La crise se caractérise par son caractère soudain, imprévisible, et l’importance potentielle de ses conséquences. Elle impose à une organisation de réagir rapidement afin de se préserver, elle ainsi que ses composantes, autant que faire se peut.
Cela impose diverses choses. Décider de la manière dont on va réagir tout d’abord, ce qui suppose de disposer d’une information fiable et exhaustive. Ensuite réussir à faire passer les ordres, ce qui implique cette fois ci un flux d’information descendant reçu par tous. Et dans la mesure où il faut s’attendre à ce que soit le flux ascendant n’existe pas (donc manque d’information pour décider) soit il est impossible de faire redescendre l’information (incapacité pour les agents d’agir), il est essentiel de prévoir des flux décentralisés afin que les agents soient à même de se coordonner par eux même.
Tout cela participe, notons le, de deux phénomènes que j’ai pu évoquer ici par le passé : le fait qu’une organisation en réseau soit moins fragile face aux attaques qu’une organisation centralisée (voir les cas Toyota et Al Qaida ici), et la nécessité de donner un maximum de visibilité à l’action et aux informations de chacun de manière à ce qu’en l’absence de coordination chacun puisse adapter sa stratégie à celle des autres. Remarquez que même si la tête de l’organisation est à même de faire son travail, si tout fonctionne bien, le fait que ses agents arrivent à se débrouiller sans repasser par le centre la décharge tout de même d’un grand poids. Quoiqu’il en soit, étant donné que nous parlons de crise, le fait qu’il existe des canaux de dérivation ne peut être qu’une bonne chose.
Je pense que tout le monde a, par l’observation ou l’expérience, le souvenir d’une situation de crise où personne ne savait ce qu’il fallait faire, où tout le monde manquait d’information sur la conduite à tenir et où le manque d’information empêchait de décider à son propre niveau et où le sommet peinait à avoir une idée claire de se qui passait et / ou à expliquer la conduite à tenir.
Vous connaissez Gustav ?
Pour ceux qui auraient passé la dernière semaine sur mars, il s’agit d’un ouragan qui va frapper la Louisiane dans les heures à venir (en fait certainement avant que vous ne lisiez ces lignes). Je ne sais comment la chose est traitée en France mais de New York où je passe quelques jours de vacances on a bien l’impression que c’est la seule chose qui se passe sur terre aujourd’hui, avec une couverture totale par les médias, 24h/24. Mais là n’est pas le plus important.
Bien entendu le gouvernement, fort d’une douloureuse expérience en la matière, prend les choses en main, communique, organisae, les médias relaient les consignes, mais il y a une bien meilleure manière de suivre Gustav, de savoir ce qui se passe en temps réel, de savoir ce que font les autres, à une vitesse que même les médias ont du mal de suivre. Aucune organisation centrale, aucune participation des pouvoirs publics: tout repose sur les individus qui ont mis en place eux même un des systèmes d’information de crise les plus réactifs qu’on ait jamais vu. Spontanément. Avec zéro budget. A savoir (entre autres):
Un réseau social dédié reprenant et aggrégeant toutes les informations nécessaires.
Un compte twitter dédié.
Un blog.
Même la croix rouge participe et informe via son compte twitter.
Et j’en passe.
Très pratique pour les spectateurs passifs que nous somme, mais au combien utile pour ceux qui vivent la chose, font face à une évacutation, veulent des nouvelles de leurs proches, demandent des conseils, veulent savoir ce qui se passe pour savoir quoi faire…
Le principe est intéressante : des initiatives individuelles de personnes concernées, la possibilité qu’offrent le outils d’aggréger des contenus de différentes origines, de permettre aux utilisateurs d’intéragir entre eux. Simple, complet, efficace, souple.
Maintenant laissez moi me poser une question. Combien d’organisations disposent des outils nécessaires pour mettre en place quelque chose d’aussi réactif permettant de faire face à ce type d’enjeu en aussi peu de temps, avec les mêmes possibilités ? Je parle bien de situations d’une extrême gravité où l’on sait bien que la tête de l’organisation ne pourra aider et informer chacun et où il faudra donc faire preuve d’un peu d’autonomie et de jugeotte. A mon avis très peu, et à cela deux raisons.
– manque d’outils suffisamment souples pour permettre ce type d’organisation totalement décentralisée.
– et (ceci expliquant peut être celà ) la croyance que de toute manière les agents ne peuvent s’en sortir seuls donc que seule la tête doit agir, quitte à préférer un nauffrage géré par le haut à une évacuation en bonne et du forme gérée par le bas.
La manière dont la « foule » prend le phénomène Gustav en main vous inspire-t-elle quelque chose par rapport à la manière dont les organisations sont équipées pour faire face à des situations aussi graves et subites ? Le fait qu’il s’agisse ici avant tout de préserver les individus alors que nombre d’organisations peuvent (légitimement) arguer du fait qu’elles doivent se protéger elles-même au détriment parfois de leurs agents peut il être un début d’explication ?
[Update]: bon article du Chicago Tribune ici.
PS : un peu d’humour ne faisant pas de mal devant une situation d’une telle gravité, j’espère que les cartes affichées sur le réseau social sus-mentionné sont définies en fonction du pays de l’internaute, car je vois mal l’intérêt pour les habitants de la Nouvelle Orléans de disposer des cartes des routes d’évacuation françaises…
Mise à jour : après une bonne demi-heure, on m’affiche bien les cartes US.