J’avais déjà abordé ce sujet sur envie d’entreprendre et comptais l’approfondir ici…mais Carlos Diaz m’a d’une certaine manière coupé l’herbe sous le pied et je vous invite donc à lire son article sur le sujet.
Nul besoin donc de revenir sur ce qui a été écrit par ailleurs, mais il me reste toutefois plusieurs choses à ajouter.
Pourquoi l’email est il devenu la killer app de l’entreprise?
Parce qu’a priori tout le monde sait l’utiliser. Vous savez écrire, vous avez l’adresse d’une personne, vous savez donc envoyer un email. C’est le stric mimima que chacun doit savoir utiliser. De plus chacun l’utilise dans sa vie privée donc quoi de plus naturel que de l’utiliser en entreprise, nulle formation nécessaire, très plug and play en fait.
Je ne m’étendrai pas sur la rapidité de la transmission en comparaison des courriers traditionnels, ni sur la possibilité d’adjoindre différents types de médias en pièces jointes… tout le monde peut me faire une liste de l’intérêt du courrier électronique.
Toutefois sa simplicité pousse à ne pas trop chercher à aller plus loin et on néglige souvent ses aspects plus négatifs.
Le email, gare à l’utilisation abusive
Au delà même des risques liés au contenu du mail lui-même (fuite d’informations vers l’extérieur, messages injurieux, contenu hors contexte professionnel…) je vais m’attarder sur les risques liés à son utilisation en tant que telle.
1°) Message envoyé = message reçu
J’envoie, mon correspondant reçoit donc il prend connaissance…et traite. Erreur monumentale. Mon correspondant est comme moi, il travaille, il a son propre planning et ne peut tout laisser en plan pour s’atteler à satisfaire la demande que je lui transmet. Pis encore, vu que je ne cesse de lui transmettre des informations dont je pense a raison et souvent à tort qu’il est intéressant qu’il les ait à sa dispositon, il a même pu se dire « je lirai cela plus tard, ça ne doit pas être plus important que d’habitude ».
Bien entendu je peux mettre le message en « haute priorité ». Mais comme tout le monde agit ainsi l’effet de la manoeuvre est quasi nul.
Il est donc utile de coupler l’envoi à un appel téléphonique pour dire « bonjour, je t’envoie une demande importante ». Donc autant se passer du mail à moins que des documents de travail n’aient à être envoyés en même temps.
2°) C’est juste un mail
J’ai l’impression que l’utilisation du mail a ouvert les portes à une véritable régression des bonnes manières. Lors d’un appel ou de l’envoi d’un courrier traditionnel on dit au minimum bonjour, on a un bref échange hors sujet (alors les vacances? et ton petit dernier) et on passe à l’essentiel.
A l’inverse on pense que, vu sa rapidité, un mail doit également s’écrire vite. Ni bonjour, ni merci mais « fait ça », « fais moi une synthèse de ceci », voire dans des cas extrêmes un simple lien vers une source extérieure…heu…j’en fais quoi? Je lis, je rédige une note? C’est un « pour info » ou un « to do ».
Ajoutez à cela que le recepteur est certainement aussi occupé que vous, qu’il reçoit des dizaines de messages de ce type par jour et vous devinez l’empressement qu’il va mettre à les traiter. Si une autre demande est présentée comme suit « bonjour robert, j’espère que tu vas bien et que tu trouves le temps de souffler. Il est essentiel que tu…..si tu as la moindre question ou le moindre contretemps appelle moi » il y a fort à penser que votre requêtre du genre « fais ça stp » sans bonjour ni merci risque de finir en bas de la todo list, voire de fréquenter la boite a spam.
3°) C’est génial, je peux écrire à plein de monde en même temps
Et donc, il se peut fort bien que j’oublie du monde…histoire de faire bonne mesure je met 50 personnes en copie comme ça on ne m’accusera pas d’avoir oublié quelqu’un. J’ai bien conscience que dans les 50 il y en a bien 45 qui ne sont qu’à moitié ou pas concernés mais on ne sait jamais. Et dans les 3000 collaborateurs à qui je n’ai rien envoyé il y en certainement que cela intéresserait…mais je ne les connais pas donc ne sait pas que la personne la plus à même de m’aider est hors de la boucle.
Comme de bien entendu on va me repondre en utilisant la fonction « répondre à tous ». En fin de journée il y a des personnes qui n’auront rien à voir avec le sujet traité qui auront ainsi reçu 70 mails en pure perte, sauf entendre le ordinateur leur signaler de manière plutôt intrusive (beeeeep) qu’ils ont reçu un mail. Et comme le seul moyen de savoir si c’est important c’est de le lire…
Bref, en abusant du mail vous saturez vos collaborateurs, vous les agressez en fonction du ton et/ou du volume de messages adressés, bonjour la productivité et l’évolution des rapports interpersonnels.
Inspirons nous des internautes
Au départ était le mail et on envoyait pleins de bétises à ses amis à longueur de journée. Au fil du temps certains malins se sont dit que, primo, la tche était fastidieuse, secundo ils se sont bien rendus compte qu’ils en laissaient quelques uns, et tertio leur public était limité à leurs relations alors qu’il y avait des centaines de milliers d’internautes qui auraient aimé connaitre leur dernière blague du jour.
En 1997 ces gens ont créé des « sites » ou « pages personnelles » que leurs amis pouvaient suivre s’ils le voulaient, et où ils pouvaient toucher un public de personnes intéressées qui leur était jusqu’alors inconnu. En 2006 ces mêmes personnes créent des blogs.
Ils continuent à envoyer des mails à 2 voire trois personnes. S’ils estiment que ce qu’ils ont a dire intéresse davantage de monde (et peut être des personnes non identifiées) et ne veulent pas avoir l’air de harceler leurs contacts, ils publient en ligne.
Je pense que ce comportement est largement reproductible en interne avec des espaces de diffusion d’information personnels.
Parler vs diffuser
En fait la question à se poser est: quelle est ma volonté? Je désire m’adresser à une personne, je maile. Je désire diffuser une information, je la rend accessible à tous et les personnes intéressées seront tenues informées (alerte par mot clé par exemple). Et je peux ainsi toucher les personnes vraiment intéressées sans harceler et sans me priver d’une ressource que je n’aurais pas identifié en amont.
Les enjeux
Vous l’aurez compris, la question du bon usage du email n’est pas qu’une question de transmission d’information. Elle impacte également:
– la productivité des équipes
– la qualité des relations interpersonnelles
– l’identification des ressources internes de l’entreprise
– le knowledge management car l’entreprise ne capitalise pas sur la qualité de certains échanges qui pourraient être repris et améliorés par d’autres.
Je vous renvoie également aux commentaires générés par l’article de Carlos.
Une dernière chose: vous lisez mon blog. Aimeriez vous que je vous envoie un mail à chaque fois que j’ai une idée d’article? D’ailleurs pour la plupart nous ne nous connaissons (ou connaissions pas) avant que vous me lisiez. Vous m’avez donc trouvé car mes propos ou les sujets que j’aborde vous intéressent. Si je m’étais tenu à écrire une lettre d’information pour mes contacts je risque fort de les avoir « ennuyé » à la longue et me serais privé de vos commentaires qui m’aident également à avancer, à infléchir mes positions, à prendre en compte vos avis et votre feedback.
Alors, convaincus?