Partant du principe que les actifs immatériels de l’entreprise ne sont créateurs de valeur que lorsqu’ils sont au service des activités structurées et formelles, et, par conséquent, de la nécessité non pas de créer une entreprise 2.0 assise sur l’informel mais bel et bien un système permettant à des activités structurées par essence et par nécessité de tirer parti de ce qui ne l’est pas, il est essentiel de permettre de visualiser tout cela, notamment pour des personnes qui n’ont connu qu’un seul mode de fonctionnement.
Finalement la métaphore de l’alambic me semble fort pertinente.
Pour qu’il sorte quelque chose de tout les savoirs tacites de l’entreprise il faut « agiter » tout cela en provoquant une réaction. Cette réaction nécessite deux préalables : qu’elle se fasse dans un contexte favorable à l’expression et à la confrontation de ces savoirs, à savoir au sein d’un réseau social, et que celui ci soit stimulé. Cette première sphère de l’entreprise est informelle et non structurée à double titre : les informations ne sont pas formalisées, et les intéractions entre individus ne sont pas prédéfininies.
Cette phase stimulation est à l’origine le fait d’animateurs, du management dont c’est, qu’on le veuille ou non, le rôle, voire de certaines fonctions parfois négligées telles tels les responsables de l’information ou documentalistes, ou de nouveaux métiers qui n’existent pas encore. Mais comme dans nombre de réactions chimiques, une fois déclenchée elle s’alimente aussi d’elle-même, faisant émerger ses propres agents stimulants.
Bien sur cette réaction a besoin d’éléments externes se produire. Elle est ainsi plus facile lorsque des éléments externes tels la confiance, l’alignement des pratiques sur les objectifs, l’existence de bénéfices partagés et une demande faisant sens sont au rendez vous. Lorque la réaction se met en marche elle permet également d’évacuer des sentiments tels le désengagement, le manque de confiance et les attitudes négatives en général. Plus on injecte les éléments favorisant la réaction plus elle est forte et plus elle permet de générer un contexte lui étant favorable en expulsant les éléments négatifs. Comme toute combustion qui se respecte.
Cette partie du processus concerne les fameux 80% des savoirs de l’entreprise qui sont informels. Elle nécessite une forte implication du management et est outillée par des plateformes de type social software. Mais ne nous trompons pas, l’élement essentiel se trouve au niveau humain.
Cette réaction permet l’emergence d’idées, de propositions plus abouties, la formalisation de best practices. C’est l’intérêt du duo stimulation / présence d’un outil permettant de capitaliser le tout : les expertises « locales », enfin formalisées, mais souvent non dégrossies deviennent une ressource utilisable par l’ensemble de l’entreprise. Mais ces éléments ne sont pas toujours utiles ou utilisables en l’état par l’entreprise pour ses besoins. C’est là qu’une fonction régulatrice est nécessaire. Il s’agit d’organiser la réappropriation de tout cela au service des objectifs de l’entreprise. Il s’agit là d’un processus qui implique tant l’humain que les outils. L’humain car là encore il s’agit de nouveaux comportements à développer (en tout cas pour certains). Il s’agit de la part de ceux qui sont en mesure de décider, de tranformer les idées en action, de daigner prendre en compte ce qui émerge de la précédante réaction, de recadrer les débats, d’insister sur certains points, de demander de creuser davantage dans telle direction, de valoriser ceux qui jouent le jeu. Les outils ensuite car ils leur rôle est également d’assurer, lorsque besoin est, l’utilisabilité des données non structurées présentes sur les plateformes afin d’être utilisées dans un cadre formel. On citera par exemple le cas de la Business Intelligence, du CRM et l’apport des moteurs de recherche sémantiques. Il s’agit pour ces outils, entre autres, formater ces données selon des standards les rendant utilisables par ailleurs.
Il s’agit donc d’une zone intermédiaire entre ce qui précède et ce qui suit (je sais, la tournure est maladroite…). C’est de là que dépendra la création de valeur car le travail sur les 80% d’informel sont inutiles si l’entreprise ne sait les réutiliser. Renaud Finaz l’explique bien à la fin de son interview chez Jean-Michel Billaut mais, je le répète, tant que des individus se refuseront à prendre en compte ce qui n’est pas formel et structuré la logique « outil » ne servira à rien. Et là on part de loin aussi…
Tout cela se déverse donc dans la sphère structurée habituelle, que nous connaissons donc. Cette sphère est structurée à double titre : l’activité des individus suit des process, l’information suit des worflows, et des outils de traitement « industriels » de l’information sont en place (ERP and Co). Les données sont structurées et respectent des formats précis. Elles peuvent ainsi être utilisées pour le décisionel, rentrer dans un process de traitement, être disponibles et « cherchables » pour qui en a besoin dans son activité…
Cette sphère ne peut traiter aujourd’hui que 20% de l’information de l’entreprise, les 20% qui sont de l’ordre du formel comme l’explique très bien Nonaka. Gageons que le schéma proposé fasse que ces activités directement liées à la génération de revenu puissent utiliser à l’avenir beaucoup plus que ces 20%. Quelque chose qui nous rapproche d’ailleurs du « Ba » du modèle « SECI » du même Nonaka.
L’ensemble du process décrit ci dessus produit également des éléments purement qualitatifs : plus grande satisfaction des individus qui voient leur travail et leur capacité à proposer et innover largement prise en comptes, renforcement du sentiment d’appartenance du fait d’interactions accrues entre les individus et le renforcement du sentiment de confiance, davantage de motivation et d’implication.
Ce schéma n’est bien sur qu’une ébauche et je suis impatient d’avoir vos retours.