Collaborer pour les nuls (1): collaborer c’est naturel

enervementDès que l’on aborde la question du travail collaboratif, une conclusion à  laquelle on arrive souvent est: c’est nécessaire mais pas naturel. Et il est vrai qu’en ce qui me concerne, comme beaucoup d’autres qui s’intéressent à  la question, on a souvent abordé la question de la collaboration en se disant que la collaboration n’était pas une attitude naturelle. Un peu de recul et un brin d’observation m’a amené à  revoir ma copie sur le sujet, et je vous invite à  suivre mon raisonnement et y réagir (c’est une idée…donc si je fais fausse route merci de me signaler) dans une serie de quelques articles dont vous avez le premier opus sous les yeux. On verra d’abord que collaborer c’est naturel, ensuite pourquoi on peut avoir l’impression que ça ne l’est pas et de là  nous verrons comment faire pour y arriver…car s’il y a une conclusion que je ne remet pas en cause c’est que c’est difficile.

Voyons la chose de manière imagée et vivante (après tout j’écris ce texte un week end et le week end on peut se laisser aller). Imaginez deux personnes…Monsieur Cadsup et Monsieur Bonvoisin.

Monsieur Cadsup…il est cadre dans une grande entreprise. Un vrai cadre avec des responsabilités, un statut, une image à  entretenir, une grosse pression et des équipes à  manager. Monsieur Bonvoisin c’est le père de famille qui habite le pavillon a coté de chez vous, l’appartement du dessus si vous habitez en ville. Il est gentil, serviable, attentif avec ses enfants comme avec son épouse, pas envahissant pour deux sous il vit sa vie et laisse les autres vivre la leur. Ce qui n’en fait pas un hermite pour autant, il a d’excellentes relations de voisinage, et lui et sa petite famille sont loués et appréciés de tous.

Suivons un peu monsieur Bonvoisin dans sa vie de tous les jours et écoutons l’avis de M. Cadsup sur chaque situation.

Midi, la famille déjeune ensemble. Madame Bonvoisin demande à  son époux de lui passer la bouteille d’eau posée au bout de la table ce qu’il s’empresse de faire avec in grand sourire.

L’avis de M. Cadsup: il s’empresse de lui donner une ressource réellement stratégique sans aucune contrepartie.

Le cadet de la famille vient de rentrer en sixième et profite du repas pour parler de la rentrée avec ses parents. Les maths et le franças ça va mais il a un devoir à  faire sur l’empire romain en cours d’histoire. Civilisation et contexte inconnus, il peine quelque peu à  avancer dans son devoir et demande l’aide de son père. Celui-ci, ingénieur de formation habitué à  parler fractales couramment et nageant dans les équations complexes avec aisance et délectation n’a jamais été féru sur le sujet. A la limite un devoir sur Mozart conviendrait à  ce mélomane averti…mais les Romain… Il avoue son incompétence à  son fils mais lui propose de l’aider à  faire de recherche sur le net et dans les encyclopédies afin qu’il arrive à  ses fin. Une méthodo qui de plus pourra resservir.

L’avis de M. Cadsup: en avouant son incompétence il s’affaiblit devant une personne sur qui il a autorité au risque de perdre sa légitimité le jour où rappel à  l’ordre sera nécessaire suite à  un mauvais bulletin. Il n’avait qu’à  éluder le problème, lui dire de se débrouiller tout seul (car ce sont SES devoirs) ou s’empresser de transmettre le problème à  son épouse. Au pire mettre en cause le bien fondé de donner un tel devoir à  un élève de 6e et s’insurger contre les programmes qui mettent la civilisation latine au programme de cette année.

Monsieur Bonvoisin sort se promener. Il entame la conversation avec un voisin qui lui confie avoir du mal de trouver une babysitter pour son petit dernier. Monsieur Bonvoisin en a une excellente qui s’occupe du sien…il remonte en vitesse demander son numéro à  sa femme et s’empresse de le donner au voisin en difficulté.

L’avis de M. Cadsup: quel idiot! d’abord cela ne lui rapporte rien de le proposer spontanément, le voisin ne sachant pas qu’il possède une telle information mais en plus il peut se retrouver un soir sans babysitter parce qu’elle serait prise par son voisin et devrait ainsi annuler une sortie avec son épouse. Il se met donc ainsi en danger gratuitement. En plus il a perdu une demie heure.

Sa BA accomplie, Monsieur Bonvoisin prend sa voiture…qui refuse de démarrer. Le voisin (celui qui a un soucis de garde d’enfant) le voit par la fenêtre et s’empresse de le faire bénéficier de ses compétences en mécaniques. Le véhicule repart après un léger « bricolage » non sans que le voisin ait donné l’adresse d’un petit garagiste pas cher dans le quartier, auprès duquel il pourra avoir un rendez-vous assez vite en se recommandant de lui. Touché, Monsieur Bonvoisin lui donne l’adresse d’un petit resto pour la sortie prévue ce soir en couple (vous savez…c’était pour cela la babysitter), idéal pour un diner aux chandelles et excellent rapport qualité prix. Souvent complet mais comme M. Bonvoisin est un habitué il n’aura aucune peine à  avoir une table pour son sympathique voisin.

L’avis de M. Cadsup: temps perdu que tout cela. Il n’avait qu’à  appeler un dépanneur et n’être redevable de rien à  personne. En plus la discussion qui en a suivi lui a définitivement fait perdre une grande partie de son après midi.

Et la journée ne poursuit…

L’avis de M. Cadsup: pertes de temps, perte d’autorité, sentiment d’être redevable, affichage de ses incompétences. Monsieur Bonvoisin est trop gentil, voire simplet.

Le Bilan de M. Bonvoisin: il a évité un non dit en donnant l’eau à  son épouse qui aurait pu se lever. Il va apprendre à  son fils à  rechercher de l’information ce qui lui servira par la suite. Le fiston comprendra aussi que papa et maman ne sont pas infaillibles et qu’il faut qu’il sache également se prendre en main et ne pas compter que sur les autres. Il est heureux d’avoir entretenu un bon climat de voisinage en ayant donné le « tuyau » pour la babysitter. On ne sait jamais ça sert toujours…et même si ça ne devait jamais servir au moins ça fait plaisir. Il a d’ailleurs eu sa contrepartie plus vite qu’escompté (si jamais il l’escomptait): un dépannage minute et un bon garagiste qui lui coutera moins cher que l’habituel. Quant au voisin il a une babysitter et une bonne adresse pour emmener sa femme diner.

Et vous vous en pensez quoi? Bonvoisin c’est un peu nous tous et ceux que nous cotoyons (excepté le quota de goujats malheureusement inévitable). Cadsup c’est l’archetype du type qu’on a tous connu au bureau, que l’on ne veut plus connaitre mais auquel on échappe jamais où qu’on aille.

Pourtant, Cadsup, lorsqu’il rentre chez lui il devient Bonvoisin. Qui redeviendra Cadsup en retournant travailler demain. Et Cadsup c’est donc un peu nous aussi.

Bonvoisin collabore au sens large du terme: il fait pour les autres, fait avec les autres, fait que ce soit légitime que les autres fassent pour lui, il donne l’information sans contrepartie et à  la fin sort gagnant en accumulant les petits gestes gratuits. Demain dans son costume de Cadsup il redeviendra autoritaire, autiste, adepte de la rétention d’information, et du « yfokon, yapluka ».

L’individu collabore donc naturellement…ce serait donc l’entreprise qui (contre son gré et contre leurs intérêts) réciproque rendrait donc la collaboration difficile alors qu’elle la suscite par ailleurs?

C’est pourquoi je pense que collaborer c’est naturel mais difficile dans certaines circonstances (voire impossible) et non pas que c’est contre nature donc impossible.

Et vous vous en pensez quoi?

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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