Le mythe de la taille critique aurait il vécu ? On a jamais envisagé l’entreprise sans y acoller le mot croissance. Croissance du chiffre, de l’activité, mais également croissance de sa taille. Aujourd’hui les grandes entreprises comptent des dizaines, voire des centaines de milliers de salariés. Mais à l’heure où la performance ne se joue plus sur la force nette liée à l’addition des bras mais à la capacité à faire intéragir des cerveaux, cette taille critique deviendrait elle un signe de faiblesse ?
Aujourd’hui des voix s’élèvent pour faire remarquer :
– que les problèmes d’efficacité actuelle des entreprises sont liées à des tailles peu raisonnables. Et que c’est leur incapacité à faire intéragir efficacement des collaborateurs de la même manière qu’elles additionnaient les bras il y a 30 ans qui les a amené à rechercher sur les marchés financiers les gains qu’elles n’arrivaient pas à obtenir au niveau purement opérationnel.
– que passé une certaine taille leur impact sur l’économie peut être dramatique et leur échec avoir un impact systémique dont l’économie ne pourrait se remettre.
Bref on passe d’un contexte où la taille rassurait à un autre où elle est gage d’incontrolabilité, de risque.
Peut on penser qu’une constellation d’acteurs de taille plus réduire serait plus efficace que les mastodontes actuels ? Que l’entreprise gagnerait à maigrir et organiser une chaine de valeur composée d’acteurs externes ? Application poussée à l’extrême de la chaine de valeur 2.0 ? En tout cas la question de l’application de la Loi de Coase à l’économie du savoir cherche encore sa réponse. Il n’est pas interdit de penser que la socialisation des chaines de valeurs, en plus de l’entreprise 2.0, nous amène vers une nouvelle forme d’entreprise, taillée pour la chasse en meute plutôt que pour les traques solitaires pour lesquelles elle n’a plus l’agilité nécessaire. Même si le fait que certains aient réussi à faire danser des éléphants puisse nous permettre d’espérer.
J’ai assisté il y a un bout de temps à un événement du MEDEF sur la nécessaire solidarité entre PME et grandes entreprises. Un constat unanime : petites et grandes entreprises sont les composantes d’une seule et même chaine, la faiblesse des uns mettant en péril les autres (je n’arrive pas à retrouver la vidéo de l’évenement alors si quelqu’un du MEDEF pouvait me dire si elle a été mise en ligne…). Même si j’ai été déçu de voir que le débat tournait plus autour de ce que la grande entreprise doit apprendre, ses erreurs, que sur la manière pour les uns et les les autres de travailler efficacement ensemble, il m’est resté quelques points en mémoire.
– Selon les cultures nationales, la relation grande entreprise / pme est vue différemment. Là où les français coupent les dépenses et mettent leurs sous traitants en péril, les japonais ont davantage tendance à tout faire pour faire travailleur leur écosystème. Une entreprise qui reporte ses dépenses et fragilise ses partenaires est considérée là bas comme se mettant elle-même en danger alors qu’en France on la pousse à protéger ainsi au détriment des autres.
– Il existe un fossé abyssal entre les discours, que je crois sincères, de nombres de dirigeants (même si certains ont été pointés du doigt par leurs pairs), et la manière dont agissent leurs collaborateurs. Surement un problème d’injonction paradoxale qu’il faudrait régler au plus vite, crédibilité oblige.
– Une charge en règle contre les départements achats qui a poussé nombre d’intervenants à dire que si la crise actuelle venait des financiers, la prochaine viendrait des achats qui, parce qu’ils imposent à leurs contractants de plus petite taille rendent de nombreuses PME exangues. Mention « très bien » à Air Liquide qui a des procédures et des modèles de contrats différents selon les entreprises avec qui elle traite.
Là où beaucoup d’entre nous ne voyons dans l’économie de l’écosystème que l’aboutissement d’un modèle distribué inspiré du fameux web 2.0 et de son application aux affaires, on peut se demander si ça n’est pas finalement également une logique quasi sanitaire destinés à protéger une économie globalisée des excès et des maladresses des monstres qu’elle a pu engendrer.
Alors ? Trop gros pour échouer ? Trop gros pour réussir ? Trop gros pour ne pas faire mal (ou mal faire) ? Ou trop gros pour ne pas être responsable.
Quoi qu’on en dise c’est tout notre paysage économique qui risque d’être chamboulé dans les décennies à venir.