J’ai eu la chance de diner cette semaine avec Reid Hoffman (fondateur et chairman), Jean-Luc Vaillant (CTO) et Kevin Eyres (Directeur Europe) de linkedin, qui avaient convié à l’occasion quelques blogueurs afin de discuter de l’actualité et du futur de leur service.
Je ne vais pas vous répêter ce que vous avez pu lire sur de nombreux autres blogs (chez Jacques ou Frederic par exemple) au sujet des nouvelles fonctionnalités et de la concurrence (ce qui m’évitera de récuperer comme Jacques une liste de commentaires sans valeur ajoutée n’ayant que pour seul et unique but de dire que linkedin c’est compliqué et viadeo trop coo-oool et qui semblent tout émaner, vu le ton, de stagiaires trop zélés ou d’une boite de RP à coté de ses pompes ).
A titre personnel j’ai retenu 3 choses de nos discussions : le passage en langue française qui a à mon avis des implications plus profonde que la simple traduction, leur vision du réseau social en entreprise et la position de linkedin sur cette question, ce qui nous amènera à ce qui est pour moi la véritable raison d’être de ces outils à l’avenir, ce que Reid Hoffman a d’ores et déjà bien saisi en avançant sur un nouveau concept : la BIP.
Linkedin en français
A priori on en retient que ceux que la langue rebutait allaient pouvoir enfin utiliser la plateforme. Mais interface en français ne veut pas dire traduction automatique des contenus qui vont donc cohabiter dans plusieurs langues. On peut avoir des versions multilingues de son profil mais ça ne changera rien au contenu des discussions, des « anwers ». Le choix de la langue de l’interface va impacter le choix l’information qui remontera à moi. Par exemple les « answers » qui me seront suggérées seront en anglais uniquement vu que je n’ai aucune envie de basculer en français alors que mes contenus sont tous en anglais et que je trouverai plus de français qui parlent anglais que l’inverse et qu’à un moment donné l’efficacité d’une plateforme impose de ne pas s’y disperser. De manière générale celà pose la question des réseaux multilingues qui est loin d’être neutre, même en entreprise.
LinkedIn et les réseaux sociaux d’entreprise
Les utilisateurs s’échangent beaucoup d’information sur linkedIn, partagent leurs réflexions, se donnent les informations. Une entreprise pourrait vouloir que cela se passe en vase clos avec ses collaborateurs. Reid m’a expliqué que cela est déjà possible avec les « Company Groups » et qu’ils vont essayer d’améliorer la chose sachant que la frontière entre l’espace « ouvert à tous » et l’espace entreprise est un sujet très sensible.
Ce qui a amené la question suivante : et si demain une entreprise leur demande de lier des profils linkedIn aux différents profils individuels qu’on peut trouver sur son intranet ? Voire d’avoir leur propre linkedIn derrière leur firewall.
A la première question Reid m’a répondu que c’était quelque chose qui avait du sens et était parfois demandé. Par contre, dans les faits, il importe de bien savoir quelles informations peuvent transiter dans chaque sens. Remplir un profil en entreprise à partir d’un profil linkedin ne pose guère de problèmes en termes de gouvernance. Modifier un profil linkedin à partir d’un profil d’entreprise est beaucoup plus délicat car certaines informations comme les projets sur lesquels on travaille sont souvent confidentielles. Ces fonctions vont bientôt être proposées mais la réflexion est toujours en cours quant à savoir si on parle d’import ou de synchro totalle ou partielle, et selon quelles modalités.
Sur le second point c’est Kevin qui m’a répondu. Le marché du réseau social d’entreprise est bien réel mais le faire en interne n’est pas le même métier que de le proposer à des individus pour leur propre usage. Leviers différents, freins différents, facteurs d’adoptions différent, modèle économique différent. L’opération n’est donc pas si évidente. De plus nous sommes bien tombés d’accord sur le fait qu’un réseau « personnel » repose sur les liens que les individus instaurent et valident entre eux alors qu’un réseau d’entreprise ne peut fonctionner ainsi sauf à vouloir reproduire l’organigramme ou l’annuaire d’entreprise. Il faut donc faire émerger la réalité des intéractions et la « proximité intellectuelle » ce qui est une chose totalement différente. Et Kevin de conclure : « nous sommes plutôt dans la logique de construire des partenariats avec ceux qui ont une vraie expertise sur les réseaux internes ». Ce qui nous ramène à l’histoire de synchro des profils abordée avec Reid. A suivre donc.
Mais une chose est certaine : un des enjeux futurs pour des outils comme linkedin est de passer de la gestion du coté « personnel » de mon réseau professionnel à sa gestion étendue mélant le réseau pro interne et le réseau pro externe selon des filtres, des critères, des règles de gouvernance qui restent à découvrir.
C’est par ailleurs, à mon avis, cette capacité à construire des partenariats avec des acteurs majeurs du marché du logiciel d’entreprise qui risque d’être décisive à l’heure où il ne pourra rester qu’un ou deux réseaux professionnels sur le marché.
Et demain : La business intelligence personnelle ?
En fait qu’est ce qui m’intéresse dans un réseau professionnel. Se « lier » et construire cette formidable toile d’araignée qui fait que je ne suis pas aussi loin que je ne le pensais de gens avec qui je peux faire des choses intéressantes et « pleines de valeur ». Oui…mais à un moment donné ça ne suffit pas. Qu’est ce qui a de la valeur pour moi ?
Savoir qui vient de rencontrer qui.
Savoir qui devient quoi
Savoir qui fait quoi
Savoir quelle ressources, informations, mes contacts ont jugé intéressants
Savoir qui se pose telle question. Et y répondre pour qu’on qu’un jour on réponde aux miennes…et qu’on se rende compte que je peux être utile sur ce sujet
Savoir que je peux poser une question, demander un avis et qu’on y répondra.
Identifier qui peut être la personne que je cherche à la fois dans mes contacts et les contacts de mes contacts
Liste à compléter…
Bref cela va au delà du lien. Le lien n’est qu’un canal que suit l’information produite activement ou passivement produite par mes contacts et les contacts de mes contacts. Charge à moi de l’utiliser au mieux.C’est le sens des applications et nouvelles fonctionnalités de LinkedIn.
Reid Hoffman appelle cela « Business Intelligence for People » (BIP) ce que je permets de traduire par « Business Intelligence Personnelle » quoi que ce ne soit pas 100% pertinent car après tout la BI classique est également faite pour que des individus prennent des décisions. Peut être que « Business Intelligence about People » ou « Business intelligence around people » seraient plus proches de l’idée qu’il y a derrière tout cela.
La chose n’en est, soyons en surs, qu’à ses balbutiements, mais je trouve le concept riche et prometteur dans le contexte d’une économie de la connaissance et de la relation qui repose avant tout sur les individus.
Wait and see…
Pour la petite histoire, il me semble que le point de bascule entre le linkedin « high level » et le début de sa démocratisation en france, dont la francisation du service n’est qu’une conséquence, soit bel et bien la mise en place d’un partenariat avec l’APEC il y a quelques mois. Même si la plateforme évolue vers quelque chose qui va largement au delà de la gestion de sa propre employabilité et de l’aspect recrutement, c’est bien là qu’à été le fameux tipping point. Alors rendons à César ce qui est à César et remercions Jean-Pascal Szelerski, directeur des services web de l’APEC et initiateur du partenariat APEC-LinkedIn. Pour évaluer la puissance d’un tel partenariat, je me souviens juste que Kevin Eyres a reconnu lors de notre discussion qu’il était dommage que des structures telles que l’APEC n’existent pas dans les autres pays afin de créer partout des synergies semblables.
Alors terminons avec cette interview de Jean-Pascal Szelerski faite à l’époque, qui nous expliquait le pourquoi et le comment de ce partenariat.