C’est la question que pourraient se poser nombre d’entreprises. En fait elles n’ont pas perdu leur stratégie, mais en ont simplement oublié une moitié en route.
Comme je l’ai déjà dit il y a un vrai risque de confondre la fin et les moyens. Ce qui concrêtement se traduit par considérer tout projet comme un objectif final alors que l’objectif est l’impact du projet sur l’organisation, à évaluer une formation plutot que l’évolution des performances à sa suite, à se contenter de recueillir des idées quand l’objectif est leur mise en oeuvre, et, pour conclure, à considérer que le fonctionnement de l’entreprise est le but de l’entreprise.
C’est ce dernier point que nous allons approfondir. Chaque service devient sa propre justification, chaque collaborateur également. Le but sous-jacent à nombre d’intiatives ou directives est de justifier et maintenir ce qui existe. A priori cela peut paraitre logique…
C’est toutefois pour cela que bizarrement chaque collaborateur n’a pas de temps pour collaborer (il faut être sur de l’occuper donc pas de marge pour s’occuper des autres), que le « on a toujours fait comme cela » ressort aussi fréquemment, qu’on lance pleins de projets qui sont bien menés mais ne portent pas leurs fruits et j’en passe.
Imaginez un organisme humain, un enfant. Imaginez que sont organisme ne fonctionne que pour couvrir ses besoins présents. Non pas pour préparer sa croissance, générer les substances inutiles aujourd’hui mais essentielles à son évolution vers l’age adulte. Pas de développement des muscles ni du squelette. Encore moins des sens. Une seule préoccupation : faire tourner la machine (le coeur) et demander à celle-ci de n’assurer qu’une seule tche : faire fonctionner le système digestif pour grossir et grossir encore. Maintenant imaginez le résultat. Dérangeant n’est-ce pas ? C’est pourtant ainsi que nombre d’entreprises tendent à fonctionner. Faire tourner l’existant et grossir, un point c’est tout. Quitte à obérer la capacité à s’adapter à des événements futurs, à se projeter tout simplement dans l’avenir, à évoluer.Tout rapprochement qui pourrait être fait avec ce qui a pu toucher l’économie internationale serait bien entendu fortuit.
Ce qui ramène à cet excellent article de Michel Volle sur l’entreprise. Et notamment parce qu’il réussit à expliquer et synthétiser mieux que moi ce qu’il appelle la « demi-stratégie ». Comme il l’écrit :
Beaucoup de nos entreprises ont non pas une stratégie, mais une moitié de stratégie. Elles veulent « grossir pour survivre », mais restent campées sur leur activité traditionnelle et refusent de diversifier leur offre. Elles veulent « réduire les coûts », mais négligent le marketing. Elles veulent « assainir les finances », mais répudient la R&D. Leurs dirigeants négligent la polyphonie de l’entreprise, la multiplicité des logiques qu’elle articule (voir Modèle en couches) et qui toutes sont nécessaires, pour n’accorder d’attention qu’à une seule mélodie.
A vouloir survivre et grossir on oublie de grandir et croitre. Enfin c’est mon opinion. Et à grossir sans grandir on devient un légume.
Ce qui explique par ailleurs le fossé qui sépare ceux qui réussisent ou échouent dans le domaine de la neo-organisation, terme que j’emprunte volontiers à Alexis Mons avec qui partage le fait de trouver l’entreprise 2.0 trop connotée outil. Mais on peut tout autant parler de Service Oriented Organization (invention maison…) ou de la Wirearchie chère à Jon Husband. McKinsey nous disait dernièrement que la différence entre ceux qui réussissaient dans ce type de projet et les autres était que certains avaient une vision organisationnelle et managériale et d’autres non. Il serait intéressant d’en savoir plus sur les tenants et les aboutissants de la vision en question car je serai curieux de savoir si ces entreprises ne sont pas justement à la recherche de cette demi-stratégie manquante, celle qui apporte le petit plus qui fait d’une organisation « classique » une organisation capable d’évoluer, qui donne de l’importance à tous ses organes et leur permet de se développer afin de faire face à un futur fortement empreint de disruption permanente. De là à faire un parrallèle avec « The Starfish and the spider » également…
Fin septembre alors que le système financier nord américain explosait en vol, un constructeur automobile connu annonçait deux choses :
2000 licenciements. Pourquoi pas. Peut être n’en avait il plus besoin, quand on sait qu’au moins 60% d’une voiture est sous traitée (ainsi que les 4/5 d’un Boeing 787). Bientôt le phénomène touchera également les services, même si on peut douter que poussée à son paroxysme cette dynamique soit forcément une bonne chose.
La réduction des budgets R&D. On survit et on oublie de préparer l’avenir alors même que c’est par là qu’on sortira de la crise. Un produit mythique, quelque chose qui change la vision qu’on a d’une industrie, c’est ça qui relance la machine. J’ajouterai qu’avec l’arrivée programmée et salvatrice du « green business », il peut y avoir paradoxalement moyen que l’industrie automobile refasse feu de tout bois d’ici peu. Certains de ses acteurs s’en donnent les moyens, d’autres freinent d’un seul coup.
CQFD