Quand on se lance dans un projet social media, que ce soit en interne ou en externe, on est souvent amené à penser en termes de « groupes » ou de « communautés ». La grande peur de tout chez de projet est de se retrouver avec des communautés vides ou moribondes donc les rendre active est un objectif clair, d’où découlent des indicateurs. Rien de plus normal. Ces indicateurs sont liés à l’utilisation de l’outil qui supporte le projet. C’est également évident.
Il est évident que si les indicateurs dépriment (autrement dit la communauté est morte) c’est mauvais signe et il importe de reprendre les choses en main. Mais faut il pour autant croire que tout va bien lorsque les indicateurs se portent bien ?
Bien sur aucun bénéfice n’est à attendre du projet si l’outil n’est pas utilisé. (je pars bien sur du principe que le projet dans son ensemble a été positionné de manière à apporter de réels gains opérationnels et que l’outil supporte donc des processus créateurs de valeur d’une manière ou d’une autre).
Mais même dans le cas inverse il faut rester extrêmement vigilant.
– beaucoup d’inscrits (voire un nombre a peu près satisfaisant) :d’accord ils se sont inscrits mais ensuite ? Mis leur profil à jour ? Revenu une fois, deux fois…régulièrement ? Et pourquoi viennent ils ? S’assurer que rien n’a bougé depuis la dernière fois ? (Bien sur je ne prend pas en considération l’hypothèse où on inscrit des volontaires désignés d’office sans trop leur demander leur avis).
– beaucoup de groupes (voire un nombre a peu près satisfaisant) : c’est un pas supplémentaire. Qui structure l’espace social a normalement l’intention de s’en servir et a identifié des besoins auquel les groupes répondent. On veillera cependant à ne pas s’enflammer au début, le risque de prolifération de groupes « pour essayer » étant évident. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un risque mais d’une pratique de découverte logique. Ensuite, suivant la gouvernance mise en place, il se pourrait que certains de ces groupes ne soient pas trop en lien avec le travail (mais certaines entreprises le tolèrent car ils créent du lien). Bien entendu, je ne m’étendrait pas sur le cas où les groupes sont créés a priori par l’entreprise selon son propre schéma organisationnel et hiérarchique, voire en fonction de ses attentes sans valider que les personnes inscrites (de manière obligatoire) dans les groupes en question comprennent de quoi il retourne et y adhèrent.
– beaucoup de contenus (voire un nombre a peu près satisfaisant) : Vous avez donc des utilisateurs, lesquels sont inscrits dans ces groupes. Très bien. Si en plus vos indicateurs vous disent que de l’information y est publiée on est encore plus proche du succès. Mais là encore, il va vous falloir gratter derrière les chiffres. D’abord qualitativement (a-t-on de l’information utile, qui fait avancer les choses ou progresser les autres). Ensuite en regardant le ratio publication/membre. Bien sur si vous ouvrez un groupe aux quatre vents en espérant mobiliser sur des sujets périphériques au travail, la règle des 1-9-90 risque de s’appliquer. Si votre groupe concerne une équipe qui opère ensemble au quotidien et a des objectifs communs, la participation doit être plus équilibrée. Et si 95% de l’information vient d’une personne chargée de l’animation du groupe, dont le rôle est de faire en sorte qu’il y ait du contenu histoire de meubler…votre indicateur est totalement biaisé. Vous ne faites ni plus ni moins que déplacer la fonction principale de votre bon vieil intranet dans un espace communautaire. Ca peut être une solution transitoire le temps de repositionner l’outil mais en aucun cas une solution pour un projet supposé amener de la valeur ajoutée par rapport à l’existant.
Et en admettant que tout soit au beau fixe, que tous les pièges des « bons » indicateurs mal interprétés aient été évités, il importe ensuite de faire en sorte que cette information, que les échanges, servent soit à résoudre de vrais problèmes (logique d’utilisation et de comportements à mettre en place) soit puisse être réutilisés par chacun (capacité, « autorisation », d’implémenter ce qu’on apprend…et d’ailleurs capacité d’accéder à l’information pour commencer). Sans cela il n’existera aucun pont entre la valeur contenue dans l’outil et la réalité opérationnelle de l’entreprise.
Peu importe que votre compte tour vous dise que le moteur tourne bien. Si vous n’avez enclenché aucune vitesse vous n’avancerez pas. L’objectif est il d’avoir un régime de 4000 tours/minutes ou de se rendre d’un point A à un point B ?
En conclusion :
– les indicateurs d’utilisation d’un outil ne sont que des indicateurs intermédiaires pour la réussite d’un projet. L’indicateur final est de type opérationnel ou, a minima, relatif à volume d »outcomes« .
– se tromper de d’objectif et vouloir faire utiliser un outil plutôt que permettre aux collaborateurs de gagner en efficacité amène souvent à n’atteindre ni l’un ni l’autre de ces objectifs. Le collaborateur est plus pragmatique et n’a pas de temps à perdre à faire monter les indicateurs si au final cela ne produit rien pour lui.
Bref, mieux vaut prendre le temps de construire un système qui fonctionne que bacler un appartement témoin.