Si le concept de community management se cherche encore, on commence véritablement à voir émerger des réflexions solides et pleines de sens sur le sujet. Il y a quelque temps mon attention a été attirée par un numéro du « Buzzomètre » consacré au sujet, animé et publié par Emery Doligé. Lors du visionnage de la vidéo il y a une phrase qui a attiré mon attention, le genre de phrases qui vous fait penser « mais oui…lui/elle a tout compris » ! Et la phrase en question était « le community management est un processus » (que l’on doit en passant à Sandrine Plasseraud de We Are Social)
Je vais peut être m’éloigner quelque peu de la vision de départ des participants à ce plateau mais j’aimerai aller plus loin dans cette réflexion a mon avis pleine de sens. Et, une fois n’est pas coutume, je vais avant tout parler de pratiques à l’attention de l’extérieur de l’entreprise, même si, comme on le verra, elles n’ont guère de valeur sans lien avec l’interne.
Le community management est un processus
Désolé pour les nostalgiques du coté « freestyle » et « fête au village » mais le community management, a fortiori lorsqu’il s’exerce vers l’extérieur de l’entreprise, est non seulement un processus mais un processus qui doit être très encadré. Quel que soit le niveau de seniorité et d’autonomie de la personne en charge de la chose (et surtout lorsque les deux sont faibles) il s’agit de :
définir les objectifs de cette activité
définir le périmètre d’intervention, sujets à traiter et à ne pas traiter, sujets sur lesquels répondre ou ne pas répondre.
définir le processus de traitement de l’intervention : quelle information « pousser », quelle information « remonter », et quoi en faire, quel suivi, quel reporting, quelles actions ?
le niveau d’autonomie : jusqu’ou le community manager peut il aller, peut il prendre l’initiative, jusqu’où peut il engager l’entreprise (car sa parole engage l’entreprise).
l’organisation de la subsidiarité : lorsqu’on est hors du périmètre d’autonomie, à qui référer, à qui demander une réponse.
le support au community manager : dans le cas pré-cité, s’assurer que la personne qui sera solicitée comprenne que sa réponse n’est pas facultative et qu’elle doit se faire dans des délais compatibles avec les attentes du public, du client…
définir le « style online » : quel ton adopter ? quelle proximité avec les internautes ?
Cela peut paraitre quelque peu contraignant mais c’est à ce seul prix que le community manager sera à l’aise et n’aura pas peur de mal faire, que l’entreprise sera à l’aise avec son community manager et n’aura pas peur qu’il commette des erreurs, que le community manager saura qu’il sera suivi et aidé dans ses actions. Une bête histoire de confiance réciproque en somme : l’encadrement est le meilleur moyen d’avancer en attendant que la confiance se crée et se gagne pour peu qu’il soit intelligent.
Mais voilà ça n’est pas tout. Dans les lignes qui précèdent on comprend facilement que le community manager n’est pas une protubérance isolée de l’entreprise sur le web mais il son action s’inscrit dans le cadre de sphères déjà connues et délimitées. Si le community management est un processus en soi, il s’inscrit donc dans d’autres processus, qui sont, eux, beaucoup plus traditionnels.
Le community management doit faire partie d’un (ou plusieurs) processus
Si on ne veut pas que le community manager soit payé à brasser de l’air de manière improductive voire dangereuse (dans le cas où il serait tellement dans sa bulle qu’il pourrait sans le savoir agir d’une manière qui serait nuisible à son employeur), il faut intégrer son action dans le cadre de périmètres et de processus plus traditionnels. Que représente pour une dircom’ quelqu’un qui communique, pour une direction de l’innovation quelqu’un qui écoute les suggestions des clients, pour une direction marketing quelqu’un qui fait la promotion des produits de l’entreprise (liste non exhaustive…) sans aucune concertation ni cohérence avec ceux en charge de ces domaines ? La réponse est simple : la personne en question ne représente au mieux rien, au pire un danger.
Entendons nous bien : il n’est pas question de dire, pour l’ensemble des fonctions pré-citées, que leur avenir se situe sur Facebook ou Twitter et que tout ce qui a pu être fait par le passé est à jeter aux orties. D’ailleurs toutes les entreprises que je vois avoir une utilisation efficace de ces médias ont un point commun :
elles n’ont pas fait le choix de payer une ou plusieurs personnes pour gazouiller sur le net en occupant le terrain pendant que les autres collaborateurs font un vrai travail. Elles ont réfléchi à ce que signifiait créer de la valeur dans l’économie et le contexte d’aujourd’hui. Ce faisant elles ont gardé tout ou partie de l’ancien mais également ajouté des choses nouvelles pertinentes dans cette optique. Les médias sociaux ne sont pas devenu la raison d’être de leur mission et de leurs processus mais un canal d’exécution, de « delivery » supplémentaire, pleinement intégré dans leur fonctionnement global.
Quelques exemples en vrac :
Communication / marketing : toucher des personnes qu’on ne touche plus sur des médias traditionnels
Innovation / R&D : feedback temps réel sur produits et services, possibilité d’associer le consommateur à la discussion, de montrer la prise en compte de son avis
Support : réponse aux questions des clients où qu’ils s’expriment.
Communication de crise : délivrer un message scalable et se doter d’un canal de réponse qui désengorge les canaux traditionnels afin de traiter plus rapidement les cas de ceux qui ne savent utiliser que ces canaux. Et oui, répondre sur twitter à ceux qui utilisent twitter c’est désengorger le standard téléphonique pour mieux servir ceux qui ne l’utilisent pas.
Ce ne sont que quelques exemples peu détaillés mais la logique est là et elle est plutôt simple à comprendre.
Au fait, pourquoi ajouter un canal de plus alors que le client n’a qu’à être bien discipliné et aller là où l’attend ?
– parce que le client ne veut justement plus aller faire la queue au guichet alors qu’il sait que le guichet peut venir à lui
– le client est devenu « ATAWAD » : any time, anywhere, any device. Et il valorisera l’entreprise qui adopte les mêmes pratiques
– le client qui s’exprime sur ces médias au lieu d’envoyer un email ou de téléphoner au service client le fait pour une raison : soit il sait qu’on ne lui répond jamais (ou mal) soit il ne sait à qui s’adresser et exprimer sa frustration en public. Aller le retrouver là où il est c’est lui apporter un service qu’il n’attendait pas (ou plus) et avoir une chance sérieuse de transformer un message de frustration en un message de gratitude.
– parce que les intéractions y sont très scalables, et que tout ce qui sera traité sur ces médias désengorgera les canaux traditionnels et améliorera leur efficacité.
Une notion relativement complexe qui va donc largement au delà de la communication et impose de revisiter la ‘tuyauterie’ interne ainsi que de sensibiliser et accompagner le management, les « owners » internes des processus qui emprunteront le canal « média social & communautaire » en bout de chaine.
Et dans un prochain billet l’illustration de tout cela par un petit cas pratique imaginaire (mais plus que crédible…)