Tant que je suis dans ma série « Robert Sutton », je voudrais m’attarder sur un ouvrage qui m’a vraiment marqué et qui apporte des éléments de réponse à nombre de questions que l’entreprise se pose au quotidien : The Knowing-Doing Gap qui fait véritablement partie des piliers de ma bibliothèque
Le constat de Sutton est que alors que malgré l’immense quantité de connaissance disponible, l’entreprise peine véritablement à en tirer quelque chose. On constate même que ça n’est pas parce qu’on sait devoir faire quelque chose, que l’on a décidé et validé un plan d’action que celui-ci est mis en oeuvre.
Nul web ni entreprise 2.0 ici. Le livre date de 2000 et de toute manière si le social computing peut résoudre nombre de problématiques, celles ci ne l’ont pas attendu pour exister. On passe ici en revue les freins, exemples concrets à l’appui, puis on examine comment certaines entreprises intelligentes ont réussi dans ce challenge. Et cela rassure car il y en a, de toutes les tailles et dans tous les secteurs d’activité.
Je ne peux que noter que ce sont les mêmes barrières (à peu de choses près) qui pourraient concerner le passage à l’entreprise 2.0 : management par la peur, refaire ce qu’on a toujours fait plutôt que chercher à faire autrement, confondre la parole et l’action, avoir des indicateurs de performance d’un autre temps (et d’ailleurs une conception contre productive de la performance), culte de la compétition interne qui empêche la collaboration, notion de confiance absente dans l’entreprise….
La force de l’ouvrage, en dehors de la grande qualité de la réflexion de son auteur, sont les nombreux exemples de ce qui ne faut pas faire et de ce qui a été fait de bien.
Pour n’en retenir que quelques uns :
le management par la peur amène de super performances à court terme et l’échec assuré à 3 ans. Vous avez vu le nombre de « managers de l’année » tombés en disgrace lorsque leurs méthodes court termistes ont atteint leurs limites ?
réussir c’est réussir ensemble : l’entreprise gagne lorsque le client est satisfait, que l’entreprise est satisfaite et que les collaborateurs sont satisfaits. Si on ne vise qu’un seul de ces objectifs on crée un déséuilibre qui se paiera un jour.
le meilleur collaborateur n’est pas toujours un atout : que pensez vous si un de vos vendeurs fait sur le long terme 25% de chiffre en plus que les autres ? Qu’il est fantastique et que les autres doivent se préparer à faire leurs valises ? En réflechissant un peu cela veut le plus souvent dire qu’il ne partage pas ses best practices, ses « tuyaux », n’a pas l’esprit de groupe. C’est lui qui est dangereux à terme car il ne s’implique pas dans le progrès de l’entreprise et se contente d’objectifs personnels. L’objectif de l’entreprise n’est pas d’avoir un vendeur qui écrase les autres mais toute une équipe qui est performante même si l’amélioration des chiffres des autres fait baisser les chiffres de l’un. Au bout du compte c’est le montant global des ventes que l’on regarde. Mieux vaut 0,5 + 0,5 + 0,5 + 0,5 que 1,25 + 0,2 + 0,2 + 0,2 non ? Ou l’on reparle de la pertinence des indicateurs et du système de concurrence interne.
C’est un gros pavé, en anglais qui plus est, mais que je recommande à tous. Très fortement. Maintenant j’aimerai bien que Sutton se positionne par rapport à l’entreprise 2.0, ce sera certainement un apport majeur tant il n’a pas attendu l’arrivée des outils pour se pencher et mettre en place un paradigme largement avoisinant.
The Knowing-Doing Gap: How Smart Companies Turn Knowledge into Action