Comme je vous l’avez annoncé ici j’ai participé à une table ronde sur le sujet « entreprise 2.0 : transformation des usages » vendredi dernier. Voici en quelques lignes, brut de décoffrage, ce que j’en retiens. Compte rendu forcément biaisé et non exhaustif : dans ce genre d’évènements le public retient ce qu’on dit les intervenants alors qu’en tant qu’intervenant on retiens souvent davantage les préoccupations des participants que ce que nous avons nous même pu dire.
Le tout agrémenté de réflexions que je n’ai pas faites sur le moment.
Comment les entreprises voient l’entreprise 2.0. Must have ou nice to have ?
La question était y-a-t’il un sujet « 2.0 » dans l’entreprise. Intéressant de pouvoir comparer la vision que je peux en avoir en tant qu’acteur de ce marché avec celle de personnes qui en sont davantage les sujets. Visiblement les visions commencent à s’aligner et c’est tant mieux.
J’ai notamment mis en avant que la question n’était pas tant de savoir s’il y avait une « préoccupation 2.0 » dans les entreprises mais de savoir si elles estimaient que le fait de développer de nouvelles pratiques (terme que je préfère 100 fois à celui d’usages, à mon avis vide de sens dans un contexte d’entreprise) permettaient de gagner en efficacité en termes de business. Si oui la mise en place de ces pratiques nécessitera une approche combinée RH/Management/organisation/outils et comme monsieur Jourdain elles feront de l’entreprise 2.0 sans le savoir.
J’ai à ce titre mentionné la dernière étude McKinsey sur le sujet.
En fait pour clore le débat « must have vs. nice to have » je dirai qu’il y a deux approches : des problématiques business précises avec un périmètre défini qu’on décline jusqu’aux outils ou une logique de dire « faut essayer les nouveaux outils et voire ce qu’on peut faire avec ». La première logique amène irrémédialement à un constat de type « must have », la secone correspond à du « must try » qui amène inéluctablement à du « nice to have » et « time-consuming to use ».
Et je terminerai avec ma phrase favorite sur le sujet : au lieu de vous demander comment faire adopter des outils demandez vous pourquoi. Soit dit en passant, cela permettra également de régler une fois pour toute la question du ROI.
Techno or not techno ?
Il a fallu le repréciser une ou deux fois (mais étaient-ce des lapsus ou des actes manqués ?), on ne parle pas de faire rentrer des outils au forceps dans l’entreprise mais d’outiller de nouvelles pratiques business. Nuance. L’outil est un moyen indispensable, quoiqu’on puisse trouver des entreprises qui ont les pratiques sans les outils (question de culture), mais en faire une fin conduit irrémédiablement à en faire un « nice to have ».
En tout cas il est illusoire de penser qu’on peut faire se passer « online » des choses qui n’auraient aucun sens pour les cillaborateurs « in real life ». Si les gens ne veulent se parler, s’entraider, collaborer dans la vie réelle ils ne risquent pas d’avoir envie de le faire en ligne. L’outil sert à faire tomber les barrières « matérielles » qui empêchent de pleinement réaliser ce qu’on veut faire dans la vie réelle, pas à faire ce qu’on ne veut pas faire ou ce qui n’a pas de sens.
Quoiqu’il en soit la chose semble désormais claire pour tout le monde, ce qui était loin d’être le cas il y a deux ans.
Comment on mesure ?
L’objectif majeur de l’entreprise 2.0 étant la performance collective c’est à ce niveau que se mesure tout projet allant dans cette direction. Autrement dit la mesure finale se passe d’une certaine manière en dehors des outils. Si vous mettez par exemple des outils au service d’une force commerciale c’est bien entendu au niveau de la performance de chacun, avec les indicateurs classiques, qu’on jugera la réussite du projet et non au niveau du volume d’information échangé dans l’outil. Maintenant, pour qu’il y ait amélioration de la performance il faut de la matière, donc une mesure de l’utilisation des outils et de pertinence des contenus peut aussi être pertinente en amont pour piloter le flux qui existe depuis le savoir individuel jusqu’à la création de valeur.
Sujet sur lequel l’apport d’Hervé Dumas de chez Valeo a été très important. Je le rejoins pour dire qu’on ne convainc plus personne en parlant d’employés qui économisent 40 secondes toutes les heures et en transformant ça en quelques hypothétiques millions d’euros économisés à la fin de l’année. Valeo a mis en place des indicateurs simples et « matériels » si je me souviens bien de son expression. A titre personnel je recommande souvent de s’inspirer des indicateurs de type balanced scorecard qui sont souvent extrêment simples et collent au plus près de la réalité opérationnelle.
Vous avez dit récompense ?
La question de la récompense a été posée et cela prouve que l’aspect managérial de l’entreprise 2.0 au service du business est désormais perçu par tous. C’est vraiment quelque chose qui est nouveau car il y a ne serait-ce qu’un an on en était très loin.
Existe t’il des entreprises qui ont bati un système d’incentives fondé sur la participation dans le cadre d’une logique entreprise 2.0 ? Pour être franc je pense que c’est trop récent et déployé sur des périmètres encore trop restreints pour qu’on en soit déjà arrivé là mais je suis preneur de tout exemple d’une DRH en France ou ailleurs ayant pris le problème à bras le corps.
Par contre rien n’empêche un manager, et ça je l’ai vu, de s’appuyer sur ce qui se passe sur la plateforme qu’il a mis en place pour évaluer ses collaborateurs. En général on recommande d’évaluer les personnes sur les résultats et l’attitude. Mais qui peut dire qu’il peut de manière tangible savoir si untel ou untel fait preuve d’une attitude « collaborative », s’il se met au service du groupe…bref s’il met en oeuvre le code de « bonne conduite » que l’entreprise aimerait voire appliquer. Les outils 2.0 peuvent permettre à un manager, en se fondant sur du tangible, de dire : « là tu n’as pas partagé une information essentielle pour la réussite de l’équipe », « là tu n’es pas intervenu pour apporter ton aide à un collègue qui avait besoin d’une information essentielle… ».
Comme quelqu’un l’a fait remarquer il faut être vigilant de récompenser ce qui compte et bien choisir ses KPI. Au volume de participation ? Surement pas sauf à inciter les collaborateurs à faire du vent. D’où l’importance de faire le lien entre la participation et les résultats opérationnels dans « la vie réelle ». On m’a déjà fait remarquer, à juste titre, que certains sont mêmes choqués à l’idée d’être finalement recompensés pour simplement faire leur travail. C’est pourquoi je pense qu’il sera essentiel de lier de telles récompenses, non pas uniquement à la participation, mais à son impact sur le business.
J’ai également fait remarquer que la récompense n’est pas forcément financière. Une promotion, une évolution de poste peuvent aussi convenir. J’ai cité l’exemple de Bell Canada où le fait d’aller présenter son projet devant le board était une réelle récompense pour le collaborateur lambda.
DSI : je t’aime moi non plus.
Le rôle des DSI a été largement discuté. Jusqu’à un « chez nous c’est une fonction tellement ringarde que les jeunes préfèrent aller bosser à la compta ». « De toute manière ils sont débordés, les gens utilisent les outils grand publics pour contourner les DSI »
Plus concrêtement j’ai vraiment ressenti le besoin exprimé d’une collaboration entre les métiers et les directions informatiques pour mettre en place les outils dont les opérationnels ont besoin et force est de reconnaitre que malgré les discours en vogue ça ne semble pas encore trop se ressentir dans les faits. Et là ça pose vraiment problème.
Un discours que je désire toutefois tempérer : le sujet « chaud » des managers est l’entreprise 2.0 alors que la DSI doit aussi faire tourner l’existant ce qui n’est pas une mince affaire et on peut comprendre que l' »émergent » ne soit pas sa préoccupation principale même si il va falloir que ça évolue. En tout cas je préconise de prendre le temps de discuter et d’avancer pas à pas si nécessaire. Un projet peut se faire (et cela arrive, quoi qu’on en dise) avec une participation active des DSI, ou alors avec un simple regard bienveillant (cas d’une solution en mode Saas). Mais il ne se fera jamais contre.
A titre de ressource documentaire je vous renvoie à cette analyse co-signée par le Cigref et McKinsey. Au fait, maintenant que le Cigref est présidé par un ancien Sup de Co, donc quelqu’un qui peut avoir une réelle approche métier.Un ancien ESC Lille pour être plus précis. A croire que cette école est vraiment génétiquement 2.0.
Et la crise ?
Je pense avoir déjà traité le sujet ici. Il est vrai qu’après avoir surtout vu l’entreprise 2.0 sous l’angle de la croissance je commence à me rendre compte de certaines de ses vertues dans des situations plus difficiles où les maitres mots sont « se serrer les coudes », « être agiles », « faire plus avec moins », » trouver les bonnes idées pour s’en sortir ». L’entreprise en temps de crise c’est « moins de gras mais plus d’huile dans les rouages ».
J’en reviens donc une fois de plus à la réalité des besoins concrets, orientés business. Ca n’est pas parce qu’une collection est passée de mode que les gens n’ont plus besoin de s’habiller non ?