Trois sujets que je devais traiter individuellement mais qui finallement vont fort bien se marier. Ou comment enchainer théorie, questionnement personnel et cas pratique…Souvenez vous de mon article du mois dernier sur l’organisation apprenante. Au stade le plus élevé de la démarche (apprentissage en double boucle), l’entreprise est donc capable de remettre en cause non seulement son modus operandi mais aussi ses fondamentaux, sa stratégie, son identité, en tirant parti de son expérience pour favoriser son adaptation à son contexte, son agilité comme on dit désormais souvent.
Les moyens de l’apprentissage
Ma première interrogation sur le sujet est « comment organiser l’apprentissage? ». En effet il faut bien apprendre de quelque chose…mais de quoi? Quelles experiences seront considérées comme assez significatives, qui en décidera, qui décidera également des correctifs à apporter, sur un mode directif ou consensuel?
Tout feed back provient des opérationnels. Toute décision majeure provient des fonctionnels. Reste à savoir sur quel critère on trie et soumet informations et correctifs proposés. Si on ne filtre pas le « fonctionnel » devient le bureau des requêtes, si on filtre trop on ote tout intéret à la démarche, partant du principe que l’autocensure est le pire enemi de l’innovation donc du progrès.
De la même manière si le correctif est décidé en prenant en compte le dysfonctionnement constaté mais est élaboré unilatéralement (nul ne peut tout savoir, surtout s’il est éloigné du terrain…ce qui est un constat et nullement un reproche) il risque d’être moins adapté que s’il avait été élaboré conjointement avec les opérationnels. Or le temps manque souvent pour cela…donc avec la remontée nécessaire du feed back il faudrait également fournir dans le même temps une réflexion ayant acquis une maturation suffisamment avancée pour fournir des éléments de prise de décision (voire une décision quasi opérationnelle) pertinents.
Idéalement on doit donc faire participer un maximum de personnes et au feed back et à la réflexion sur les correctifs. Le dysfonctionnement étant souvent identifié au niveau des opérationnels qui sont en prise avec le client, le bout de la chaine, ce sont ces mêmes opérationnels qui doivent avoir les meilleures pistes d’amélioration…aux échelons supérieurs de s’occuper de la validité de l’alignement des correctifs sur la stratégie (voire si nécessaire car c’est de leur ressort) d’influer sur la stratégie.
Culture de Veille
Cette réflexion n’est que la démonstration d’une autre nécessité: sensibiliser chacun dans l’entreprise à la veille. Cette sensibilisation ne se fera que si on se rend compte que la veille est utile (mes informations sont exploitées, idéalement l’analyse que j’ai pu formuler a servi de base à une action…).
Tant qu’à penser en terme collectifs, rendons l’intelligence elle aussi collective et faisons en sorte que la veille sur l’activité de l’entreprise, le tri des feedback pertinents et la fameuse maturation de la décision soit issue du groupe, pour des raisons que le paragraphe précédent rend relativement évidentes.
Un outil adapté
Reste à structurer tout cela dans l’entreprise du XXIe siècle avec ses contraintes, ses systèmes et son contexte. La boite à idée et le tableau couvert de post its ont fait leur temps en la matière et il faudrait penser à quelque chose de plus adapté. Aujourd’hui la vie de l’entreprise se passe sur l’intranet or s’il permet de stocker et mettre à disposition (avec un succès plus ou moins évident) de l’information validée, l’intranet n’a pas jusqu’à présent permis (ou simplement eu vocation) de susciter un véritable travail d’échange et de co-construction. Une raison à ceci: ces travaux nécessitent une part de discussion, de rapports humains et de confrontation, une part d’innovation que des outils aux champs et traitements stéreotypés étaient bel et bien incapables de fournir.
Peut être que les intranets 2.0 évoqués dans le rapport Razorfish et dont on a, il me semble, un excellent exemple avec blueKiwi ouvriront enfin la voie à de telles pratiques. En tout cas ils les permettront, reste à l’entreprise à les adopter dans son contexte humain.
Qu’en penseraient nos amis avocats?
Non je ne suis pas tombé sur la tête et il y a véritablement un lien avec ce que je viens d’avancer. Tout vient d’un article de la Tribune sur lequel je suis tombé par le plus grand des hasards. On y parle des « knowledge management lawyers » (l’article est ici mais pour ceux qui n’auraient pas envie de payer je met également en lien un article du juriforum abordant la même thématique). Les KM lawyers sont des avocats expérimentés chargés de faire une veille sur la jurisprudence, l’actualité juridique et de contribuer ainsi à élaborer la doctrine du cabinet, reprise alors par l’ensemble des autres avocats du cabinet.
Cette démarche est jugée comme éminemment stratégique par les cabinets anglo-saxons et commence à toucher la France où Fidal, par exemple, s’est lancé dans une telle démarche de gestion des connaissance.
Maintenant lorsqu’on connait quelque peu la profession je les vois très mal remplir des bases de données sans possibilité de discutter, de débattre et co-construire la doctrine du cabinet. Leur mode même de fonctionnement ainsi que leur profession les rend plus en phase avec un outil où leur expression serait libérée qu’avec un outil où elle serait trop formatée pour qu’ils soient à l’aise avec.On pourrait même avancer qu’avec un outil adéquat ils soient moins pris par leur travail de veille ou qu’on puisse élargir le groupe des participants à la discussion. Dans ce sens il n’est pas innocent (voir mon article sur la journée KM de l’ensam où j’ai déjà abordé le sujet) qu’un cabinet spécialisé dans la propriété intelectuelle comme Breese se soit doté d’un outil basé sur un CMS afin de l’alimenter en jurisprudence ET de permettre la discussion dans la foulée).
Je serais très intéressé de voir nos Knowledge Management Lawyers s’essayer à blueKiwi moi, cela me serait très instructif eu égard à la démarche dans laquelle ils sont engagés, à leurs caractéristiques « comportementales » et à leurs objectifs… En tout cas une nouvelle approche très intéressante du KM et de la culture de la veille car fondée non seulement sur de l’apport d’information mais sur de la co-analyse et de la co-construction de solutions et de doctrine.
En tout cas si les gens de Fidal ou Clifford Chance veulent faire évoluer leurs pratiques où si d’autres veulent suivre leur voie je suis partant pour m’intéresser aux pratiques de veilles en cabinet…
Et voilà comment on enchaine entreprise apprenante, veille et application au milieu juridique…