Je voudrais prendre quelques minutes pour faire un rapide retour sur le premier Enterprise 2.0 Forum parisien qui s’est déroulé les 17 et 18 mars derniers. Quelques mots sur le contexte tout d’abord.
J’étais à la recherche d’un événement vraiment professionnel sur le sujet à Paris. Qu’entend-je par « professionnel » ? Je ne supporte plus les présentations de 40 minutes où l’on vend un appartement témoin et où la conclusion est « c’est super ce qu’ils font mais je ne vois pas comment faire la même chose chez moi » et où on a la vague impression que plutôt qu’apporter des solutions à nos problèmes on nous vend un bout de rêve nappé d’un gros morceau de logiciel. Bref, le participant moyen repart avec des étoiles pleins les yeux mais se rend compte au moment du réveil que ça ne l’aide guère à avancer dans ses projets. Je ne parle même pas des événements où nous nous retrouvons entre experts, gourous, praticiens convaincus et échangeons sur nos certitudes avant de se rendre compte que ceux que nous sommes supposés aider n’étaient pas dans la salle.
C’est avec cette idée en tête que j’avais assisté à l’Enterprise 2.0 Summit de Franfort et avais été frappé par deux choses. Le format qui valorise l’échange au détriment des discours unilatéraux (échange avec le présentateur mais également entre les participants) et le fait que les sponsors, s’ils pouvaient être présents autour de l’événement et de la salle de conférence, n’avaient pas droit de cité sur scène pour vendre leur produit. L’idée est donc venue de reproduire ce schéma à Paris avec, pour la première édition, une ambition modeste eu égard au faible temps dont nous dispositions : montrer que c’était possible dans un format local et majoritairement en français, apporter non pas des discours mais une forte plus-value aux participants. Je pense que nous avons réussi et je peux déjà vous assurer que nous rééditerons l’expérience l’an prochain, forts de ce premier succès qui nous permettra de penser un peu plus grand (et surtout d’avoir non plus 2 mais 12 mois devant nous pour nous préparer).
Dernier point avant de rentrer dans le vif du sujet. On juge généralement ce type d’événement au regard de la qualité des interventions. La format que nous avons choisi ne s’en satisfait pas car il repose sur la participation active des participants (ce qui impose d’ailleurs de garder une taille « humaine » pour favoriser les échanges). Et si j’ai eu un grand nombre d’échos positifs on le doit tout autant à la qualité du public qui posait les bonnes questions. Quand une salle n’est peuplée que de personnes qui doivent faire avancer ces projets en entreprise, le débat atteint de suite un niveau supérieur.rnrnAprès la forme, le fonds. Mes conclusions en quelques points. Fini le temps de l’évangélisation. On ne questionne plus sur la pertinence ou l’intérêt des choses mais sur le « comment je fais dans le contexte dans mon entreprise dès demain ».
On parle « business ». Le facebook d’entreprise est passé de mode. On parle de méthodes de travail qui permettent d’améliorer la performance.
On arrête de jouer. Désormais les projets sont globaux et portés par la direction générale. Fini les bulles sociales et les expérimentations deconnectées de la réalité. On pense global et le pilote n’est plus fait pour tester mais n’est que la phase d’apprentissage avant la généralisation. A ce titre j’ai beaucoup apprécié la démarche de Claire Flanagan qui travaillé avec une limite de temps (5 mois) mais sans limite d’utilisateurs ce qui a permis d’atteindre rapidement une masse critique (environ 30 000) d’utilisateurs sur la seule base du volontariat.
L’outil vient après. On a beaucoup parlé management, culture, gouvernance. 90% des intervenants n’ont même pas mentionné l’outil utilisé, la question est ailleurs (même s’il existe une tête de turc en la matière qui revient comme un contre-exemple générique). Meilleur exemple : Danone qui a lancé son programme « Networking attitude » en 2003. Tout est managerial et comportemental. Du management 2.0 sans outils web 2.0. La dimension outil n’est arrivée qu’une fois que la dimension humaine a été adoptée dans le quotidien des collaborateurs.
Les DRH sont hors du coup. A de rares exceptions près elles ne sont pas au cœur du projet. Vu l’ampleur des projets présentés elles ne peuvent pas ne pas savoir donc la question est : ont elles décidé de passer leur tour et rester en retrait ou est-ce une marque de désintéret de leur part (voire une crainte leur faisant laisser ce poids aux autres ?)
Les DSI ne peuvent plus bloquer. Soit elles sont proactives et jouent leur rôle de fournisseur de service, d’apporteur de solution, de facilitation interne, soir le projet se fait malgré elles. A la Lyonnaise des eaux c’est au sein de la DSI que l’on trouve les activistes du projet. Ils ont d’ailleurs leur propre pôle au sein de la DSI (ce qui n’est pas commun) car ils adressent autant des sujets humains et managériaux que techniques.
On ne fait rien sans relais locaux. Une fois des leaders identifiés il faut continuer à associer les utilisateurs qui se dégagent du lot et les impliquer en leur demandant de travailler sur des scenarios d’usage adaptés à leur propre situation, localement.
Pas de modèle unique. A chaque entreprise de définir sa stratégie en fonction de sa culture et des cultures locales.
Support du top management. Cela fait longtemps qu’on le sait mais il apparait clairement qu’un goulot d’étranglement apparait lorsque le top management n’est pas un sponsor actif. Je ne parle pas là d’une lointaine bienveillance (allez y….je regarde de loin), mais d’une capacité à appréhender la nouveauté, la faire sienne, et se projeter afin d’être un sponsor actif.
L’autogouvernance fonctionne : dans de nombreux cas présentés, les utilisateurs peuvent créer contenus ou, surtout, groupes et communautés à l’envie, sans limitation ni demande à formuler. Que ce soit sur cet aspect comme sur celui de la modération des contenus, les entreprises qui le pratiquent n’ont aucun soucis à déplorer.
Un nouveau vocable arrive également : moins de 2.0 et de social, plus de performance, de valeur, de collaboration et de « getting work done ». On parle de la même chose mais avec du recul et davantage de maturité.
En conclusion on assiste à la fin du « social washing ». Tout le monde comprend qu’il ne s’agit pas d’une alternative à mettre à toutes les sauces pour remplacer l’existant, mais de quelque chose qui doit faire partie d’une logique globale d’entreprise. Il ne s’agit pas d’opposer le « old school pas social » et « le social qui est l’avenir de tout » mais d’avoir une réflexion globale au sein de laquelle les deux s’entremêlent.
L’entreprise 2.0 sera faite le jour où le 2.0 n’y sera plus visible mais fondu dans un tout. Le « social everywhere » où cette nouvelle dimension enrichit l’actuel et ou les deux se diluent l’un dans l’autre devient donc bien plus pertinent que le « everything social » qui tendrait à tout vouloir jeter par les fenêtres pour mettre du neuf, même là où ça n’a pas de sens.