L’entreprise sait que de sa capacité à utiliser au mieux l’information dépend (et dépendra) largement sa performance. Or, pour être utilisée, encore faut il que l’information soit « captée ». On distingue alors deux types d’information : celle générée par l’entreprise elle même, qu’elle capte donc à coup sur (quand bien même l’utilisateur final ne saurait où la trouver ou ignorerait son existence) et celle générée par les collaborateurs, savoir tacite concernant l »experience, les expertises, qui reste le plus souvent au niveau de l’individu ou de son cercle de contacts restreint, faute pour l’organisation de savoir la capter et en faire une mémoire d’entreprise. La valorisation de toute cette masse informelle est un des objectifs de l’entreprise dite 2.0.
Comme le souligne ce billet paru ici chez Gartner, ce dernier type d’information, contrairement au premier, existe et se produit sous forme de flux (contrairement au premier qui est plutôt comparable à un stock déposé à un endroit). Cela s’avère destabilisant pour l’organisation car la « liquidité » de cette information, le fait qu’elle soit propriété du collaborateur, et le fait que le fait qu’il la rende disponible dépende de sa volonté (indépendamment du fait que l’entreprise ne rende pas cette émission aisée), s’oppose à tout ce qu’on a pu connaitre jusque là .
Alors, comme le souligne l’auteur, il faut essayer de trouver le moteur qui permet à l’individu de rentrer dans ces dynamiques participatives. Car cela ne fait pas aussi spontanément qu’on peut le désirer, même si l’entreprise fais tout pour le rendre possible.
L’individu doit sans cesse arbitrer entre de multiples sollicitations. Que la culture de l’organisation, qu’un comportement de protection en milieu professionnel puissent le freiner est une chose. Mais cela ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt : l’individu doit arbitrer sous contrainte d’un élément qui est bel et bien limité : le temps.
Alors tout devient question de gestion des priorités et logiquement l’individu va vers ce qui lui est personnellement le plus utile. Même si hiérarchie dépend de chacun on trouvera : ce que mon responsable me demande, ce sur quoi je serai évalué, ce qui me sert (car même si cela sert l’entreprise, il faut également un bénéfice individuel, un même besoin pouvant être partagé par l’entreprise et l’individu mais chacun y trouvant un bénéfice différent), ce qui conditionne mes primes, ce qui a du sens pour moi…
C’est également une des conclusions de la récente étude de Bain sur les outils de management : les outils de KM déçoivent et une des raisons en est qu’ils méconnaissent l’individu derrière la machine.
Un des moteurs peut être la visibilité personnelle. Je ne sais si on surestime ou surestime ce levier mais il est bel et bien réel, d’ailleurs les gens d’Orange Labs l’ont bien identifié. Mais la visibilité n’est possible que si le fruit de la participation est valorisé par l’organisation. D’ailleurs lorsque cette valorisation est effective, même ceux qui ne courent pas après la visibilité sont susceptibles d’intégrer la démarche car cela fait sens par rapport à leur travail quotidien : cela sert l’entreprise donc je dois m’impliquer même si je ne recherche rien à titre personnel.
Il est donc essentiel, pour amener les individus à jouer le jeu, que l’on se demande avant tout comment ces flux seront mis à profit par l’organisation avant même de se demander comment les collecter. On revient à l’exemple de Finaref : les idées émises dans le cadre du projet innovation se transforment en projets et ne restent pas lettres mortes.
La confirmation donc d’un de mes crédos : d’abord identifier un besoin réel qui va déterminer quel type d’information on attend et permettra de rendre possibles les dynamiques individuelles et collectives permettant de générer ces flux, parce qu’ayant un besoin identifié on pourra identifier les pratiques nécessaires à sa satisfaction. Pourquoi intéractions ? Parce que la forme la plus accessible de connaissance étant la discussion il importe de générer ces dernières. Enfin, une fois ces dynamiques enclenchées, organiser la réappropriation de ces flux dans le cadre des activités purement business : cela légitime le fait de valoriser les individus, cela légitime l’investissement individuel, cela montre à tous, convaincus de la première heure comme réfractaires, que c’est « utile », que « c’est possible ». Bien sur j’évoque ici l’aspect « collaborateur ». Pour ce qui est de l’entreprise, de toute manière, une collecte d’information qui ne permet pas d’enrichir l’aspect « business » est totalement inutile.
Bref on ne peut capitaliser l’informel que dans la mesure où les individus et l’organisation savent à quoi cela va servir, et s’ils s’y retrouvent.
Trois points à garder en mémoire, ça n’est pas difficile :
– un vrai besoin dont la satisfaction engendre des bénéfices pour l’entreprise et qui se déclinera en bénéfices pour les participants.
– rendre possible et mettre en œuvre les dynamiques nécessaires à sa satisfaction.
– réintégrer l’ information parfois « informelle » générée au profit du business formel.