L’entreprise: un produit comme les autres à  l’heure du 2.0?

C’est un sujet de discussion sans fin avec mes amis professionnels du marketing et des RP dont je pose les bases en 3 points:

l’internet dit « 2.0 » fait émerger de nouvelles pratiques sociales

les dites pratiques tendent à  une prise du pouvoir du consommateur

cette prise de pouvoir se caractérise (grossièrement) par une demande de transparence et d’exemplarité envers les producteurs de biens et de services d’une part, la constitution d’un réseau de bouche à  oreille, recommandation et libre expression du consommateur qui enlève à  l’entreprise son quasi monopole de la communication sur ses produits d’autre part. Ces pratiques avaient bien entendu cours avant, mais aujourd’hui plutot que de parler (en bien ou mal) d’un produit ou service à  ses quelques proches, on rend l’information disponible à  la terre entière.

Cela influe bien évidemment sur la manière dont chaque entreprise va gérer son marketing produit d’une part, ses relations et ses discussions avec ses clients actuels et potentiels d’autre part.

Une autre conséquence induite qui m’intéresse particulièrement, est que, dans ce contexte, l’entreprise doit aussi réapprendre à  se vendre elle-même. Vous me direz qu’elle le fait déjà , qu’elles ont toute un site web, des plaquettes et pour les plus grosses une armée de spécialistes (internes ou agences de com’) qui s’en occupent très bien. Soit. Mais le consommateur dont nous parlions quelques lignes plus haut est également à  ses heures: candidat pour un poste, investisseur (et parfois même soucieux de l’éthique)… il est même des consommateurs qui avant de se décider sur un produit (ou avant de le boycotter) s’intéressent de près aux valeurs du producteur. Et il ne voit pas pourquoi il n’aurait pas les mêmes exigences vis à  vis du producteur que vis à  vis du produit.

Un message corporate vendant « un employeur citoyen, un attachement au développement personnel, le respect de l’éthique… » n’a aucune crédibilité. Pourquoi? Parce que tout le monde a le même message, que le discours lisse et sans identité qui limite les risques ne contribue en aucun cas à  véhiculer une identité et une spécificité et que partant de là  vu que l’entreprise ne parle pas d’elle elle laisse aux autres tout loisir de le faire à  sa place.

Concrêtement cela donne quoi? Une entreprise qui vous vend épanouissement et pleins de choses très gentilles…c’est beau lisse, efficace (?!). Le problème c’est que dans google on tombe juste en dessous sur une page où l’on parle de son « méga plan social », des forums où les salarié se plaignent.

Alors pour s’informer sur une entreprise on demande aux amis, on va sur des sites non officiels (et donc à  la bonne foi variable).

Alors, comme, pour vendre ses produits, l’entreprise va devoir apprendre à  utiliser les mêmes moyens: être transparente, accepter la critique et y répondre sans langue de bois, se montrer telle qu’elle est. Dans sa communication elle doit désormais accepter l’échange.

Dans cette démarche je vais plus spécifiquement m’attarder sur la communication « corporate rh » en montrant l’intérêt de la revisiter complètement

1°) L’existant

Faut il s’étendre sur la question, allez voir la partie « rh » de n’importe quel site d’entreprise. C’est beau et propre mais sans grande personnalité. On y lit ce qu’on a envie d’y lire « progrès, épanouissement, entreprise responsable » à  tel point qu’on frise le niveau zéro de la crédibilité.

En blind test on aurait du mal de faire la différence entre deux entreprises concurrentes ou de deux secteurs d’activités totalement opposés à  la lecture de ces sites.

Autre point notable: une réactualisation aléatoire. On annonce des campagnes de recrutement massives alors que le jobboard est vide, on décrit une réalité idyllique alors qu’on est en plein plan social avec des syndicats et des salariés qui vous tombent dessus sur d’autres sites, on donne une image appaisante d’un métier que tout le monde sait éprouvant et difficile.

Moralité: on le convainc pas à  l’extérieur, pis on fait rire ou on passe pour mes « corporate liars » . Et quiconque a travaillé ou travaille chez vous a beau de dire « c’est vraiment de la poudre aux yeux ».

2°) Quel lectorat

Qui lit ce genre de site?

Les chercheurs d’emploi. Mais pas seulement…également ceux que vous essayez d’attirer et qui se renseignent pour un job futur.

Les investisseurs: le traitement qui est fait des salariés compte pour de plus en plus d’entre eux. Au delà  on note l’émergence de fonds d’investissement éthiques qui ne mettront pas leur argent dans une entreprise maltraitant son capital humain. Vous me direz qu’à  l’heure actuel le facteur « site rh » est neutre vu qu’on y apprend rien. Et si justement on le transformait en facteur d’opportunité pour l’entreprise?

Il y a aussi les clients. Commerce équitable, entreprise citoyenne…autant de raisons qui ont été invoquées pour lancer des campagnes de dénigrement et de boycott de tel ou tel produit. Manque de transparence sur situation difficile = vos produits vidés des linéaires par une horde d’activistes et une image durablement ternie. Une bonne image rh influe sur votre marketing produit.
3°) Les enjeux

Maitriser votre communication: laissez les critiques s’exprimer chez vous et répondez y plutot que s’enfermer dans une tout d’ivoire et les laisser s’exprimer ailleurs sans contrôle ni possibilité d’y répondre. Mieux vaut un dialogue constructif chez vous qu’une suite de communiqués de presse en réponse à  des critiques portées de manière diffuse un peu partout.

Attirer les « bons » candidats. A compétence égale certains sont faits pour travailler chez vous, d’autres pour aller ailleurs. Question d’ambiance, d’organisation et d’environnement. Deux concurrents peuvent offrir des contextes de travail totalement opposés. Mais à  la lecture de leur site on n’y voit que du feu. On postule chez les deux et si on est pris…on ne se sent pas chez soi, investissement moindre et on est susceptibles de partir du jour au lendemain si on trouve autre chose. Merci pour l’investissement en frais de recrutement, salaires et formation consenti jusque là  par l’employeur. Il y a ceux qui veulent travailler chez vous et il y a les « pourquoi pas ». Il faut tout faire pour ne faire signer que les premiers.

Rassurer vos troupes: donnez une image transparente, réagir, accepter la discussion…cela iflue également sur ceux qui sont en poste et voient qu’il n’y a pas de double discours.

4°) Que faire?

Adosser à  votre site corporate un blog rh. Il permet des mises à  jour simples et rapides et vous permet de présenter votre entreprise au quotidien même par des notes brèves. L’entreprise devient ainsi un lieu de vie avec ses codes et ses usages mais aussi ses à  cotés. On peut y parler de la politique rh de l’entreprise, valoriser des initiatives de collaborateurs dans ou en dehors de l’entreprise. Toujours se dire que si quelqu’un doit emettre une critique il vaut mieux qu’il le fasse en commentaire chez vous afin que vous y répondiez plutot qu’ouvrir son propre blog pour vous attaquer. D’autant plus que (j’appelle ça l’effet google) son blog sera toujours mieux classé que votre site plaquette dans les pages de résultats.

Profiter de sa flexibilité: la simplicité des outils mis à  disposition vous permet en quelques minutes d’écrire un article, et même d’insérer une vidéo. Montrez la vie de l’entreprise au sein des services, interviewez des collaborateurs dans un contexte de travail. La vidéo d’une personne à  son poste sur le vif sera beaucoup plus porteuse qu’une mise en scène terne dans un faux studio qui ne retranscrira en aucun cas la réalité de votre entreprise. Et n’importe qui peut sans aucune connaissance réaliser de telles présentations en un rien de temps.
De manière générale: ne pas laisser les autres parler de vous à  votre place.

Pour en revenir à  l’analogie que je faisais au début de cette article, l’entreprise a appris la transparence, la critique et la discussion quant à  ses produits. Pour coller aux exigences du monde d’aujourd’hui elle doit également l’accpeter pour son identité employeur. Et si cela doit l’amener à  une profonde introspection sur ce qu’elle est vraiment elle aura alors beaucoup gagné.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
1,743FansJ'aime
11,559SuiveursSuivre
28AbonnésS'abonner

Découvrez le livre que nous avons co-écrit avec 7 autres experts avec pleins de retours d'expérience pour aider managers et dirigeants

En version papier
En version numérique

Articles récents