (ça va prendre du temps et puis ça coûte cher) et des budgets faméliques pour la conduite du changement. Comment voulez vous qu’il ne se sente pas (pour reprendre un terme dernièrement entendu au détour d’un couloir à ce propos) le cocu de l’histoire.

Pas d’expérience employé, pas d’expérience client, pas de marque ni de marge.

La phrase de Peter Drucker selon qui « l’essentiel de ce qu’on appelle management consiste à rendre le travail des gens difficile » est également toujours d’actualité. Quelle expérience managériale veut on donner aux collaborateurs. Quelle expérience veut on leur donner dans leur travail avec les autres (on parle là de collaboration). Cela passe par le management, les modes de travail et les outils et a un résultat : engagement et productivité. On rejoint aussi le cadre des nombreux programmes de bien-être au travail.

Je reviendrai également au principe qui m’est cher de « symétrie des attentions ». Vos collaborateurs ne donneront pas à vos clients ce qu’ils ne reçoivent pas de l’entreprise. Et comme le disait le CEO de Mercedes-Benz USA : « ma marque c’est l’expérience client et l’expérience client suit l’expérience employé« . Pas d’expérience employé, pas d’expérience client, pas de marque ni de marge.

Et puis pour finir, quand on parle d’engagement, on parle aussi du fait que les collaborateurs achètent ou pas un projet d’entreprise. Ce qu’il fait qu’ils l’achètent ou non est un ensemble de chose : ce qu’ils entendent, ce qu’ils croient et cela en se basant sur des faits, du concret. Comme les clients qui achètent de l’expérience, le collaborateur achète une expérience d’entreprise et peut être que l’entreprise devrait davantage penser à son contrat d’expérience avec ses propres collaborateurs.

L’expérience client c’est la portance, l’expérience employé la poussée de votre organisation

Pour reprendre la métaphore aéronautique que j’avais utilisée pour la transformation digitale, l’expérience client est ce qui donne la portance à votre entreprise et l’expérience employé la poussée. (lift et thrust)

 

Crédit Image : Business Value via Shutterstock

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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