Dans un post précédent j’avais promis un petit topo sur le marketing social. Si le terme heurte certaines sensiblités je n’y peux rien, c’est comme cela que ça s’appelle. J’ai failli le remplacer comme certains le font par « marketing RH » mais je me suis rendu compte que ça n’était pas la même chose. Une fois terminées ces disgressions terminologiques il est peut être temps de s’attaquer au fond du problème. On nous ressort le concept à toutes les sauces: c’est la conséquence de la mise en place d’une « bonne gouvernance d’entreprise », c’est le fruit de la nécessité de créer une « marque employeur », c’est…pleins de choses… Alors moi je me pose la question: on a trouvé LE concept de ce début de millénaire ou alors on a juste repackagé une partie de l’activité d’un consultant en management? Je vais donc essayer de répondre à ces questions: le marketing social qu’est ce que c’est exactement et à quels besoins cela répond il? Quels sont les moyens utilisés?
Le Marketing social qu’est ce que c’est?
Le marketing social consiste à aligner l’expression de l’identité de l’entreprise sur la réalité de cette identité. Il s’agit tant en interne qu’en externe d’avoir un discours unique, clair et cohérent. Vous allez me dire que j’enfonce une porte ouverte…et bien pas tant que ça. Si l’on résume, en caricaturant quelque peu, l’histoire des relations homme / entreprise depuis les années 50 on est passé d’un rapport paternaliste (identification, on fait sa carrière au sein d’une même entreprise, lien quasi familial) à un rapport plus élitiste voire « utilitariste » (nous sommes les meilleurs, rejoignez nous, nous vous offrons…., amenez nous…) qui collait totalement à la mentalité des années 80. Aujourd’hui les discours ont peu évolué alors que la réalité a profondément changé. En interne comme en externe on attend plus de franchise. On sait que le contexte bouge, que l’emploi à vie n’est qu’un vieux rêve, que la relation homme-entreprise est devenue une relation guidée par le besoin qui peut prendre fin du jour au lendemain. Aujourd’hui on attend simplement de l’honnêteté, la fin des discours mielleux et une réelle cohérence. C’est à cette nécessité que répond le marketing social.
Et la tche n’est pas aisée car elle suppose que l’entreprise sache ce qu’elle est et ce qu’elle veut être, ce qui dans un contexte économique instable, mouvant, internationalisé et multiculturel est loin d’être chose facile. On plonge là au coeur même de la stratégie d’entreprise, de sa philosophie et de son code de valeurs interne. On rentre aussi dans le ressenti et le non dit et j’imagine les difficultés parfois « diplomatiques » qu’il peut y avoir à formaliser un code et des valeurs jusque là non écrits.
Pourquoi?
Je viens déjà de répondre quelque peu à cette question mais je vais essayer d’être plus précis.
En interne d’abord, on veut une communication franche. Fini les beaux discours et les mirroirs aux alouettes. Il faut dire ce qui est pour que la cohésion se fasse autour d’une réalité. Laissés pour compte de la mondialisation triomphante (que ce soit à juste titre où qu’il ne s’agisse que d’un ressenti), l’employé veut qu’on s’intéresse de nouveau à lui et pas seulement en tant que ressource
En externe ensuite, pour les mêmes raisons, on n’attire plus les potentiels prometteurs en leur promettant d’avoir la satisfaction de travailler pour les n°1. Le discours d’autovalorisation de l’employeur est passé de mode: il faut vendre une certaine idée de la relation employeur-employé.
De plus de nouvelles générations arrivent sur le marché du travail avec une certaine idée de la vie, de l’équilibre privé/professionnel, de nouvelles valeurs. Si cela bouscule l’ordre établi dans nombre d’organisations c’est également la preuve que l’entreprise doit revoir pour partie son discours et sa philosophie.
Enfin (mais je pense que ce sera le sujet d’un prochain post) parce que pour qu’une entreprise avance il lui faut des leaders. Je parle de leader, pas de chefs! Le second essaie de faire avancer par autorité, le premier a une vision qu’il arrive à faire partager afin d’emmener les autres avec lui et les amener à progresser. Or c’est bien connu, les entreprises manquent de leaders. Une bonne diffusion du projet d’entreprise, une cohésion autour de valeurs partagées peut, en explicitant les choses, amener certains à trouver leur place dans le système et développer leur leadership de par leur adhésion à ce nouveau message. Sans communication ad hoc peut être seraient ils restés spectateurs de la vie d’une entreprise à laquelle ils sentaient étrangers.
Comment on fait?
Partant du principe qu’il vaut mieux se fier au Bon Dieu qu’à ses Saint, je me réfère à la politique de Guillaume Tell, cabinet de conseil français spécialisé en marketing social et, d’après ce que j’en sais, quasiment créateur du concept. Il s’agit de créer une marque employeur afin de faire adhérer pour plus de cohésion, d’attirer les meilleurs, de créer une communication, un style, un management… en adéquation avec les valeurs de l’entreprise. De mon point de vue c’est l’extention du champ d’action de la communication qui n’est désormais plus seulement orientée client mais désormais également orientée partenaires (j’entend par partenaires les partenaires internes, actuels, futurs, voire passés de l’entreprise….c’est à dire ses employés).
Rebelote: comment on fait pour créer une marque employeur? Et bien on essaie déjà de savoir ce qu’on est (ou plutot ce qu’on veut être, quitte à se lancer dans une telle politique autant se projeter vers l’avenir…d’ailleurs je vois le marketing social comme un très bon vecteur de conduite du changement) et on emploie tous les moyens pour communiquer afin de fédérer autour de cette identité. En effet tout cela ne sert à rien si personne ne s’y reconnait. Cela revient à mettre l’homme au coeur de l’entreprise, concept que l’on nous sert à toutes les bonnes tables du management. Je n’aime guère cette formule car trop « tarte à la crême », trop entendue, trop « politiquement correcte ». Par contre la réalité qu’elle recouvre est primordiale à mon sens. Bon c’est sur, parler d’entreprise humano-centrée est moins vendeur (mais ça me permettrait de toucher des droits d’auteur sur le néologisme!).
Reste à diffuser tout cela et là tous les moyens sont bons: journal interne, intranet, internet, campagnes 4*3, séminaires, réseau TV interne et pourquoi pas une radio à la cafet’… on vend une identité comme…heu non, avec les mêmes moyens qu’on vend une lessive. Et pourquoi pas? Si ça marche c’est un pari énorme sur l’avenir qui est gagné. Je ne vois pas pourquoi un moyen qui marche pour diffuser un message commercial ne serait pas approprié pour diffuser un message identitaire et managérial. Ni en quoi son utilisation ne serait pas « correcte ». L’important c’est que le message soit compris, intégré et qu’il impreigne les comportements et éclaire la manière dont chacun voit l’entreprise.
A mon sens tout cela n’a rien de nouveau. Ce qui l’est c’est l’utilisation conjointe de moyens jusqu’à présent utilisés de manière dissociée sans aucune cohérence stratégique. C’est la synergie entre communication interne et externe, stratégie d’entreprise, utilisation de moyens jusqu’à présent cantonnés au marketing « publicitaire », création d’une identité et d’un style de management et de communication (ordinaire ou de crise)…le tout aligné sur la stratégie de l’entreprise (c’est l’avantage de l’entreprise sur l’homme que de pouvoir choisir ce qu’elle veut être).
Conclusion
Fondamentalement rien de neuf dans tout cela. Ce qui change et est novateur c’est le « mix ». A mon avis cela correspond à un besoin réel..encore faut il qu’il soit identifié comme tel par l’entreprise et qu’elle se décide à revoir sa communication, à pratiquer une forme d’introspection et à assumer la réalité et d’éventuels décalage entre la réalité et sa perception.
En fait le marketing social c’est quasiment faire travailler ensemble un consultant en management et un publicitaire, Mintzberg et Seguela (Au fait Guillaume Tell est une émanation de Publicis…tiens donc!). C’est original mais ça peut être pertinent. Reste à voir si le besoin perdurera.
Et parce qu’il ne sert à rien de disserter sans donner un avis, je dirai que, à titre personnel, j’identifie deux grands enjeux pour la fonction RH dans les années à venir: donner du plaisir et créer de la valeur.
Donner du plaisir car on ne croit plus aux grands discours philosophico-politiques sur l’entreprise. Aujourd’hui il y a une demande de concrêt et d’immédiateté: normal, on ne sait pas (et moins que jamais) de quoi demain sera fait. Donc fini les discours lénifiants, bonjour le plaisir d’être ici, de faire partie d’un projet, d’une vision, d’un style de management.
Créer de la valeur car la fonction RH doit cesser d’être vue comme un centre de coût mais, et c’est à elle de le prouver et d’agir, comme un pôle de profit. Et une bonne communication interne, une vision et un style de management adéquats y contribuent, j’en suis sur.
Et je ne suis pas loin de penser que le marketing social répond, pour partie, à ces deux attentes.
Quitte à savoir si le nom même du concept est vendeur…? Par rapport au client oui, par rapport aux populations visées je ne sais pas si le public est prêt pour ça….