Et comme j’ai écrit mon titre sans point d’interrogation je vous signale qu’il s’agit d’une affirmation et non d’une interrogation. Par contre ça n’est réalisable que sous condition (et c’est là que le bt peut blesser chez ceux qui ont érigé la culture de la peur en mode de fonctionnement).
Autant mettre les pieds dans le plat tout de suite…ce fameux concept d' »Homme au Centre de l’entreprise » m’a longtemps fait sourire…sinon rire. Cela peut intriguer à l’heure où je me pose en héraut du « people centric management » mais vous allez voir que ça n’est que logique. Et que bien au contraire c’est non seulement possible mais aussi nécessaire.
Ce concept on l’a entendu pendant des années. En 1999 lorsque j’en parlais avec une amie qui en faisait son cheval de bataille je ne pouvais qu’esquisser un sourire. En effet qu’est ce que ça veut dire que de mettre l’Homme au centre de l’entreprise.
– prendre ses décisions en fonction des salariés? Quoi qu’on en dise cela a toujours été ainsi…en tout cas dans une certaine mesure. A part dans des cas extrêmes on a jamais vu une entreprise se complaire dans le blocage permanent de ses relations avec ses employés.
– ne prendre que les décisions désirées par les salariés? Idéale dans un monde parfait, c’est le dépot de bilan assuré dans la réalité.
– demander l’avis des salariés? Oui mais…Tout DRH ou RRH a peu près compétent sait qu’on ne pose de question dont on ne peut assumer les conséquences. Faire naître une envie ou une attente qu’on sait ne pouvoir satisfaire est pire que de ne pas prendre l’avis des gens. En gros oui à l’enquête d’opinion interne mais lorsqu’on est certain que le résultat correpond à ce que l’on peut (ou idéalement veut) mettre en oeuvre.
– prendre en compte les attentes individuelles? Pas mal…sauf qu’on ne peut pas toujours et qu’on risque de tomber dans le déceptif (voir point précédent). Partant du principe que tout le monde veut un travail intéressant, valorisant, bien payé, une réduction des horaires de travail, la possibilité d’apporter à son entreprise (et d’être reconnu ensuite), un CE sympa, de l’autonomie…il risque de ne pas en y en avoir assez pour tout le monde. En plus a satisfaire chacun individuellement il y a fort à parier qu’on ne satisfasse pas la communauté.
– améliorer le bien être de ses salariés? Pas besoin pour cela qu’il soit « au centre de l’entreprise ». On peut également bien traiter la périphérie…c’est juste une question de volonté.
– reconnaitre et valoriser l’individu…ça commence à ressembler à quelque chose…
En gros quand on disait « mettre l’homme au centre de l’entreprise » on pensait un peu à tout ça…et ça ne dépassait pas le concept fumeux.
Pourquoi?
Parce que pour les raisons expliquées ci-dessus l’Homme n’était au centre que lorsqu’on avait intérêt à l’y mettre (plébiscite, bonne conscience, calmer les esprits etc.). D’ailleurs l’expression portait bien son nom: on l’y mettait, manière de dire qu’il n’y était pas naturellement et qu’on pouvait le déplacer par la suite. On était dans le « aujourd’hui vous êtes au centre de l’entreprise, donnez votre avis et disparaissez jusqu’à la prochaine fois ». Bon je caricature…mais à peine.
Un discours creux (ceux dont vous savez que je raffole)? Mais en tout cas une excellente vision. Alors, où est donc le point d’achoppement?
Tout simplement du fait que le salarié au centre de l’entreprise comprend vite si on ne l’y met que pour faire joli d’une part, et d’autre part parce lorsqu’il est dans cette fameuse posture il continue à agir sous contrainte hiérarchique. On passe du « je vous demande de vous taire » à « je vous ordonne de vous exprimer ».
L’échec de ces pratiques montre qu’on a simplement confondu incitation et initiative. Plus concrêtement, on donnait aux gens la possibilité de faire…en les incitant fortement (comme je disais, on continue à sentir la notion d’ordre émanant de la hiérarchie) alors que pour y croire il leur faut l’initiative.
Je m’explique. Avant il y a la direction au centre et les hommes autours (ou au dessus et en dessous comme vous voulez…on a retenu la métaphore du centre car en redonnant la prééminence à l’individu on risquait de se retrouver avec un concept du genre « applatissons l’entreprise »). Or qu’est ce qui caractérise la direction si ce n’est le pouvoir de décision?
Donc si on donne l’initiative à l’Homme tout va mieux? (Quand je dis initiative c’est être à l’origine, choisir de faire ou de ne pas faire…). Pas forcément car on va alors dans le sens d’un transfert de pouvoir, on court-circuite la hiérarchie. Et on risque surtout de tout désorganiser.
On tourne en rond? Non si on réfléchit un peu: dans quel domaine la direction n’a-t-elle ni pouvoir, ni initiative ni force hiérarchique? La réflexion, la pensée, l’innovation. On a jamais pu obliger un collaborateur à penser ou ne pas penser, à avoir ou pas d’idées. L’avancée serait dès lors de lui permettre de formaliser tout ça et de l’exprimer (ou pas) à sa convenance.
Risqué? Pas le moins du monde. Toute idée est bonne à prendre pour l’entreprise qui désire avancer. Reste éventuellement pour cela à ce que le salarié joue le jeu. Il le fera si en retour il est reconnu et valorisé (hé oui…Maslow est toujours là ). Ca n’est pas pour rien qu’aujourd’hui des entreprises mettent en place un système incitatif pour amener les salariés à alimenter un système de management des idées.
Ne nous égarons pas sur des sujets qu’il sera temps d’approfondir ultérieurement et revenons à notre discussion de départ. On pourrait donc mettre l’homme au centre de l’entreprise.
Un tel système basé sur la confiance, le partage d’information, l’échange, la valorisation…ça existait à l’époque? Non, on était en pleine « informatique de process » avec des systèmes hyper structurés qui remplissaient très bien leur rôle mais manquaient de flexibilité pour gérer ce qu’on peut appeler de la connaissance ou de la création dynamique. De toute manière ils n’ont pas été conçus pour ça…le KM est supposé gérer la connaissance existante, pas la connaissance en cours de création ni la connaissance future.
Et un outil inspiré par les pratiques qu’impose peu à peu l’internet social (dit 2.0)? Finalement il y a presque identité de valeurs entre ces communautés virtuelles qui cherchent à générer et aggréger de l’information et une entreprise non?
En admettant que je n’aie pas encore l’esquisse d’une réponse à cette question je pense qu’il faudrait y réfléchir très vite.
C’est tout le sens de mon management people-centric (dit -lui aussi- 2.0).