Jeudi j’ai eu la change de passer mon après midi avec Michel Hervé. Nous nous étions maintes fois croisés lors de divers évènements sans jamais avoir eu le temps de trop échanger et avions donc décidé de nous voir hors du brouhaha et des sollicitations des conférences. Voilà qui est fait.
J’ai déjà suffisamment parlé du personnage sur ce blog (voir ici pour une petite synthèse) et il est impossible de résumer en un billet toute l’étendue de notre discussion et la multitude de messages qu’il a fait passer à cette occasion. Je m’attarderai plus précisément sur le principe de subsidiarité que j’ai trouvé fort intéressant car répondant à nombre de préoccupations des entreprises aujourd’hui, et sur le besoin de recréer du lien par l’information afin d’accroitre la cohérence de l’action collective, qui fera l’objet d’une note à venir.
Pratiquement cela donne quoi ?
Dans un modèle traditionnel tout est décidé en haut, depuis les objectifs jusqu’à la manière de les atteindre. Ce qui n’est pas un mal en soi. Le seul problème est qu’on rentre tellement dans la « manière » qu’on en devient improductif et que le temps passé à éditer des normes n’est pas passé à les appliquer, d’où un décalage flagrant entre la réalité du terrain et le contexte dans lequel les individus œuvrent. Autre aspect négatif : lorsqu’un problème est identifié sur le terrain, le temps de l’information remonte, que l’on conçoive le mode opératoire permettant de le résoudre (ou lorsqu’on a identifié la réponse par défaut à y apporter), que le tout redescende et soit appliqué, soit la nature du problème a évolué (au mieux), soit l’étendue du problème s’est accrue (au pire).
La subsidiarité permet à chacun de régler ce qui se passe à son niveau, sans avoir à en référer au niveau supérieur. Seules les situations ne relevant des domaines sur lesquels un individu peut impacter font donc l’objet d’une transmission à autre échelon. Un problème individuel est donc traité individuellement, un problèle local localement, un problème au niveau métier au niveau correspondant etc… et si tous les niveaux sont concernés il s’agit donc d’un problème stratégique qui remonte au plus haut. Ce qui permet, à mon sens, deux choses : tout d’abord on agit de manière plus réactive, et ensuite on ne submerge pas le management avec des tches qui ne sont pas de leur ressort, ce qui leur laisse du temps pour faire leur travail. On attend d’un manager qu’il serve de « connecteur » entre les individus, qu’il sache prendre un peu de hauteur pour prévoir demain, bref qu’il lève le nez du guidon. Ca n’est pas le cas aujourd’hui où l’on entend nombre de managers dire qu’ils sont tellement dépassés par le quotidien qu’ils ne font pas ce qu’ils devraient faire. Phrase trop souvent entendue : « je sais…mais j’ai vraiment pas le temps ». Ou l’art d’attendre de percuter un mur pour prendre une décision faute d’avoir eu le temps d’ouvrir les yeux. Et le tout en connaissance de cause et avec des individus qui ne peuvent plus en faire davantage. Ca n’est pas ici la conscience professionnelle qui est en cause, c’est tout un système qui se prend les pieds dans le tapis.
Quitte à caricaturer, ça n’est pas à l’encadrement de s’occuper de la procédure du changement des ampoules dans les toilettes, du choix de la couleur du papier dans ces mêmes toilettes, ni de vérifier que leurs collaborateurs ont bien fait leurs lacets le matin ! Ne rions pas, on en est parfois pas loin.
J’ajouterai que cela permet également de régler les problèmes au plus près de leur origine, gage de solutions adaptées, et sans déperdition de ressources.
Alors bien sur cela demande plusieurs choses : que l’on fasse confiance aux individus, qu’on leur donne également les moyens d’agir, corrolaire indispensable de l’obligation d’agir. Mais également au niveau des individus : tout le monde n’est pas apte à fonctionner ainsi, certains aimant encore pouvoir se réfugier derrière la ligne hiérarchique afin d’éviter la responsabilité. Michel Hervé le nie pas : il faut de longs mois pour qu’un nouveau salarié s’adapte, ou plutôt désaprenne ce qu’il a appris. Comme le dit souvent Richard Collin, il faut, pour réussir dans le monde qui est le notre aujourd’hui, apprendre à demander pardon plutôt que demander la permission. Et dans la vision de Michel Hervé, le pardon ne se traduit pas par la sanction mais par la formation, afin d’identifier pourquoi l’individu n’a pas eu le résultat escomptés et le mettre en capacité de réussir à l’avenir.
Quand je parlais des process qui n’avaient vocation qu’à pallier au manque de confiance dans la capacité des individus à trouver des solutions eux mêmes et de la différence entre le contrôle qui envahit et le contrôle qui permet d’apprendre, c’est un peu à cela que je faisais référence.
Bref un exemple vivant du modèle intrapreneurial.