La prise de pouvoir des techno-populistes…chez Unilever, GE, et demain chez vous ?

J’ai découvert le terme « techno-populist » au détour de cet article de Business Week. L’expression à  l’origine de laquelle on trouve le cabinet Forrester, désigne les personnes qui font fi des règles en vigueur dans leur entreprise en matière de systèmes d’information pour pouvoir utiliser dans leur vie professionnelle les outils qu’ils utilisent dans leur sphère privée.

Wendy Wakes a rejoint Unilever à  l’age de 27 ans. Au sein du département marketing elle fait vite la cruelle expérience de l’impact d’une politique SI trop rigide. Et les jeunes recrues qu’elle cotoie et qui sortent à  peine de l’université le vivent encore plus mal. Comme le dit Business Week, pour quiconque est né après 1985, l’entrée dans le monde de l’entreprise est un choc technologique. A l’inverse de ce que notre génération a pu connaitre, lorsque l’entreprise représentait un véritable eldorado mettant à  notre disposition des outils et du matériel auxquels nous n’aurions pu prétendre à  l’époque, force est de reconnaitre qu’aujourd’hui, à  tous les points de vue, le monde d’entreprise ressemble à  Jurassic Park par rapport à  tous les outils dont je peux bénéficier dans ma sphère privée (je parle de l’entreprise en général car au moins la mienne me gte sur ce point).

La jeune femme ne se démonte pas et envoit un courrier à  son Directeur des Systèmes d’Information en lui expliquant à  quel point on pourrait plus efficaces avec des outils grand publics, gratuits, et moins préhistoriques. Six mois après celui-ci lui confie un nouveau job : diffuser l’utilisation de ces outils au sein d’Unilever.

Unilever désire désormais donner à  ses salariés plus de « liberté numérique », permettre les connections depuis l’extérieur du firewall, utiliser leurs propres ordinateurs personnels pour peu qu’un minimum de règles de sécurité soient respectées. Avec en ligne de mire des gains de productivité mais aussi en termes de couts. Lorsqu’ils ne sont pas gratuits, les outils en question relèvent de politiques tarifaires qui n’ont en effet rien à  voir avec ce que les entreprises ont connu jusqu’à  présent.

Bien sur l’initiative ne convainc pas tout le monde et le DSI doit faire face à  certains scepticismes mais, comme il le dit, il est de toute manière vain de résister contre les forces économiques et sociales à  l’œuvre en ce moment.

Un billet à  rapprocher de celui que j’ai pu publier il y a peu sur twitter. On peut en penser ce qu’on veut, se dire qu’au regard du passé « ça n’est pas possible ». Et pourtant les tendances sont là  et le phénomène ne se limite plus à  quelques précurseurs illuminés et touche désormais les institutions les plus importantes et respectables, des entreprises chez qui on a jamais sacrifié la rentabilité aux phénomènes de mode.

Il y a dans l’approche « mon entreprise sur Facebook » quelque chose qui me dérange profondément. Je dois être encore un peu vieux jeu mais mais je trouve très « limite » de publier quelque donnée à  caractère professionnel que ce soit sur une plateforme qui essaie d’une part de monétiser ses contenus et son fichier de membres, mais dispose également de conditions d’utilisation peu rassurantes quant à  la propriété des données. On peut également se poser la question à  terme pour Google d’ailleurs.

Mais au delà  des outils c’est la « pression sociale » et le coté lame de fond que je retiens : plus que le fournisseur choisi c’est la logique qu’il importe d’assimiler afin que dans les années qui viennent votre entreprise ne ressemble pas à  la Nouvelle Orléans et ses digues en papier mché à  l’heure de l’arrivée de la tempête du siècle. Quand on ne peut résister on canalise et on met à  profit : c’est ce que fait Unilever mais également General Electric.

General Electric qui, soit dit en passant, préfère se tourner vers un vrai éditeur professionnel, Zoho pour ne pas le nommer (et devant qui Pascal est tombé en admiration) en vertu des réserves que j’émettais plus haut par rapport à  Google, se lance également dans le même genre de démarche. Quoi qu’il en soit les applications quittent bel et le bien le poste de travail pour se retrouver en ligne. Et GE a bien compris le sens de l’informatique agile : une nouvelle version de leur ‘support central’ est livrée toutes les deux semaines. Fini les projets qui mettent deux ans à  émerger : on livre une base et on améliore en permanence selon les besoins, le feedback, l’expérience. Ce qui nous ramène à  la discussion sur la création de valeur par les directions informatiques

Avant de se poser la question finale, lisez donc cette intéressante analyse sur le passage du desktop au webtop chez Internet Actu.

Voici donc la question que chacun devrait se poser : faut il encore se demander dans quelle mesure il faut permettre à  de nouveaux outils de pénetrer dans l’entreprise, à  de nouvelles pratiques de voir le jour, choses qu’on a beaucoup de mal à  visualiser au vu de ce qui existe sur les postes de travail aujourd’hui, ou faut il se projeter dans un futur proche ou, inéluctablement, le poste de travail ressemblera à  ce que j’évoque ici et se demander « comment en tirer le plus grand profit, comment faire évoluer nos modèles de travail (et de pensée quant au travail…) en conséquence ? ».

Des éléments de réponse ?

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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