BlueNity ou comment Air France laisse ses clients s’auto chouchouter

J’avais l’intention de traiter dans de futurs billets les différentes logiques anticrises qui pourraient être supportées par des logiques 2.0. L’actualité m’amène à  déflorer le sujet en abordant le cas de BlueNity, plateforme de réseau social que vient de lancer Air France. Cela fait quelques temps que je n’avais pas parlé de mon entreprise française favorite alors après les belle initiatives d’AF Mexique ou, plus proche de nous, Inside Air France coté RH.

Alors bien sur vous me direz que pour ouvrir ses portes aujourd’hui le service en question a du être muri depuis bien avant ces dernières semaines. Mais il n’empêche qu’il montre ce que peut être la réponse d’une entreprise à  un challenge imposé par la situation actuelle : s’adresser à  ses clients actuels et potentiels alors que la tendance est aux coupures budgétaires. Ca n’était peut être pas le but initial d’Air France mais il se sont dotés d’un outil qui, s’il tient ses promesses et évolue dans le bon sens, peut rendre plus de services que prévu.

N’ayant pas assisté au lancement, je m’appuierai à  l’occasion sur l’excellent compte-rendu qu’en a fait Jean-Michel Billaut.

Dans le contexte actuel une entreprise doit, comme toujours, communiquer vers ses clients, développer l’attachement à  la marque, délivrer le meilleur service possible, quantitativement et qualitativement, afin de développer l’attachement à  la marque. Cela est également vrai vers les non clients qu’il s’agit, en jouant sur les mêmes leviers, en espérant les attirer dans son giron. Et ce dans un contexte de diminution des coûts qu’il est impossible de nier.

C’est ce que, l’air de rien, fait Air France avec cette plateforme qui permet d’être présent dans le quotidien de ses usagers mais également de toute personne qui désire partager ses « bon plans » voyage même si le transporteur français n’est pas sa compagnie attitrée.

Comme le souligne Jean-Michel nous ne sommes pas dans le cas de la recherche d’un ROI classique mais du développement de l' »affinitité à  la marque ». Mais le ROI n’est pas tiré par les cheveux : quel est le but de l’affinité si ça n’est de fidéliser d’un coté, donner, pourquoi pas, des envies de consommer d’autre part, et enfin déclencher un « réflexe Air France » dès lors qu’il sera question d’acheter son billet pour les vacances ou un déplacement professionnel.

Qu’est ce qui donne une valeur supérieure à  BlueNity par rapport à  des TripAdvisor par exemple ? Je suis client fidélisé Air France donc d’emblée je me sens plus proche de cette communauté dont je fais partie « de facto » puisque ses membres, pour la plupart, voyagent sur les mêmes vols que moi. Par ailleurs le fait de savoir qui sera dans le même avion que moi pour mes prochaines vacances peut être soit utile soit simplement agréable. Savoir que j’y retrouverai un contact professionnel ou un ami. Qu’une personne qui s’intéresse à  l’entreprise 2.0 après avoir vu mon profil sur lequel figure un lien vers mon profil linkedIn me propose de discuter un peu de la chose dans le lounge avant d’embarquer…que sais-je.

A ce propos l’aspect pro/perso est remarquablement bien géré. J’ai deux profils et je décide qui peut voir l’un ou l’autre entre mes contacts pros, mes contacts personnels et ceux qui sont sur mon vol. Peut être ai-je envie de rencontrer des personnes qui ont les mêmes préoccupations professionnelles que moi, ou au contraire oublier le boulot et rencontrer des gens qui aiment la peinture, les musées, et lisent les mêmes auteurs. Tout cela est parfaitement étanche et certains feraient bien de s’en inspirer : je ne partage pas la même chose avec mes clients qu’avec mes amis mais je suis lié aux deux. Ok vous allez me dire que d’abord je vole sur AF (et seulement sur AF), que je suis un « Frequent Flyer » (Elite qui plus est)…Air France KLM c’est 75 millions de passagers par an et 15 millions de membres du programme de Fidélité Flying Blue. Faites les comptes… Toujours selon la compagnie 30% de ses passagers sont « 2.0 minded ». Si 1/3 de ces 30% jouent le jeu on a déjà  une masse plus que critique pour faire quelque chose de valorisable en termes de service. En tout cas à  mon avis.

Autre point fort : délivrer un service aux clients coûte cher en terme de ressources. Le propre d’un réseau social qui repose sur une réalité et une communauté de projet/intérêt tangible c’est qu’il vit de l’activité de ses membres. Ici on est bien sur du tangible : j’ai mes relations d’une part, et ceux qui vont aux mêmes endroits que moi, ont des expériences à  partager avec moi et sont sur les mêmes vols que moi. L’air de rien passer 11h dans la même carlingue c’est un lien très tangible malgré le développement du « in flight entertainement ». Bref, l’air de rien, BlueNity permet à  ses membres de s’auto délivrer un service (conseils, suggestions d’hotels, d’activités) sans que l’entreprise n’ait à  s’occuper de chacun d’entre eux individuellement. Bien vu aussi la possibilité de proposer aux voyageurs de s’auto organiser pour, par exemple, partager un taxi une fois arrivé à  destination.

Autre atout non négligeable d’un réseau social en ligne de ce type c’est qu’il permet, en plus, de délivrer le même service à  des non-clients sans investissement spécifique. Histoire de les convaincre, de développer la dite affinité…la plateforme servant déjà  aux usagers le coût de sa mise à  disposition aux autres est quasi nul donc le ROI potentiel forcément intéressant : avec un petit I on n’est jamais désagréablement surpris par le R.

Reste la condition sine qua non pour que ce bel outil soit un succès à  la fois pour l’entreprise et ses clients (d’ailleurs ce sera le cas soit pour les deux…soit pour aucun) : il faut que l’outil vive. A priori pas de soucis parce que le propre des gens qui aiment voyager (voire de ceux qui sont contraints de le faire) c’est d’aimer partager leurs bons plans. Là  encore…bénéfice partagé pour les utilisateurs qui vont trouver une information plus objective que celle des broches et pour Air France qui n’a pas à  organiser la production de contenu.

Bref, je suis pressé de voir la suite, une fois qu’une certaine masse critique aura été atteinte.

Pour la forme quelques réflexions :

Pourquoi ne pas lier davantage le « membership » et la vie réelle. Je m’explique : je comprend que pour des raisons liés aux classes tarifaires et autres contingences on ne puisse changer son siège pour être à  coté de ses amis comme on l’entend. Pourquoi ne pas, dès lors, organiser la rencontre en périphérie. Un coin « BlueNity » à  CDG ? Un club « Flying blue Gold ou Platine » sur BlueNity (car avec eux on peut au moins se donner rendez-vous au Lounge ?). Le « BlueNity Leadership » comme critère de surclassement ? Quoi qu’il en soit je sais par expérience que le communautaire online ne marche jamais aussi bien que lorsqu’il supporte une réalité « in real life ».

Donner un coup de boost à  la participation : partager ses bons plans, participer au rating d’un service, d’une destination, d’un bon bon ferait gagner des miles (qualifiants bien sur…)

Plutot qu’uploader des images j’aimerais avoir la possibilité de faire un lien vers mes albums de photos sur Flickr. Et quitte à  me simplifier la vie, mettre à  jour automatiquement mon Dopplr depuis BlueNity.

Possibilité de faire plusieurs lien dans mon profil pro. J’ai mis mon profil linkedin mais j’aurais aimé faire un lien vers mon blog également.

Quelque chose de spécifique pour ceux qui prennent systématiquement les vols interieurs type « navette » quasiment à  date et heure fixe. Pour l’avoir fait à  une époque et trouver toujours les mêmes personnes le lundi matin et le vendredi soir, 52 semaines par an, il y certainement quelque chose à  creuser coté communautaire.

Rien à  voir mais…du Wifi en vol ce serait parfait. American Airlines et Air Canada s’y mettent. Bizarrement en business je m’en moque un peu car je peux m’allonger donc je dors…mais en éco pour m’occuper pendant mon prochain Paris Mexico (j’ai un peu de mal de déplier mes jambes en éco) ce serait fantastique.

En tout cas, un bon exemple de réseau social au service du business d’une entreprise, avec du sens et une réelle valeur, donc valorisable. Le 2.0 orienté client a souvent été synonyme de RP afin de faire beaucoup de vent, ici je vois un vrai service et même un aspect « quali » pas négligeable.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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