Tout le monde a conscience de la puissance des réseaux informels au sein d’une organisation. Mais leur coté informel inspire nombre de craintes légitimes car justement incontrôlable. On ne sait jamais ce qui va en sortir. Le concept de senrendipité illustre à merveille cet état de fait. Tout le monde rêve de conduire une Ferrari à condition de contrôler accélerateur, frein, et surtout le volant ! Sinon on est mieux avec sa Clio. Et bien il en va de même pour les dirigeants d’entreprise, à la recherche de performance mais qui n’ont aucune envie d’envoyer une multinationale dans le décor.
Cette quadrature du cercle avait d’ailleurs été relevée par Gonzalo en réponse à cette note sur les portefeuilles d’innovation. Je pense que l’on peut aisément résoudre l’équation a condition de se départir de l’idée selon laquelle le « laisser faire et attendre de voir » est la règle qui préside au fonctionnement de ces réseaux. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles l’entreprise 2.0 n’est pas le web 2.0. Elle en reproduit les effets, les dynamiques et utilise les mêmes outils mais avec des leviers et des règles différentes : même points de départs et d’arrivée mais des processus totalement différents.
Quelques règles à suivre donc…
1°) Un « besoin business » avant tout
Vous désirez utiliser les réseaux informels pour dynamiser votre organisation, soit. Cela signifie que derrière se trouve un objectif très concrêt pour vos affaires (partage de meilleures pratiques, innovation, formation peer to peer, veille….) et bien dites le clairement. Cela permettra deux choses :
– être suivi dans votre initiative car cela légitimera l’investissement de vos collaborateurs dans votre projet. Sans ça, le réseau n’a pas de sens dans leur quotidien et ils continueront à faire comme avant malgré tout ce que vous mettrez en place. Si cette possibilité de fonctionner autrement ne fait pas sens dans le quotidien il y a peu de chance que cela fonctionne.
– éviter le hors sujet, conséquence logique du « qu’est-ce qu’on attend de moi ». Faute de le savoir le collaborateur fera soit ce que vous n’avez pas envie qu’il fasse soit ne fera rien (hypothèse la plus crédible).
2°) Liez formel et informel
A quoi servent vos réseaux informels s’ils ne servent pas les buts de l’entreprise ? Qu’ils produisent des dynamiques, des informations, des idées aptes à servir l’organisation c’est bien. Si l’organisation ne sait pas s’en saisir cela ne sert à rien. Exemple type : rien ne sert d’avoir mille idée pertinentes pour un nouveau produit ou l’amélioration d’un process si la direction produit ou ceux en charge de l’élaboration des méthodes ne s’en saisissent pas. Et comment faire en sorte que les réflexions portent sur un sujet si personne ne sait qu’il s’agit d’un besoin fort de l’organisation. Lisez également ceci pour vous rafraichir la mémoire.
3°) N’oubliez pas que l’informel est un moyen, pas un objectif
Cela recoupe ce que je dis plus haut mais c’est une idée à toujours avoir à l’esprit pour éviter que votre Ferrari ne sorte de la route. Cela concerne la bonne utilisation de la production de vos réseaux.
Exemple concrêt : a une époque Ford a voulu se départir de son image « classique et rustique » pour aller chasser sur les platebandes des constructeurs japonais. L’entreprise s’est mise a innover dans tous les sens en oubliant la base : si innovante qu’elle soit une voiture ne se vend pas si la qualité n’est pas au rendez-vous. Et à force de se disperser Ford a connu une chute importante de la fiabilité et de la qualité globale de ses modèles. Ce n’est pas qu’il faille choisir entre les fondamentaux et la nouveauté, il faut les deux mais l’attrait du neuf ne doit pas faire perdre de vue l’essentiel.
Là encore si vous oubliez cette règle élémentaire vos réseaux vous emmeneront dans le mur. Mais si vous oubliez vos réseaux ceux qui savent utiliser les leurs vous y enverront également.
4°) Ne confondez pas votre objectif et ses conséquences collatérales
Il se dit, et je suis le premier à être convaincu, que ce type de fonctionnement a de nombreux avantages « hors business pur » (même si au bout cela impacte le résultat ça n’est pas mathématique) : renforcement du lien entre individus et entre individus et organisation, mode de communication favorisant le dialogue donc ayant des effets bénéfiques sur l’adhésion et la motivation, reconnaissance de l’apport de chacun favorisant là aussi la motivation et l’implication, lutte contre le sentiment de solitude et d’isolement (éléments récurrents dans tout ce qui touche à la souffrance professionnelle)….
Mais ce ne sont que des conséquences. Je m’explique : le fait de favoriser le fonctionnement de ces réseaux a à terme les effets mentionnés ci dessus. Mais si on en fait les objectifs premiers j’ai bien peur que cela ne soit voué à l’échec : ce sont des effets qui sont dus au développement de nouvelles interactions, et comme expliqué au point 1 ces interactions sont à vocation professionnelles. Sans l’objectif business elles ne se développent pas donc le reste n’arrive pas non plus. Si on vise tout de suite l’objectif RH qualitatif rien ne se passe car on ne sait dans quelle direction aller, quels sujets traiter, ce qu’on attend de nous. Le contenu professionnel est le véhicule qui portera la dimension « purement humaine », il doit donc prévaloir et préexister.
Au fait, pourquoi faire confiance à ses réseaux informels ? La réponse est ici.