Le branding sans processus d’amélioration n’est qu’un feu de paille

A l’heure où l’on réalise que, sans aucun doute, les « traces » de chacun sur internet, particulier comme entreprise, impactent d’une manière chaque jour plus importante les activités économiques de ces différentes personnes, le « branding » devient un sujet à  la mode. D’abord « personal » puis, comme cela semble naturel, « corporate ».

Ensuite, a priori, tout semblera aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Chacun saura tout sur l’autre, pourra prendre la meilleure décision, les entreprises ne feront plus d’erreur de casting et les candidats trouveront des entreprises qui leurs ressemblent.  Je ne sais si vous êtes comme moi les choses m’ont l’air trop simples ainsi pour être honnêtes…et efficaces.

Parce qu’il y a un énorme malentendu sur la proposition de départ. Là  où les uns entendent « information transparente » les autres entendent « information la plus valorisante ». Ou plutôt, chacun se dit qu’il veut une information transparente sur l’autre mais ne donner que la meilleure sur soi. Ce qui nous entraine de fait dans un jeu gagnant-perdant où à  la fin tout le monde perd pour une raison très simple. Le mécanisme repose sur la confiance, à  partir du moment où l’information sera biaisée d’une manière ou d’une autre, la confiance disparaitra (si jamais elle a existé…) et on en reviendra aux habituels « c’est nul, ça ne marche pas, c’est bidon ». Et on retournera aux errements passés.

J’ai du mal de croire, même si dans un monde idéal cela résoudrait tout, que l’aspect « social », c’est à  dire la validation de la véracité et de la qualité de l’information par des tiers,  transformera les règles du jeu. Parce qu’il y a encore beaucoup d’individus qui sont mal à  l’aise avec la chose et parce que l’entreprise, dans sa majorité, si elle comprend qu’on le la croit plus ne passe que rarement le cap qui consiste à  laisser parler ceux qu’on croit.

Sommes nous devant un feu de paille ? Non. Mais à  condition de repenser la communication au sens large non comme un moyen d’uniquement délivrer un message mais comme un levier dans un processus d’amélioration continue.

Je pars d’un postulat qui est le suivant : nul candidat ou entreprise n’est parfait mais nous nous maintenons dans l’illusion qu’il faut rechercher la perfection chez l’autre et donner une image parfaite de soi.

Un postulat qui se vérifie quand on voit la banalité du discours de nombre d’entreprises et que l’on sait que 70% des CV sont truqués.

A partir de là  on a deux choix : soit on est « pas trop mal » et on joue le jeu, soit on est « pas si bien » et on refuse. Stratégie qui montre forcément ses limites à  terme. C’est comme si, en ces temps de pandemie, le meilleur moyen de ne pas être touché par le virus était de ne pas aller consulter le médecin.

Coté entreprise on se dit « puisque tout va mal ne disons rien ». Je ne suis pas sur que ce soit la bonne stratégie parce que ça empêche de parler de ce qui va bien ce qui n’est pas sans effets négatifs non plus, et parce que l’opinion publique est moins idiote qu’on ne le pense :elle peut comprendre à  condition, justement, de ne pas avoir l’impression d’être menée en bateau.

Bref, il est l’heure pour l’entreprise de comprendre de casser les miroirs ne transformera pas Quasimodo en Brad Pitt et qu’au contraire c’est en se regardant dans la glace et dans le regard des autres qu’on sait où donner du bistouri.

Je disais dernièrement à  un ami travaillant dans une entreprise pas si mal portante mais à  l’image déplorable « vous n’avez qu’à  dire : on est nuls, on sait qu’on doit s’améliorer et on va vous raconter peu à  peu ce qu’on fait…laissez nous juste avancer à  notre rythme ». Devant son regard ébahi j’ai poursuivi « de toute façon si vous dites autre chose on ne vous croira pas ». D’accord c’est un peu exagéré mais il fallait bien ça pour le réveiller.

Et l’air de rien j’avais prononcé le mot magique « amélioration ». Sachant que nul n’est parfait, le « branding » n’est que l’embellisement de l’existant sauf à  en faire un élément d’un processus de progrès permanent dont on rendrait l’évolution publique. Il ne s’agit donc effectivement plus de communiquer mais de discuter, d’écouter, en tirer les conséquences, agir, et montrer ce qu’on fait. Ce qui ne fait que nous ramener, d’ailleurs, à  la problématique du community management.

Coté candidat, une « bonne » présence numérique c’est aussi confronter ses idées, apprendre de ceux qui ont l’expérience et parler avec eux, afin d’orienter sa réflexion voir sa carrière dans la bonne direction.

On peut bien sur limiter les risques et continuer la logique de l’appartement témoin. Mais elle n’est plus profitable à  personne aujourd’hui : ni pour le candidat en recherche de crédibilité, ni pour l’entreprise en recherche de légitimité, ni pour quiconque a compris que de plus le status quo met les deux parties prenantes en péril à  moyen terme.

Quoi qu’il en soit déconnecter l’image de la réalité de l’évolution de l’entreprise c’est quelque part affaiblir les deux.

J’allais oublier…de toute manière aujourd’hui les collaborateurs parlent de leur entreprise et on les croira toujours davantage qu’elles. Au lieu de les faire taire pourquoi ne pas s’en servir pour comprendre ce qui compte pour eux et ce qu’ils ressentent. Quelqu’un me disait récemment qu’il avait compris que le chauffage d’un de ses bureaux en province était tombé en passe en plein hiver en suivant un collaborateur sur twitter. Cela durait depuis une semaine mais le siège n’avait pas encore agi…parce que l’information était dans les « tuyaux » et attendait de remonter.  Heureusement il a pu, grâce à  ça, activer la prise de décision.

Nouvelles générations, nouveaux comportements. Je ne sais si la DSI d’un grand groupe français est préoccupée par l’équipement de ses stagiaires, mais grâce à  twitter nous sommes au bas mot quelques centaines (dans leur « cible » qui plus est) à  savoir qu’au bout de quelques jours un de leurs stagiaires n’a toujours pas d’ordinateur pour travailler. Dommage pour quelqu’un qui doit faire une mission web. J’espère que la demande est quand même arrivée sur le bureau du décisionnaire. Après ça on peut sévir…ou agir pour s’améliorer.

La transparence est un danger ou un outil de progrès permanent et si on ne l’est pas d’autres le seront pour nous sans qu’on progresse pour autant. A méditer.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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