Nombreuses sont les entreprises qui s’engagent ou se sont engagées dans un processus de redéfinition de leurs valeurs managériales. Ce type de projet doit a priori impacter le comportement de chacun dans son rapport à son métier, à l’organisation et aux autres. Toutefois il n’en n’est pas toujours ainsi.
Recit d’une expérience vécue.
Une importante société a décidé de revoir son management afin de passer d’un style directif à un style basé sur la coopération, la responsabilisation et le leadership. Elle a pour cela déterminé des valeurs à promouvoir et expliqué ce qu’elles recouvraient. Le projet est en cours de déploiement depuis 4 ans et un bilan d’étape s’imposait.
Il s’agissait de visualiser le chemin parcouru dans le déploiement de ces valeurs et de formaliser les étapes suivantes. Mon idée était d’observer l’évolution des comportements sur la durée afin de voir dans quel sens et dans quelles proportions les chosent avaient évolué.
On décide alors de s’appuyer sur des groupes de travail afin de définir les dimensions à observer. Et là grande surprise: les participants ont un mal fou à donner des exemples de déclinaison opérationnelle des principes à promouvoir. On nous cite des principes, des synonymes des valeurs concernées mais rien qui puisse s’observer dans la vie de l’entreprise. Rebelotte avec le comité de direction puis la cellule RH. J’avais même l’impression qu’ils étaient surpris par le fait que je m’attende à ce qu’un changement de management entraine un changement des pratiques et des comportements. Alors pourquoi changer si rien de doit changer? Car ce qui compte c’est le terrain, les hommes et le fonctionnement de l’entreprise: avoit de beaux principes en tête sans qu’ils influent les actes de tous les jours n’est pas vraiment productif. Un sentiment confirmé par l’évaluation faite de la démarche: si individuellement chacun semble avoir bien compris l’intérêt de la chose et ses objectifs ainsi que le contenu du corpus de valeurs, l’appropriation collective qui doit amener les nouveaux comportements est considérablement en retrait.
Retour devant le paperboard avec une collègue. Des valeurs auxquelles personne ne trouve de déclinaison opérationnelle réelle ou attendue nous n’avions jamais vu ça. D’ailleurs la fin de la réunion avec les responsables a été évocatrice: d’abord supris, puis fermés à nos interrogations et propositions ils ont sur la fin conclu qu’il était « peut être temps de s’interroger vraiment sur ce point ». En synthèse ils étaient d’accord sur le contenu des valeurs mais sans avoir vraiment envisagé l’aspect opérationnel de leur déclinaison. Nous voici donc tous les deux à essayer de reformaliser les choses, leur donner du sens et un contenu « terrain » dans l’optique du prochain comité de pilotage sans donner l’impression d’avoir fait table rase de 4 ans de travail, sans que le « détricotage » soit trop visible. Et sans perdre de vue notre objectif de départ: visualiser le chemin parcouru donc trouver des dimensions observables en cohérence avec le projet et ses valeurs.
Eurêka! Une simple explication du contenu nous permet d’isoler une valeur centrale et de présenter les autres comme des moyens d’aboutir à sa réalisation. Là on trouve rapidement comment évaluer l’avancée faite sur chaque axe en retombant sur des attitudes managériales « connues ». Ouf….il nous a fallu quand même un après midi pour réussir à se placer dans une nouvelle logique qui ait un sens et qui soit réellement opérationnelle afin de continuer a avancer sans remettre en cause ni le projet ni ses valeurs.
Tout cela pour dire qu’un changement dans le style de management ne sera efficace que si derrière les valeurs à diffuser se trouvent des attitudes, des comportements concrêts, explicables, observables. L’enseignement que j’en tire est celui ci: si demain je dois mettre en place un tel projet je cherchera d’abord ce que je veux obtenir sur le terrain et ensuite déterminerai les valeurs qui l’illustrent, à faire l’inverse le risque que rien ne change faute de référentiel concrêt est trop grand.