Après quelque jours de slow blogging j’entame mon fil rouge des semaines à venir, à savoir l’explication de ma définition de l’entreprise 2.0. Même si j’y avais expliqué mon raisonnement, maintenant vient l’heure de détailler le tout.
Aujourd’hui attaquons nous à la première partie de la définition, c’est à dire « l’ensemble de moyens »
Pour recadrer le débat, la définition que j’avais « commise » était la suivante :
L’entreprise 2.0 est la mise en œuvre d’un ensemble de moyens permettant l’éclosion de dynamiques portées par les individus dans le but d’adapter l’entreprise aux enjeux de l’économie de la connaissance et aux évolutions sociétales, sous contrainte de sa culture et de son contexte.
Un ensemble de moyens ? Quels moyens ? Ne parle t-on là que d’outils (hein Vincent 😉 ) ?
Il s’agit bien là de l’atteinte d’un objectif, donc on parlera logiquement des outils pour y parvenir. Mais les moyens vont au delà . Il s’agit, de manière simplificatrice, de ce qui rend les outils utilisables. Pour aller d’un point A à un point B je peux choisir de prendre ma voiture. Mais sans permis et avec un contrôle tous les kilomètres je suis bien avancé.
Je classe les moyens dans différentes catégories (mais je conçois que le distingo fait à l’emporte pièce puisse mériter d’être affiné, d’autant plus que certains points évoqués sont à cheval sur plusieurs catégories) :
– organisationnels : comment travaille t-on ? Comment décide t-on ? Ou savoir passer de l’horizontal au vertical et vice versa. On ne peut à la fois demander autonomie et responsabilisation et contrôler, minuter, les faits et gestes de chacun. On ne peut dire fluidifions la transmission de l’information et mettre en place un worflow tel qu’on est certain que jamais rien ne remontera. On ne peut dire « soyons agiles et flexibles » et s’assurer qu’absolument rien ne soit fait sans contrôle a priori et validation d’un comité. On ne peut pas dire « soyons transversaux » et interdire que des passerelles se forment entre les silos. Bref…il faut aligner les moyens par rapport à ses ambitions.
Le risque de ne pas le faire est double : la non atteinte de l’objectif d’efficacité recherché (sans compter que cela ruine tous les efforts déployés, le temps utilisé et les sommes investies par ailleurs….dans ce cas mieux vaut ne rien essayer du tout), et le développement d’une culture de défiance face à l’organisation (que des paroles, on nous demande sans nous donner les moyens) et les phénomènes de désimplication et de démotivation qui s’ensuivent.
Toute une construction à mettre en place. L’entreprise 2.0 ne tue pas le process, elle demande juste des process différents, souples, et responsabilisants. Le process n’est plus une fin en soi mais quelque chose qui donne du sens.
– managériaux : quel est le rôle du manager ? Censeur ou connecteur ? Management par la peur ou par le sens ? Sanctionne t-on l’échec ou l’inactivité ? Comment pratiquer une valorisation systématique des bonnes initiatives ? Faire passer le message que le manager qui réussit est celui qui fait réussir les autres. Savoir placer le curseur entre contrôle (pas bien), autonomie (bien), cohésion (bien) et indépendance (pas bien). Passer du « je suis un bon manager car mes équipes font tout ce que je demande » à « je suis un bon manager car j’ai appris à mes équipes à être performantes et réactives…sans moi ». Développer une forme de leadership spécifique, notamment dans la perspective d’un management d’équipes bien réelles mais via des plateformes qui virtualisent la relation ? Faire de la confiance un élément clé du fonctionnement de l’entreprise. Remplacer le command & control par le connect, trust and check…. Fixer un cadre plutôt que des règles. Ne pas renier le management par objectif mais se dire que ça n’est qu’une fin, les moyens seront le management par communauté, par la confiance, par la transparence.
Le retour de l’empowerment (ou là )? Pas loin… on a rien inventé, c’est juste le contexte et les acteurs (notamment les collaborateurs) qui semblent désormais s’y prêter davantage.
Il s’agira également de trouver les bonnes métriques pour mesurer la performance, l’efficacité…se demander comment on évalue les individus et le groupe. Se souvenir qu’une évaluation purement locale alors que les individus intéragissent « trans-localement » pour créer de la valeur en global n’a pas de sens par rapport aux enjeux que l’on entend adresser.
– techniques : vous vous rendez bien compte que tout cela a pour but de favoriser les interactions entre individus. Que dans l’entreprise éclatée, dispersée où il devient même difficile de trouver le temps de faire une réunion avec 3 personnes occupant le même bureau….comment faire avec des groupes plus grands dispersés mondialement ? Qu’en plus ces intéractions n’ont pas toutes à être organisées : les « groupes » peuvent se former spontanément pour accomplir un objectif commun puis se désagréger tout aussi vite pour se recomposer sur un autre projet.
C’est là que les outils interviennent : le seul endroit où toute l’entreprise peut se rencontrer, qui plus est de manière asynchrone, est l’intranet. Reste à doter celui-ci d’un second hemisphère pour que tout cela puisse être pérenne, que les « bonnes pratiques » organisationnelles et managériales trouvent un endroit ou s’exprimer .
C’est là qu’interviennent nos blogs, wikis, flux RSS et tutti quanti ! L’outil porte bien son nom car il n’est qu’un outil. Sa vocation est de supporter l’évolution de l’entreprise et les usages qui en découlent. Les outils pris seuls n’ont absolument aucun sens hors projet, s’ils n’ont pas de but, pas de justification autre que leur propre existence, s’ils ne contribuent pas à l’alignement entre les pratiques et les objectifs. On ne fera rien sans eux…mais eux seuls ne suffisent pas.
Vous me direz que c’est peut être un peu beaucoup tout ça ? Et bien non. Car (et c’est pour cela que j’évoque dans la définition la contrainte de la culture et du contexte), selon les cas on n’utilisera pas tous les leviers, pas avec la même puissance, ni dans le même ordre et ni à la même vitesse. Il y a autant de projets d’entreprise 2.0 qu’il y a d’entreprise. Un projet à la carte, reste à choisir les plats qui conviendront le mieux à un moment donné à une organisation donnée…quitte à repasserà table un peu plus tard une fois tout cela digéré. Mieux vaut plusieurs bons petits repas qu’une grosse indigestion.