Je sais qu’une bonne partie de mon lectorat est plus « entreprise » que « 2.0 » mais il est toujours essentiel de se focaliser sur ce qui émerge au niveau du grand public pour comprendre ce qui va se passer en entreprise demain. Tout d’abord parce que les pratiques développées finissent toujours par impacter d’une manière ou d’une autre la façon dont on agit dans l’entreprise, ensuite parce que (et ça c’est vraiement nouveau) ce sont désormais les outils grand public qui donne le « la » de ce que seront les outils d’entreprise de demain.
Avez vous déjà entendu parler de Twitter ? Je vous renvois à Wikipedia pour en savoir un peu plus, mon propos ici n’étant pas de m’attarder sur le coté « outil » mais d’aller un peu plus loin.
L’outil m’a toujours laissé un peu sceptique et si je l’utilise c’est à mes heures perdues lorsque je n’ai rien d’autre à faire ou que j’ai envie d’ennuyer mon (petit) monde en racontant des c…. Alors bien sur parfois on a de bonnes surprises, comme lorsque je twitte mon itinéraire de vacances et me retrouve à passer la matinée avec un spécialiste de l’entreprise 2.0 à Boston que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam auparavant. Mais pour en arriver là que de bruit. Bref twitter c’est un peu la poubelle de mes futilités mais comme il m’arrive de jeter le bébé avec l’eau du bain vous y trouverez peut être un jour quelque chose qui vous intéresse, c’est aussi ça la serendipité et l’application du concept selon lequel ce qui est de l’or pour les uns peut etre de la boue pour les autres et inversement. Le problème de twitter c’est un usage tellement large avec un public quasi illimité et le fait que tout ce qu’on a dire s’y mélange, pro, perso, humour, sérieux, bouteilles à la mer (à l’amer ?), coup de gueules, que tout cela manque un peu de focus. Voir l’article de Fréderic de Villamil sur le sujet. Je me dis bien que circonscrit à un domaine et un public restreint ça doit avoir du sens, et ça comblerait un vide au niveau outil entre le blog, l’instant messaging et le mail. Alors bien sur on peut avoir x comptes twitter privés avec des publics différentes…mais là on ne s’en sort plus et on se complique la tche plus qu’autre chose.
Il y a donc quelque chose derrière twitter qui dépasse la pauvreté actuelle de l’outil et des usages que nous (moi y compris) en avons. Mais quoi.
Pour les raisons que j’évoquais plus haut, lorsqu’un épiphénomène (car à l’échelle du web et, plus encore, de la société twitter n’est rien d’autre) devient assez important pour que le New York Times Magazine lui consacre un dossier complet il convient de regarder ce qui se cache derrière. C’est d’ailleurs la raison première de cet article : ces quelques pages lues par hasard pour passer le temps dimanche dernier à l’hotel (NYT Magazine – 7 sept 08), intitulées « I’m digitally close to you », par Clive Thompson, également disponible en ligne ici.
De Facebook à Twitter, en passant par Dopplr (un service qui permet de partager vos dates de déplacement avec votre réseau) il s’interroge sur la tendance des lifstream, autrement dit la possibilité de faire savoir à tous ce qu’on fait à un moment donné. Lorsque par exemple cette fonctionnalité est arrivée sur Facebook cela a été vécu comme une violation de l’intimité des membres. Mais à la longue les utilisateurs ont cessé de la rejeter et au contraire y ont vu la possibilité de « sentir l’air du temps », de capter les signaux faibles en provenance de leur réseau. Bref, on est rapidement passé de la peur à l’addiction.
Il est prouvé qu’on ne peut gérer pleinement plus d’un certain nombre de connexions. Par contre on peur respirer superficiellement l’air du temps, savoir à peu près ce qui se passe et où, et décider de creuser davantage la question si cela nous intéresse.
Cela s’appelle, et je garderai le terme anglais que je trouve fort adéquat, l »ambiant awareness », ce qui peut se traduire par la capacité à être proche des autres et à suivre le fil de leur vie en « picorant » dans leurs humeurs.
Je ne peux m’empêcher de faire dès lors un premier parallèle avec ce qui se passe dans le monde de l’entreprise, ou nous dépendons tous d’une manière ou d’une autre des autres et où pouvoir savoir ce que font les autres, où ils en sont, leurs problèmes à l’avance est fort utile. Je ne parle pas d’être submergé d’information, juste de pouvoir jeter un oeil quand cela m’intéresse. Et, l’air de rien, de créer un minimum de lien et de sentiment d’appartenance en faisant en sorte que chacun ait toujours des nouvelles des autres.
Comme le note Thompson, ce mode de fonctionnement peut paraitre totalement inapproprié aux vieux que nous sommes (c’est à dire les plus de 30 ans). Mais il est naturel et acquis pour les plus jeunes qui y voient justement une manière à la fois de délivrer un signal social et de protéger ce qu’ils veulent garder. C’est justement là ou le cadre de l’entreprise peut apporter ce focus qui manque par exemple sur twitter.
Thompson parle « awareness tools », que je m’amuse à traduire par outil d’éveil, histoire de marquer la ressemblance avec des outils de veille tout en marquant la différence profonde qui existe entre les deux.
Il y a de cela deux ans j’écrivais un article sur le blog en tant qu’outil de développement personnel, un aspect du social computing encore mal mis à profit par les DRH et les managers ceci étant dit. Par leur aspect plus concis et moins formel, les « awareness tools » peuvent avoir un apport également en la matière. Je reprend encore Thompson qui nous dit que lorsqu’on à un public cela amène à davantage réflechir, à être plus pertinent. Et que finalement la personne que ces outils nous aident à mieux connaitre….c’est nous. A méditer encore en se replaçant dans une perspective professionnelle où on devrait certainement prendre le temps de se demander plus souvent « mais qu’est ce que je fais ? comment en dire l’essentiel en 140 caractères ? ». Intéressante, cette perspective qui nous amène à réaliser qu’en plus de capter le signal des autres, de telles démarches nous permettent également de se poser les bonnes questions sur soi.
Bref nous n’en sommes qu’au début mais il est clair qu’après le capharnaum twitter, on va finir par trouver des usages certainement plus évolués et cadrés en matière professionnelle.
J’avais commencé à écrire cet article lundi. Depuis je me suis rendu compte qu’après le NYT magazine, Business Week avait fait un article sur les chefs d’entreprise « twitterers ». Dans la foulée, Yammer, qui n’est autre qu’un twitter « privé » pour utilisation entre salariés d’une même entreprise venait d’être primé au Techcrunchs 50. Un signe ? En tout c’est c’est gratuit, vous n’avez qu’à essayer avec vos collègues de bureau…vous vous rendrez peut être compte que certains y sont déjà .
Loin de moi la prétention de savoir vraiment ce que tout cela va donner demain. Une certitude, il faut chercher à l’anticiper sous peine de se faire déborder lorsque la vague arrivera. Il est une réalité sociale qui un jour ou l’autre finira par rentrer dans l’entreprise, alors comme je le dis toujours, autant être prêt à s’en servir que gaspiller son énergie à construire des forteresses qui finissent toujours par tomber.
Mais pour cela autant prêter un oeil attentif au phénomène avant…