En vertu d’une tradition centenaire dont le monde de l’internet ne fait qu’accélérer et les cycles et qui veut qu’on brule ses idoles avec autant d’ardeur qu’on a pu les aduler, il n’est pas une semaine sans qu’on annonce la mort d’une technologie nouvelle ou ancienne. A l’honneur cette fois ci : le RSS (on parlera bien sur du mail et des portails dans de prochains épisodes mais à chaque semaine suffit sa peine).
Lee Bryant s’est fendu d’un très bon billet sur le sujet. Un billet qui dit suffisamment de choses sensées pour qu’il n’y ait pas besoin de revenir dessus. Ce qui me permet de me focaliser sur deux points qui à moi me semblent également importants : l’utilité même du RSS et son éventuel remplacement par des outils de microblogging incarnés dans la conscience collective par Sa Majesté Twitter.
Se baser sur la perçée du microblogging pour enterrer le RSS est un non sens
On l’a dit et répété (et pas que moi) : entreprise 2.0 et web 2.0 n’ont rien à voir et nous avons derrière nous des années d’essais, d’expérimentations, de formalisation de cas qui ne cessent de le prouver. D’ailleurs si c’était le cas le sujet ne ferait en aucun cas débat aujourd’hui. Je ne pense pas que twitter supplante le RSS sur internet (ou même qu’il soit la meilleure solution pour le faire), ni que son succès auprès du grand public préfigure une adoption massive en entreprise (ni l’inverse d’ailleurs). Le fort taux d’attrition chez les utilisateurs de twitter (60% dit on) devant même, si cela se confirmait, nous amener à relativiser le succès de notre gazouilleur favori.
En termes d’usages, et en me fiant à mon expérience personnelle pas si éloignée que cela de celle de Lee je dirais que :
Le RSS me sert à agréger une grande masse d’information (de l’ordre de 400 flux également) dans le cadre d’un processus de veille organisé qui me permet de lire, mettre en attente si besoin, et traiter tout ce qui m’intéresse en un seul endroit.
Twitter me permet de voir le « bruit » généré par ce que j’ai pu lire par ailleurs auprès de mon réseau et savoir si l’information est passée inaperçue, s’il s’agit d’un signal fort, faible ou d’un bruit inutile.
Et dans l’autre sens :
Le RSS me permet de mettre mes contenus à la disposition de qui veut pour l’usage qu’on voudra bien en faire.
Twitter me permet de passer une information à un moment donné (status) ou valoriser une info vue là où ailleurs. Mais en aucun cas de la traiter.
Comparer RSS et microblogging revient (une fois encore) à confondre la fin et les moyens.
Une chose est certaine, tous les utilisateurs de twitter on utilisé twitter…directement ou via un client dédié ou via un service tiers. Par contre très peu ont utilisé ou traité un flux RSS. Et en tout cas pas moi.
Je m’explique : twitter est un outil, le RSS est une norme ou un flux selon la manière dont vous voyez les choses. Je lis sur twitter, j’écris sur twitter. Mais un flux RSS est généré par un blog ou une quelconque source d’information et lu par un outil en mesure de le faire : agrégateur, service tiers… dans le but de l’afficher ou de lui faire subir un traitement. La preuve : un flux RSS peut terminer sa vie dans une publication sur twitter…de la même manière qu’on peut utiliser le RSS pour lire twitter hors de twitter.
J’arrêterai ici les considérations technico techniques mais RSS et twitter sont deux « choses » qui n’ont ni la même nature ni la même vocation. Ils peuvent être complémentaire mais ils ne sont pas par définition concurrents et exclusifs l’un de l’autre.
Twitter, et les outils de microblogging en général sont une fin. L’information y termine son parcours. Ce qui n’est pas le cas du RSS qui n’est que la forme qu’elle prend entre deux plateformes. Il est en effet réducteur de croire que le RSS se résume à des agrégateurs ou autres lecteurs.
Le RSS n’est pas mort, il commence juste à vivre
Il résulte de ce qui précède que le RSS est un middleware là ou l’outil de microblogging est une « end application ». Qui dit middleware dit qu’il y a quelque chose avant (une plateforme capable d’émettre) et quelque chose après (un outil ou une plateforme capable de lire et/ou de traiter).
Quelles applications d’entreprise sont aujourd’hui en mesure d’émettre ? Très peu des applications « legacy » dont sont truffés nos intranets en fait. Et ce d’autant plus que beaucoup d’applications utilisables en ligne sur l’internet grand public ne sont dans les entreprises que des versions « desktop » qui n’émettent pas un flux RSS mais des fichiers que l’on s’échange par email. Les outils susceptibles de populariser le RSS sont soit émergents soit sous-utilisés. Ce qui ne contribue pas au développement de l’usage.
Quant aux applications susceptibles de lire / utiliser le RSS à l’autre bout de la chaine elles sont soit inexistantes soit inutilisées faute d’utilisation critique d’application emetrices.Elles trouveront peu à peu leur place et leur nécessité au fur et à mesure que de nouveaux outils feront leur entrée sur l’intranet et que les applications traditionnelles évolueront vers de nouvelles versions valorisant le RSS.
Le RSS en entreprise n’en est donc qu’à ses débuts. Un démarrage différé par rapport au web en raison de l’inertie propre à l’entreprise tant en termes d’usage que d’adoption d’outils nouveaux.
En conclusion je me demande tout de même si le débat a finalement un quelconque intérêt pour l’entreprise. Il a toutefois le mérite de faire travailler les neurones de ceux qui s’intéressent au sujet