Quand on parle d’entreprise 2.0 une réaction souvent entendue est « c’est séduisant mais notre entreprise n’est malheureusement pas conçue pour fonctionner ainsi ». Comprenez : on décide de faire quelque chose et on le « pousse », il n’est pas concevable qu’un flux ascendant puisse exister dans ce contexte. Alors effectivement cela crée de gros écarts, l’entreprise ne répondant pas forcément ni aux besoins de ses clients ni à ceux de ses collaborateurs du premier coup, de multiples ajustements étant nécessaires sans que les échanges les rendant possible soient forcément facilités. De manière imagée on utilise les tuyaux existants en espérant que ça s’emboite bien à la sortie.
C’est pour cette raison que je proposais il y a peu de réfléchir à l’organisation orientée services, dont le point de départ n’est pas tant le haut de la pyramide mais le besoin que l’organisation doit satisfaire. N’oublions pas que le but d’une entreprise n’est pas d’utiliser ses ressources ou de donner de l’activité à l’existant mais de satisfaire le marché, quitte à faire bouger l’existant.
Jouons maintenant à un petit jeu.
Imaginez que vous deviez dessiner l’organigramme de votre entreprise, de votre service ou d’une équipe projet quelconque. Comment vous y prenez vous ?
Continuons et imaginons que vous deviez, en partant de zéro, mettre en place un projet quelconque projet. On commence déjà par le processus qui amène à atteindre le but du projet…mais si vous deviez le dessiner d’où partiriez vous.
Pour m’être livré à ce petit test sur quelques cobayes mon intuition a été confirmée. Pour l’organigramme on part du haut et on décline. A la limite c’est compréhensible même si… Pour le projet on part de l’équipe projet, on détermine qui fait quoi et on ordonne le tout.
Et si, par hasard, on partait justement du but final. Ce but peut être « le produit est livré en temps et heures », « la machine est assemblée », « j’ai 1000 personnes à ma conférence », « mon collaborateur augmente sa performance de x% », « le client achète ». Ensuite on remonte…en se demandant à chaque fois « que faut il pour ». Au fur et à mesure on positionne donc des acteurs qui ont chacun des objectifs propres ou assignés et qui pour avoir le comportement qu’on attend d’eux ont des attentes. A chaque fois on s’assure que l’objectif est cohérent, qu’il fait sens, et on se demande comment satisfaire les besoins qu’auront les acteurs pour atteindre cet objectif qui permet in fine l’atteinte de celui du projet.
L’exercice est amusant car on ne se demande plus faire pour que l’échelon n-1 execute les demande de l’échelon n, mais comment l’échelon n+1 va donner à n ce dont il a besoin pour réussir. Et on valide que les objectifs de chacun sont alignes et ne présentent pas d’incohérence par rapport à l’objectif final. Avez vous remarqué combien de collaborateurs sont placés dans une une situation intenable parce qu’on leur demande de faire des choses qui vont à l’opposé du but final de l’entreprise ?
C’est quelque chose qui fonctionne très bien si on considère que c’est au final la satisfaction du client ou d’un besoin interne qui doit diriger l’organisation. Ca ressemble bizarrement à un mode de production « tiré ». Bizarrement l’industrie du service doit donc apprendre à mettre en pratique ce que l’entreprise industrielle a fait en son temps. Cela n’empêche ni l’autorité ni le contrôle mais cela fait en sorte que l’énergie dépensée ne l’est qu’à bon escient.
Bien sur on laissera à chacun la possibilité, une fois le système en marche, de formaliser ses attentes, ses idées, afin de confronter le réel au plan et d’améliorer en permanence en fonction des retours des opérationnels. Une fois mise en marche cette organisation fera donc la part belle à la subsidiarité et sera susceptible de s’améliorer en permanence. Ne devraient remonter à celui qui a la main sur l’ensemble que les problèmes liés au système lui même et la correction de ce qui ne relève pas des individus mais de l’organisation, le reste ayant pu être géré localement. Je parie même sur une meilleure motivation de chacun qui ne sera de fait pas rendu responsable de ce sur quoi il n’a pas de pouvoir et pourra agir sur ce qui est dans son périmètre (n’oublions pas qu’une des raisons de la non qualité ou non productivité de nombres de collaborateurs est de devoir assumer personnellement les insuffisances du système).
J’ai encore pratiqué la chose la semaine dernière et ça a eu un autre intérêt. Les besoins identifiés m’ont donné l’idée d’impliquer des profils auxquels je n’aurai pas pensé si j’avais travaillé en mode descendant car je n’aurai pas évalué le caractère spécifique de certaines choses et aurait poussé un mode de fonctionnement standard, fait pour fonctionné mais pas optimisé pour ce besoin précis.
D’accord c’est plus simple d’avoir un passe partout, même imparfait, que de vraiment essayer de comprendre ce que chaque cas a de particulier.
En ce qui me concerne je suis convaincu, qu’au delà des querelles stériles sur les outils, un des points fondamentaux de l’entreprise de demain, peu importe le nom qu’on lui donne, est de coller au plus près des besoins, qui sont là où se crée la valeur. Le ROI : se dispenser de perdre de l’énergie et gaspiller des ressources pour rien, et s’épargner tous les couts liés à la non qualité, c’est à dire la fourniture d’un service qui ne correspond pas en tout point aux attentes du client.
Un process « unique », construit pour rendre son résultat possible et non pour faire en sorte qu’il soit atteint avec un alignement aléatoire est le seul moyen de répondre efficacement à un challenge essentiel pour l’entreprise : délivrer un service / un produit hautement personnalisé et spécifique par le biais d’un process standardisé. Mais peut être aurai-je du commencer par là . Les apôtres de l’agilité s’y retrouveront.
Vous me pardonnerez cet accès de prosélytisme mais je suis sur que dans un tel mode de fonctionnement la question de la pertinence ou de la valeur ajoutée du « social software » ne se posera pas longtemps.