Toyota : un bel exemple de SOO pour un risque zéro

Je vous rappelle en deux mots les principes de l’Organisation Orientée Service (ou SOO) : il s’agit de donner aux collaborateurs la possibilité (donc les outils et le mode d’organisation)  de combler l’écart entre les tches définies par leur employeur et celles que demandent effectivement leur travail (partant du principe qu’on a atteint un tel optimum dans la verticalité que les écarts, de plus en plus fréquents, ne peuvent se régler que via des systèmes ad-hoc, spontanés et provisoires).

Un bel exemple nous vient de chez Toyota et de son écosystème de sous-traitants. Ce dernier se caractérise par une optimisation telle que les expertises sont très souvent uniques. Que se passe-t-il lorsqu’une usine fabriquant une pièce utilisée sur tous les véhicules brule ? Et qu’il ne reste que deux jours de stocks de cette pièce ?

Je vous renvoie, pour le savoir, à  cet excellent billet de Christophe Faurie dont je me permet de reprendre quelques termes in extenso :

Sans réelle coordination centrale, les sous-traitants de Toyota se jettent sur le problème. Sorte de mouvement brownien. Tout le monde discute avec tout le monde. En 3 jours ils ont reconstitué les processus de fabrication détruits, alors qu’ils n’ont aucune connaissance du métier et des outillages nécessaires. (D’ordinaire, construire une usine et son outillage demande une année, voire plus.) Plus inattendu : la production se répartit sur l’ensemble des sous-traitants. Une soixantaine fabrique les produits d’Aisin, les autres se chargent des productions qui ont dû être déplacées de ce fait. C’est l’ensemble des sous-traitants qui a absorbé l’incident.

Qu’est ce qui a rendu le miracle possible ?

Le fondement même de l’organisation « Toyotienne », fondée sur des petits groupes pratiquant la résolution de problèmes en permanence (tiens…qui a dit que la tche principale d’un salarié aujourd’hui était de résoudre des problèmes et que la collaboration ne signifiait plus atteindre ensemble un objectif défini mais trouver ensemble une solution à  un problème impromptu ?). Le « projet » s’auto organisant aucune considération financière ne vient le troubler (ce qui aurait été le cas si le donneur d’ordre avait géré la chose en top-down).

En effet, comme le dit encore très bien Christophe, la surcharge informationnelle appliquée à  un système hiérarchique sature les organes de direction et imposent aux collaborateurs de la court-circuiter. Les réseaux informels qui en résultent ont un impact colossal sur la gestion du risque organisationnel étant donné qu’ils contribuent à  renforcer la solidité de l’organisation qui ne repose plus seulement sur quelques éléments clé mais est répartie sur l’ensemble des collaborateurs.

Tiens…cela me rappelle des études récentes et un article de Courrier International qui titrait « Al Qaida, un modèle d’organisation pour les entreprises ». Provoquant mais pas si sot :

Imaginez une entreprise dont la structure a été conçue pour résister à  n’importe quelle attaque… dont l’organigramme aurait oublié la hiérarchie… dont aucun établissement ne pourrait revendiquer le rôle de siège social… où l’information circule, mais divisée en « paquets » et suivant des circuits chaque fois différents… Une entreprise en réseau, construite sur le principe du filet de pêche, avec des « noeuds » de communication interconnectés…
Cette entreprise existe. Elle s’appelle Al Qaida. C’est le réseau terroriste nouvelle génération mis en place par Oussama Ben Laden… Si un « noeud » est détruit, l’information continue de circuler avec fluidité. « Des parties entières du réseau peuvent céder, mais le filet, lui, résiste toujours. On dirait une description d’Internet »… Un consultant américain, s’est penché sur le réseau unissant les 19 terroristes du 11 septembre. Après de savants calculs, il est arrivé à  la conclusion qu’il aurait fallu détruire 21 % de l’organisation pour arrêter l’entreprise mortelle des 19 hommes : un chiffre considérable « lorsqu’on sait que, dans une structure hiérarchique traditionnelle, il suffit de viser un petit 5 % pour obtenir le même résultat »… Promon, l’une des plus grandes sociétés brésiliennes de haute technologie, « songe sérieusement à  adopter le principe organisationnel d’Al Qaida pour se restructurer »… Gérer la communication, mais aussi la sécuriser. Car « cette structure en filet est quasi indestructible » – surtout si « une confiance partagée et une conviction commune s’ajoutent à  cette organisation ».
..

Conclusion : pour limiter le risque et améliorer la performance d’une organisation, le modèle hiéarchique qui laisse très peu d’automonie à  ses membres et impose à  ses membres des canaux de communication définis est la pire des choses.

Autre chose : ce qui est doublement intéressant dans le modèle Toyota c’est l’implication forte des sous-traitants, confirmation que l’entreprise n’est plus un vase clos et qu’elle doit non plus se protéger mais s’ouvrir autant que possible à  son écosystème. C’est également la preuve de l’efficacité d’un mode d’organisation davantage axé sur le partenariat que sur l’hypertrophie interne. L’entreprise de demain ne sera pas entourée de murs mais au contraire s’intégrera dabs écosystème de parties prenantes.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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