On a coutume de dire qu’on ne manage que ce qu’on peut mesurer. On peut également ajouter que l’entreprise n’entreprend que si elle peut piloter. Ce qui revient à dire que l’entreprise n’entreprend rien dont elle ne puisse mesurer le résultat. Peut être une lapalissade mais cela va mieux en le rappelant. S’agissant de médias sociaux, combien de projets laissés en salle d’attente faute d’impact mesurable. « Vous comprenez…connecter les individus, partager l’information et tout ça c’est fort sympatique….mais on a du mal de vraiment démontrer l’impact ».
Laissez moi donc ajouter aux deux adages sus-mentionnés un troisième de mon cru : il n’est pas de choses plus difficile à mesure que celle qu’on ne veut surtout pas mesurer.
Souvenons nous d’abord qu’un projet social software se mesure à trois niveaux : utilisation de l’outil, alignement des contenus avec les besoins et utilisation de ces informations et de ces nouvelles manières d’intéragir pour créer de la performance organisationnelle.
Je ne vais pas m’étendre sur un sujet déjà largement traité dans le billet lié plus haut, mais si un projet « social software » tel qu’il soit ne se traduit pas par un changement au niveau de certaines métriques opérationnelles claires et simples, c’est soit qu’on se sert mal de l’outil soit on l’a implémenté sans se poser la question de sa pertinence par rapport au contexte, sans se préoccuper du sens ou de l’alignement.
Qu’on se le dise une fois pour toute : tout est mesurable. Parfois de manière simple et immédiatement quantifiable, parfois de manière plus complexe lorsqu’il s’agit de quantifier des éléments qualitatifs. Il n’empêche qu’il existe toute une panoplie d’outils, d’enquêtes internes pour mesurer le ressenti des salariés par rapport à telle ou telle chose et qu’il ne tient qu’à l’entreprise de les mettre en œuvre. C’est comme cela qu’on apprend si les collaborateurs trouvent la connaissance plus accessible, si le fait d’accéder plus facilement aux autres les aide à faire mieux, si le sentiment d’appartenance se renforce, si les échanges finissent par rendre le discours de l’entreprise plus clair à saisir… Pour toutes les autres choses il existe des indicateurs simples et direct.
Sachant cela on doit pouvoir se dire qu’en fonction du projet, on peut mesurer l’impact du projet social software soit par quelques indicateurs opérationnels soit (ou parfois en complément) via des enquêtes / sondages (typiquement pour tout ce qui touche au ressenti, ce qui peut être du domaine de la com’ ou des RH) et donc que la question est close. Il n’en est malheureusement rien. Pas en raison du caractère non-mesurable des choses mais en raison du refus de mesurer.
Quelque cas en vrac :
Le projet impacte des variables mesurables qu’on ne mesurait pas : il arrive, et c’est heureux, que de nouveaux outils couplés à de nouvelles pratiques permettent des avancées notoires sur des points dont on pensait qu’ils resteraient indéfiniment immuables. « Pourquoi mesurer alors que de toute manière on ne peut rien y changer ». Il arrive également que des points jusqu’alors considérés comme négligeables commencent à avoir un poids de plus en plus important. Cela peut imposer un travail en profondeur visant à concevoir des indicateurs pertinents dans le contexte, encore nébuleux et mal maitrisé, d’entreprises et de collaborateurs évoluant dans l »économie de la connaissance ».
A titre d’exemple cela fait finalement peu de temps que les entreprises commencent à s’intéresser vraiment au temps perdu dans des goulots créés par l’usage parfois inapproprié du mail et un mauvais partage de l’information. On se préoccupe également peu de mesurer les choses en termes de cycles. Bien sur on a les cycles de vente, d’innovation. Mais quid de la chose au niveau d’une équipe : cycles de décision, de résolution de problèmes etc….?
Il semble également que le passage d’un fonctionnement en mode « push » à un fonctionnement en mode « pull » permettait de diminuer la charge liée au traitement de l’information non désirée et non immédiatement utile au bénéfice de l’information réellement utile et immédiatement nécessaire pour créer de la valeur. Par contre, alors que le notion de « charge » d’une machine est connue est maitrisée, le sujet est souvent bclé dès lors qu’on parle d’individus, a fortiori pour les knowledge workers. Ca n’est pas parce qu’on parle d’une grandeur qui n’est vas visuellement observable que l’individu a une capacité de traitement illimitée. Et assigner des tches au delà de cette capacité fait qu’on ralentit toute l’organisation.
Il y a aussi les mesures qu’on ne veut pas effectuer. « L’objectif est de mieux diffuser l’information sur ce sujet stratégique, l’expliquer, et pour cela il importe de mobilier et de faciliter les discussions à grande échelle avec l’équipe projet. – Ah, très bien, il faudrait donc faire à minima une enquête pour savoir si les collaborateurs comprennent l’enjeu, s’ils estiment être informés, comprendre, et si leurs questions trouvent des réponses dans les dispositifs actuels…puis la renouveler pour voir l’impact de l’utilisation de vos nouveaux outils… – On ne va quand même pas faire ça, ça va être fastidieux et en plus on ne l’a jamais fait ». L’acquisition de savoirs se mesure, l' »awareness » se mesure, le sentiment d’appartenance également….
Il y a enfin le mythe de la nouveauté. Bien sur, phénomène nouveau égale nécessité de se pencher sur des indicateurs nouveaux. Mais si on change la manière de faire on ne change pas le but. Aussi il ne faut pas avoir peur d’user également de vieux indicateurs, choisis avec soin en fonction du but qu’on se donne : chiffre d’affaire, cycle de vente, volume d’idées, CA généré par les idées crowdsourcées…(Les indicateurs de type Balanced Scorecard font souvent merveille ici). A titre d’exemple j’ai vu une entreprise utiliser des médias sociaux pour améliorer la productivité et la qualité de service de son support technique. Métriques utilisées : temps de résolution d’un problème et Net Promoter Score. Bien vu.
Ce que je veux dire par là c’est que si trouver la mesure adéquate peu être plus ou moins simple en termes de conception des indicateurs, si le fait même de mesurer peut être plus ou moins laborieux, il ne faut pas confondre « refus de mesurer » et « absence de bénéfice mesurable ».
Une remarque en passant. Il semble bien que la possibilité de mesurer et de déterminer des indicateurs soit clé en amont du projet, soit une condition sine qua non de son lancement….et finisse aux oubliettes une fois les choses lancées. Dommage.
Quoi qu’il en soit on ne peut à la fois conclure à l’inexistence de bénéfices tangibles et refuser de s’atteler à la mise en place d’un référentiel d’indicateurs appropriés.