Une entreprise 2.0 mais des problématiques 1.0 (et heureusement)

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Ces derniers temps j’avais énormément de réflexions à  mettre en forme mais pas assez de temps pour le faire (et peut être envie de prendre un peu l’air également). Heureusement Rodolphe Hederlé a publié un excellent article sur l’entreprise 2.0 et la productivité qui pose, à  mon avis, les choses de manière fort lucide. Je pense qu’il s’agit d’une excellente base de réflexion pour appréhender une réalité qui bien que future nous arrive dessus à  grands pas.

Comme le disais il y a quelques temps, l’entreprise 2.0 vue de manière terre à  terre n’est qu’un tout petit pan d’un projet global d’entreprise qui fonctionne depuis des lustres : identifier des enjeux stratégiques, puis déployer la stratégie à  tous les niveaux de l’entreprise. Et il se trouve que pour certains aspects des enjeux actuels, l’adoption d’outils 2.0 semble pertinente. Je vous laisse juge de savoir si cela suffit à  qualifier une entreprise de 2.0 ou non mais ça c’est une réalité qui importe davantage que le nom qu’on lui donne.

Le problème, comme le souligne Rodolphe c’est qu’en raison du caractère futur de la chose on peut y mettre à  peu près tout ce qu’on veut. Simple adoption d’outils, évolution de l’organisation, nécessité sociologique ? Tant qu’à  faire autant tout mettre dans le même sac vu que cela doit arriver non ? Il se trouve que les outils concernés à  part être un outil de productivité intéressant dans certaines situations (j’ai bien dit certaines et nous y reviendrons plus loin) se trouve adresser peu ou prou des problématiques très diverses.

Accueillir dans l’entreprise et donner à  des générations (la fameuse génération Y) qui ont la culture du réseau informel les outils qui leur permettront d’utiliser au mieux cette capacité naturelle (et qu’on essaie d’inculquer par ailleurs aux personnes déjà  présentes dans l’entreprise) à  se « connecter » et travailler ensemble de manière flexible : c’est un enjeu réél. Parce qu’une DRH sait qu’accueillir et conserver les jeunes « talents » est très difficile. Lorsqu’on sait en plus qu’ils portent en eux les germes de ce que l’entreprise aimerait voir en son sein (autonomie – encadrée bien sur -, flexibilité dans le fonctionnement, capacité à  s’organiser vite et bien groupe)…et que dans leur vie de tous les jours ils fonctionnent ainsi avec des outils appropriés, on peut voir un moyen ici de fidéliser ces populations, de faire un premier pas vers un foncionnement en réseau, de leur permettre se réaliser leur plein potentiel… Et là  je pense qu’il s’agit de quelque chose de réél et concrêt

Un autre point que je négligeais jusqu’à  présent et qui m’a sauté aux yeux lors de ma participation à  la dernière Université d’été du MEDEF, est la question de la souffrance au travail, sujet d’un atelier auquel j’ai participé. Il faudra que je revienne plus largement un de ces jours sur l’évènement mais aujourd’hui les entreprises commencent à  se rendre compte que le « toujours plus » lié à  un déficit de support managérial aux équipes met les individus en situation de tension extrême et ce, chiffres à  l’appui. Turnover, manque d’implication, perte de sens et de repères, cela a été quantifié financièrement et c’est bel et bien une réalité (voir mon billet ici sur le sujet car je n’aborde pas ici la globalité du sujet). Une des solutions proposées : permettre à  l’individu d’exister à  nouveau dans le groupe, recréer du lien… Bien sur c’est beaucoup plus complexe que cela et cela peut passer pour un vœu pieux, mais la dimension communautaire des outils web 2.0 peut, à  un niveau modeste certes mais en tant que levier, aider les DRH à  avancer sur la question. Il faudra d’ailleurs que je remette la main sur les chiffres en question car l’impact financier est de plus en plus important (tiens…c’est peu être pour cela qu’on commence à  y penser non ?).

Il se trouve enfin qu’une partie croissante de l’économie intègre ce que l’on appelle l’économie de l’information (ou du savoir ou de la connaissance…). Il faudrait plusieurs billets pour présenter le sujet dans son ensemble mais un des poins les plus importants vient du fait qu’après avoir été longtemps un moyen l’information devient également une fin. Elle n’est plus seulement un flux qui accompagne un process elle devient objet elle même d’un process, elle a une valeur en soi indépendante de l’objet ou service dont elle permettait le suivi de production. Ajoute à  cela la complexifiation des problématiques (nul ne peut tout maitriser, il faut trouver en un temps record, connecter et faire travailler ensemble des individus qui le plus souvent ignorent jusqu’à  l’existence les uns des autres) et vous obtenez un contexte où des outils non dédiés à  un workflow mais qui le complètent prennent tout le sens. Mais comme je le disais ça ne concerne pas toutes les entreprises ni toutes leurs activités, cela ne se substitue à  rien d’existant mais vient compléter ce qui existe, et cela suppose que l’on prenne en compte la spécificité du travail sur l’information pour se rendre compte que la productivité peut revêtir des formes nouvelles selon la production à  laquelle on s’intéresse. Ce point est capital et sera développé sur une note à  venir en début de semaine. En attendant vous pouvez toujours aller lire ça ou ça. Et aller revoir une fois de plus la vidéo de Louis Schweitzer (tout sauf un doux rêveur).

J’arrête la liste ici mais elle pourrait être plus longue…

Mais comme me le faisait remarquer un acteur avisé de ce type de problématiques : ce sont des choses qui n’ont rien à  voir entre elles et encore moins avec des outils (les problématiques humaines se règlent humainement avant tout), mais au bout du compte on a plusieurs « phénomènes » dont la prise en compte par l’entreprise se traduit en bout de chaine (les outils qui servent les pratiques quotidiennes) par la possibilité d’envisager de mettre en œuvre les outils issus du web 2.0. Et c’est peut être pour cela qu’on a tendance à  tout vouloir faire rentrer dans le même sac car nous sommes devant une « perfect storm » où tout s’entremêle et tout s’impacte plus que jamais.

A tort ou à  raison ? Peut importe. Ce qui compte c’est le principe de réalité : des problématiques pour le coup bien réelles et des outils qui peuvent, dans leur périmètre (car un outil ça sert à  travailler et pas à  refaire le monde) participer pour partie à  leur résolution. Beaucoup de ceux qui essaient de résoudre ces problématiques dans l’entreprise ignorent jusqu’au concept d’entreprise 2.0 et ça ne les empêche pas d’avancer : il ne faudrait pas qu’un concept abstrait vienne faire oublier des réalités bien concrètes et il importe avant tout de se demander « quel est le besoin » plutot que « quel est l’intérêt d’un concept pour mon besoin ».

Et promis, d’ici quelques jours on creuse le sujet de la productivité en tant que telle mais ce billet pointe déjà  sur une notion à  laquelle je crois : il est des outils de productivité pure et ceux qui rendent la productivité possible. Avec pour illustration ce qui disait Louis Schweitzer : pour que les individus produisent mieux et efficacement il faut créer le contexte qui les mettra en position de le faire. Et ça c’est peut être un des aspects de l’économie de la connaissance : les individus devenant leur propre outil de production il faut agir qualitativement pour permettre aux démarches quantitatives d’entrer  en jeu. On en reparle dans mon prochain billet.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Directeur People & Operations / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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