Externalise t’on vraiment ce qui doit l’être ?

Certaines de mes réflexions m’amènent à  prévoir une lente mais inexorable externalisation de l’humain dans l’entreprise.

D’abord avec des modes d’organisation et des systèmes permettant à  une entreprise de se recentrer sur le marché et se focaliser sur le besoin à  satisfaire. Identifiant les tendances et besoins clé elle peut se concentrer sur l’élaboration d’une stratégie de réponse. Le reste, de l’innovation à  la réalisation peut être totalement outsourcé, nous l’avons déjà  vu, auprès du grand public et de structures de compétences externalisées, très spécialisées et de taille réduite leur donnant une grande réactivité (qui peuvent aller de la PME à  l’entreprise unipersonnelle). Ce mode d’organisation donnant d’ailleurs davantage de satisfaction aux partenaires que si ils étaient salariés au sein de l’entreprise donneuse d’ordre. La performance de la grande entreprise dépendra donc pour l’essentiel de sa capacité à  trouver la bonne réponse et organiser la chaine de compétences (plutôt que la chaine de valeur) pour produire la réponse en question.

J’ajouterai que des outils et des modes d’organisation inadéquats ayant pour conséquence des couts d’accès élevés à  cette denrée précieuse qu’est l’information interne, la loi de Coase peut fort bien s’appliquer dans le sens inverse dès lors que l’expertise extérieure coûte moins cher à  identifier et à  mobiliser que l’expertise interne.

Ensuite, et un ancien billet où je parle de l’Inde n’est qu’un exemple parmi d’autres, parce que l’externalisation des process liés à  la connaissance devient un marché et une source de développement territorial à  l’échelle mondiale et que des pays entiers vont se positionner sur ce créneau, mettant une pression terrible sur les entreprises occidentales qui verront l’avantage qu’elles retirent à  ainsi procéder à  des opérations de Knowledge Process Outsourcing.

Tout ça pour une raison simple : alors que la machine a pour but d’améliorer la scabilité de l’activité, les activités liées aux savoirs restent dépendantes du temps de l’individu. Certains sont plus lents que d’autres, soit, mais pour répondre à  des besoins quantitatifs en termes de production il ne sert à  rien de remplacer des hommes par des hommes plus productifs, il faut simplement mettre des hommes en plus avec ce que cela implique en termes de coûts. Ce qui pose de la manière la plus crue qui soit la question du coût du travail dans de nombreux pays. Et dans le notre en particulier.

Alors on peut penser que le rattrapage s’effectuera un jour, c’est certain. Que le travailleur Indien coutera aussi cher que le travailleur Européen et que l’avantage cessera. Oui mais quand ? Les dégats ne seront ils déjà  pas irrémédiables ? Et qui dit que d’autres pays ne remplaceront pas l’Inde ?

Bref, séduisante organisationnellement parlant, cette tendance poussée à  son extrême ne me séduit que moyennement au regard de l’avenir des économies occidentales.

Un autre point est également à  prendre en considération. Il est prouvé que l’Homme sera la principale richesse de l’entreprise dans les temps qui arrivent, justement parce que « knowledge » va de plus en plus primer sur la capacité d’execution (c’est d’ailleurs le cas – même dans l’industrie – mais on refuse de se l’avouer), il suffit de se pencher sur ce qui est clé et ce qui externalisable, sous-traitable, pour s’en rendre compte. Et beaucoup d’entreprise font exactement l’inverse de ce qui est nécessaire : elles gardent le contrôle de leurs outils et s’orientent vers une externalisation des Hommes.

Quoi qu’en en dise, nombre de DSI freinent encore des quatre fers dès qu’on parle de Saas (pour faire simple, de faire héberger leurs services informatiques à  l’extérieur) alors qu’une logique même de couts d’infrastructure et le besoin de maitriser des systèmes de stockage de plus en plus complexes (à  un coût compétitif) rendent cet avenir inéluctable de l’avis de nombres de spécialistes, et non des moindres.

Etrange paradoxe de voir ainsi les compétences sortir peu à  peu des entreprises qui par contre ne veulent pas voir leur informatique passer leurs murs. Un peu de jugeotte conduirait au résultat strictement inverse.

Bref trois grands chantiers d’une importance vitale à  entreprendre

– s’organiser dans une économie du partenariat (car on y viendra, reste à  savoir dans quelles proportions)

– se poser plus que jamais la question du coût du travail (ça n’est pas du ressort de l’entreprise, mais elle peut contribuer à  la prise en compte de la question)

– avoir une vraie logique de coûts sur la question de l’infrastructure informatique et notamment les questions de stockage. Amazon et Google savent gérer à  des coûts compétitifs des fermes de données car c’est devenu leur métier et ils mutualisent les couts de leur clients. Ca n’est pas le cas d’une entreprise traditionnelle et ne le deviendra pas. Avoir des outils permettant de tirer le meilleur des talents de l’entreprise…avec des talents qui ont qui quitté la maison n’a aucun sens.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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