L’avenir du cloud computing n’est pas forcément hors de l’entreprise

Grand sujet de débat : l’entreprise doit elle garder l’ensemble de son système d’information dans ses murs ou en héberger tout ou partie à  l’extérieur.

La logique « cloud computing » ou Saas se tient. Il convient de désacraliser l’outil informatique qui comme le dit fort justement Nicholas Carr dans The Big Switch, est amené à  devenir banal que le sont l’électricité et l’eau courante. On se branche, on utilise, on débranche et nul besoin d’en faire tout un fromage : il s’agit d’un service comme un autre et plus d’un duo matériel + logiciel que l’on considère comme une vache sacrée avec des yeux admiratifs et qu’il s’agit de protéger comme la prunelle de ses yeux. A titre personnel je vous clairement la différence entre une époque ou j’étais en admiration devant chaque nouvelle machine et attendais l’installation de chaque logiciel avec impatience et une part de rêve. Aujourd’hui c’est « juste » une machine et « juste » du soft, ça fait partie de ma vie courante et l’important c’est que ça fasse ce que je leur demande, peu importe de savoir comment et que mon logiciel préféré soit sur internet ou mon disque dur. D’outil stratégique, le poste de travail de monsieur tout le monde devient un simple service de consommation courante.

Vous pourrez également aller lire la foule d’article fort bien documentés que Claude Malaison a écrit sur le sujet. Il y pointe un sujet essentiel : l’hébergement de volumes de données sans cesse plus important est un métier et on peut se demander si l’entreprise arrivera à  suivre le rythme, à  dimensionner en permanence son infrastructure et assumer les coûts qui vont avec quand on voit les data centers que peuvent construire Amazon ou Google et qui permettent une rationalisation radicale des coûts en question. Ajoutons que pour une entreprise de taille moyenne, la solution « interne » est clairement inabordable et qu’il n’apparait pas de salut hors de la mutualisation. Après tout on donne bien son argent à  une banque ou lieu de le garder chez soi non ?

C’est en tout cas la logique qu’adoptent nombre d’entreprise, la dernière en date n’étant autre qu’Eli Lilly.

Un troisième point que l’on peut soulever est celui de la mobilité. Pour des raisons d’efficacité, de productivité, voire de rationalisation des coûts ou de responsabilité environnementale, on se rend compte qu’il est essentiel que les salariés puissent accéder à  leurs données où qu’ils soient. L’entreprise rechignant, pour des raisons fort compréhensibles, à  donner accès à  son système depuis une zone potentiellement hostile, la logique serait de déporter tout ou partie des données en des lieux physiquement distincts du saint des saints de l’entreprise.

Oui mais voilà , l’option inverse se tient également. On peut comprendre que pour des raisons de sécurité liées à  certaines industries il soit inacceptable que la moindre bribe de donnée soit accessible de l’extérieur, en encore moins hebergée à  l’extérieur. On me dira que dans certains cas la barrière n’est que psychologique mais quoi qu’il en soit elle existe et on ne peut pas ne pas la prendre en compte sauf à  passer à  coté de l’essentiel du problème.

On fera également valoir que cela peut changer de manière profonde tout ou partie du rôle d’une direction informatique ce qui n’est pas sans impact sur la psychologie des acteurs face à  ce problème. Et je vous passe les prestataires qui ont pour fond de commerce de vendre des milliers de jours homme à  l’année dans le simple but de « faire tourner les machines » et qui voient une partie non négligeable de leur business s’effondrer.

Vous me répondrez que cela n’est que du ressort du psy et de la défense d’activités qui sont vouées à  radicalement évoluer, mais il n’empêche que ce sont des réalités humaines et économiques à  prendre en compte.

Est on condamné à  rester dans les querelles idéologiques jusqu’à  ce qu’une contrainte majeure et douloureuse fasse basculer les choses d’un coté ou de l’autre ?

Il y a quelques temps un membre d’une DSI d’une grande entreprise française me disait : notre avenir c’est peut être de fournir du « cloud » en interne. Il a à  mon sens compris que la question du « delivery », de l’accessibilité des données et du contrôle de l’infrastructure sont des sujets qu’on peut prendre en compte indépendamment. C’est d’ailleurs ce que proposait il y a peu le Gartner qui parie sur l’émergence de « clouds privés » qui permettraient, à  mon avis,  de contenter tout le monde (sauf peut être Google et Amazon) en satisfaisant aux contraintes de chacun et préservant certains des modèles économiques existants.

On peut y voir un modèle de transition, je pense que cela peut être plus pérenne. Il n’y aura pas de réponse unique et universelle à  cette problématique, en tout cas pas dans les 10 prochaines années. On peut penser que certains opteront pour le « tout à  la maison », certains pour le « tout dehors » et d’autres pour le « à  la maison comme si c’était dehors ». Et enfin que certains jonglent entre deux modèles selon les données et applications concernées.

Quant aux PME je pense par contre que l’option cloud est inéluctable, et que cela risque d’arriver très très vite. Pour des raisons de coûts de licence et d’infrastructure elles ne pourront tout faire par elles-même, sauf à  changer de métier et consacrer l’essentiel de leurs investissements à  leur système informatique ce qui est un non sens pour des structures de tailles réduites qui doivent rationaliser les couts non directements liés à  leur métier.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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