Une approche qualitative de la productivité ? Allons donc. D’autant plus que pendant longtemps la notion même de qualité a été le pire ennemi des productivistes de tour crin avant qu’il ne devienne évident que les deux pouvaient largement être complémentaires.
Cette notion de qualité ne s’applique pas au premier chef aux outils 2.0 mais davantage à leurs utilisateurs, et c’est là revisiter quelque peu le concept de productivité peut prendre tout son sens.
Qui sont les utilisateurs type de ce type d’outil ? Des personnes qui manient l’information comme matière première, qui ont tout autant (sinon plus) besoin d’avoir accès à l’information et identifier cela qui la détient que de la détenir eux même, qui, maillons d’un process structuré et formel doivent utiliser le capital informel pour accomplir leur partie du travail (ce qui prouve que formel et informel ne sont pas antinomiques mais complémentaires)….bref ce que l’on a coutume d’appeler aujourd’hui travailleurs du savoir et qui, au delà d’une catégorisation qui peut sembler réductrice, concerne un part sans cesse croissante du travail d’une part non moins croissante des salariés.
Comment donc évaluer la productivité de ces salariés ? Tiens, posée comme cela, la question n’est plus aussi évidente. Par le CA généré ? On sait tous qu’on peut passer beaucoup de temps sur un projet peu rémunérateur et très peu sur un projet grassement rémunéré. Sur la quantité produite ? Pensez vous vraiment que vous jugez votre banquier à la quantité de travail fait ? Un « marketeur » à la quantité de concept qu’il peut produire en une journée ? Un consultant à la quantité de problématiques résolues? Un développeur à la quantité de lignes de code écrites ? Une secrétaire au nombre d’appels reçus, de rendez-vous pris ? Un peu…mais pas tant que cela, non ?
Vous demandez à un banquier le bon conseil (et accessoirement que le solde de vos comptes soit juste), à un consultant qu’il résolve une problématique globale et parfois peu importe le temps ni le nombre de sous problématiques résolues, à un développeur que le logiciel fonctionne, à la secrétaire qu’elle ait aménagé de manière intelligente votre emploi du temps, qu’elle sache ne vous communiquer que ce qui est important, et au responsable marketing qu’il ait eu LE bon concept, pas 10 moyens mais UN bon.
Tout cela est très qualitatif non ? Si les outils de l’entreprise 2.0 s’adaptent aux travailleurs du savoir et que leur productivité se juge pour tout ou partie sur une dimension qualitative, et bien la productivité de l’entreprise 2.0 doit intégrer cette considération dans sa mesure. Pour partie bien entendu, nous avons vu dans un billet précédent qu’il y avait également des gains de temps. Mais il y a également cet aspect qualitatif.
Bien entendu cela ne tombe pas du ciel et (heureusement) c’est une idée qui fait plus que son chemin. McKinsey évoque ici la question des leviers « softs » en matière de performance organisationnelle (voir ici aussi) : ils mettent en évidence que la performance globale est largement impactée par des phénomènes qualifiés de « soft » tels que le management, la culture d’entreprise, le capital humain, l’informel…. Il y a donc des choses qui n’impactent pas systématiquement et mathématiquement la production mais qui ont un effet bénéfique sur le résultat final. Soit on considère qu’il s’agit du coté « soft » de la productivité soit on admet que ces choses non quantifiables ont un impact sur le résultat final au même titre que la productivité, peut importe. Car en fait, la productivité par elle même importe peu, ce pour quoi on la prend en compte et l’érige en valeur ultime c’est uniquement parce qu’on sait qu’elle améliorer la performance et le résultat de l’entreprise, car au final c’est la seule chose qui compte.
Peter Drucker ne disait pas autre chose lorsque, évoquant la productivité des travailleurs du savoir dans « Management Challenges for the 21st Century » il mettait en évidence que la qualité comptait au moins autant que la productivité stricto sensu.
Loin de moi l’idée de dire qu’il faut jeter la productivité purement quantitative aux orties (le premier qui abandonne cet aspect est bon pour l’asile) mais il y a désormais une autre dimension à prendre également en compte.
Un autre élément à prendre en compte pour ne pas se fourvoyer, qui peut sembler évident à lire ces lignes, mais qu’il vaut mieux préciser noir sur blanc : ces outils susceptibles d’adresser ce coté « soft » n’ont un impact positif final que mis entre les mains des populations qui en ont le plus besoin. Mis à la disposition de certains salariés il s’agit d’outils fantastiques, mis à la disposition de personnes peu soumises aux circonstances mises en avant au début de ce billet ils n’apporteront pas grand chose car ne correspondant pas à un besoin opérationnel au quotidien.
Au fait nous venons de dire que si la productivité est sujette à tant d’attention c’est en raison de son impact sur le résultat de l’entreprise. Mais y a-t-il d’autres choses qui impactent ce résultat, autres que la productivité, et qui peuvent être impactées par l’utilisation pertinente d’outils de social computing ? A suivre dans une prochaine note. Et en attendant vous pouvez lire ce que McKinsey pense de l’impact des intéractions (soft) sur l’avantage compétitif.